Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2016, M. C...A..., représenté par Me Bellanger, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 670 318 euros sauf à parfaire ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A...soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car insuffisamment motivé ;
- l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard dès lors que le manquement de l'Etat à ses obligations de contrôle en matière de transport aérien est bien caractérisé ;
- le ministre en charge de l'aviation civile avait l'obligation de s'assurer de la stabilité financière de la société Euralair Horizons avant de lui délivrer la licence d'exploitation prévue par les dispositions de l'article L. 330-1 du code de l'aviation civile ;
- il a subi un préjudice directement en lien avec cette faute résultant d'une perte de chance de maintenir un partenariat commercial avec la société Euralair ;
- il n'a obtenu, devant le Conseil des Prud'hommes de Bobigny, que la réparation des préjudices subis en qualité de salarié.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement communautaire 2407/92 du 23 juillet 1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires ;
- le code de l'aviation civile ;
- la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin,
- les conclusions de Mme Bruno-Salel,
- et les observations de Me Bellanger pour M. A...et de Me B...pour le Ministre de la transition écologique et solidaire.
Une note en délibéré présentée pour M. A...a été enregistrée le 24 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...a été engagé au mois de septembre 1999 par la société Euralair International Sarl, filiale de la holding Euralair SA, aux fins d'exercer une activité de pilote de ligne et mettre en place un programme de formation interne des pilotes. Par traité d'apport à la société SEBCE, la société Euralair SA a décidé de créer une nouvelle entité, Euralair Horizons, dans le but de constituer une filiale dédiée aux activités de transport charter. Cette société a obtenu du ministre en charge des transports, le 28 décembre 2000, une licence d'exploitation aérienne. M A...a, ensuite, le 29 décembre 2000, été transféré en qualité de pilote de ligne au sein de la société Euralair Horizons, tout en constituant parallèlement la société Artémia, dont l'objet consistait à fournir des prestations de formation pour les pilotes et dont l'essentiel de l'activité avait vocation, par convention signée avec Euralair Horizons, à pourvoir aux besoins de formation de cette dernière. Toutefois, le 1er août 2001, M. A...a été licencié pour faute lourde ce qui a eu également pour conséquence de mettre fin aux relations contractuelles entretenues par la société Euralair Horizons et la société Artemia. M. A...a alors recherché devant le Tribunal administratif de Montreuil la responsabilité de l'Etat afin d'obtenir réparation des préjudices nés de la perte de chance de maintenir un partenariat commercial avec la société Euralair, préjudices qu'il impute à une carence fautive de l'Etat dans l'exercice de ses activités de contrôle de la stabilité financière des entreprises de transport aérien lorsqu'il leur délivre une licence d'exploitation. Par un jugement du 16 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. M. A...relève régulièrement appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A...soutient que le jugement serait insuffisamment motivé dès lors qu'il avait soutenu dans ses écritures de première instance que l'illégalité fautive de la décision du ministre en charge des transports du 28 décembre 2000 avait permis, tout à la fois, l'entrée en relation de l'appelant avec une compagnie aérienne en situation déficitaire ne répondant plus aux critères du maintien d'une licence d'exploitation, son transfert à la société Euralair Horizons SAS, le montage de l'externalisation de la formation du personnel navigant technique par le biais de l'entreprise constituée par l'appelant, puis son éviction.
3. Toutefois, le jugement attaqué, qui rejette la requête indemnitaire de M. A...en jugeant que, " en admettant même l'existence d'une faute ", la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée à défaut de lien de causalité entre cette dernière et les préjudices dont se prévalait M.A..., préjudices au demeurant non distincts de ceux ayant fait l'objet d'une indemnisation par le Conseil des Prud'hommes de Bobigny dans le cadre du litige relatif au licenciement de M. A..., a relevé l'absence de deux conditions nécessaires à l'engagement de la responsabilité de l'Etat. Il pouvait ainsi, sans avoir à se prononcer sur l'existence d'une faute non plus que sur l'ensemble des arguments développés par M. A...à l'appui de sa démonstration de l'existence d'un lien de causalité entre cette faute alléguée et les préjudices subis, rejeter la demande de ce dernier. Il n'a, ce faisant, entaché son jugement d'aucune omission à statuer, ni défaut de motivation. Le jugement n'est donc pas irrégulier.
Sur la responsabilité de l'Etat :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir et l'exception de prescription soulevées par l'Etat :
4. D'une part, aux termes de l'article 5 du règlement communautaire 2407/92 du 23 juillet 1992 : " 1. Toute entreprise de transport aérien demandant une licence d'exploitation pour la première fois doit pouvoir démontrer de manière suffisamment convaincante aux autorités compétentes de l'Etat membre qui délivre les licences qu'il sera à même : / a) de faire face, à tout moment, pendant une période d'au moins 24 mois à compter du début de l'exploitation, à ses obligations actuelles et potentielles évaluées sur la base d'hypothèses réalistes / et / d'assumer, pendant une période de trois mois à compter du début de l'exploitation, des frais fixes et dépenses d'exploitation découlant de ses activités conformément au plan d'entreprise et évalués sur la base d'hypothèses réalistes, sans avoir recours aux recettes tirées de ses activités. (...) "
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 330-1 du code de l'aviation civile applicable à la date de la délivrance de la licence d'exploitation à l'origine du litige : " (...) L'activité de transporteur aérien public est subordonnée à la détention d'une licence d'exploitation et d'un certificat de transporteur aérien délivrés par l'autorité administrative dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat et conformément aux dispositions du règlement (CEE) n° 2407/92 du 23 juillet 1992 concernant les licences des transporteurs aériens, annexé au présent code. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 330-1 du même code dans sa version en vigueur jusqu'au 16 mars 2003 : " L'autorisation d'exercer une activité de transport aérien prévue à l'article L. 330-1 est accordée par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile, après avis du conseil supérieur de l'aviation marchande portant notamment sur les garanties morales, financières et techniques que présente l'entreprise intéressée et sur l'opportunité de la création d'un service nouveau de transport aérien. / L'arrêté précise l'objet du transport autorisé ainsi que la ou les zones d'activité de l'entreprise. "
6. M. A...demande la réparation des préjudices nés de la perte de chance de maintenir un partenariat commercial avec la société Euralair Horizons. Toutefois, les préjudices invoqués, à les supposer établis, ne peuvent être regardés comme étant la conséquence directe de l'illégalité alléguée de la décision du 28 décembre 2000 accordant une licence d'exploitation aérienne à la société Euralair Horizons. En effet, il résulte de l'instruction que la mise en redressement judiciaire de la société n'est intervenue que le 3 novembre 2003, soit à une date à laquelle M. A... avait fait l'objet, de la part de la société Euralair Horizons, son employeur, d'une décision de licenciement pour faute lourde intervenue dès le mois d'août 2001. Cette décision, qui impliquait nécessairement, ainsi que le reconnaît le requérant lui-même dans sa requête, la perte de ses qualifications de vols aux instruments et pour la conduite d'avions de type Boeing de nouvelle génération, et la fin des relations contractuelles entretenues par la société Euralair Horizons et la société Artemia, doit dès lors être regardée comme étant à l'origine directe des préjudices allégués, sans qu'y fasse la circonstance que le licenciement dont M. A...a été l'objet a été ultérieurement jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par jugement du Conseil de Prud'hommes de Bobigny le 25 février 2005, ou encore la circonstance que la société Euralair Horizons, employeur de M.A..., a été placée en procédure de redressement judiciaire ainsi qu'il a été dit. Dès lors, à défaut de lien de causalité entre la faute alléguée et les préjudices invoqués, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'une faute commise par l'Etat dans le cadre de ses activités de contrôle en matière de transport aérien, non plus que sur le principe et quantum des préjudices allégués, les conclusions indemnitaires de M. A...doivent être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A...la somme qu'il lui demande au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...la somme de 4 000 euros que réclame le ministre de la transition écologique et solidaire sur le fondement de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du ministre de la transition écologique et solidaire tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 16VE01469