Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 août 2016, la Société Sazis Shop, représentée par Me Bardet, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du directeur général de l'OFII du 11 mars 2014 ;
3° de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement à son profit de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la motivation du jugement ne caractérise pas le lien de subordination permettant de retenir l'application des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ;
- la matérialité des faits de travail dissimulé n'est pas établie ; notamment, le lien de subordination, avec un pouvoir de direction et de sanction de l'employeur, n'est pas établi et la preuve de l'existence d'une relation de travail n'est pas rapportée ; le jugement n'a pas pris en compte les déclarations du gérant de la société au sujet de la présence de son frère dans l'établissement ;
- il n'a d'ailleurs fait l'objet que d'un rappel à la loi par le procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Pontoise ; ce rappel à la loi est dépourvu de l'autorité qui s'attache à la chose jugée ;
- l'élément intentionnel, permettant de caractériser l'embauche et l'emploi de M. A..., et donc de retenir la qualification de travail dissimulé, n'est pas établi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin,
- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle effectué le 20 novembre 2012 dans les locaux de la société Sazis Shop à Cergy, les services de police ont relevé qu'une personne, démunie de titres l'autorisant à séjourner et à travailler en France était en situation de travail. Par un courrier du 2 octobre 2013, le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a invité l'employeur à présenter ses observations dans un délai de quinze jours, ce que la société a fait le 14 octobre 2013. Par une décision du 11 mars 2014, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail pour un montant de 17 450 euros pour l'emploi irrégulier d'un travailleur ainsi que la contribution forfaitaire prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 309 euros représentative des frais de réacheminement. La société Sazis Shop relève régulièrement appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 11 mars 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des pièces du dossier que le tribunal a, au terme d'une rédaction suffisamment étayée, écarté au point 4 de son jugement, le moyen tiré de ce que la relation de travail unissant le gérant de la société Sazis Shop à M. B...n'était pas établie et donc l'erreur de fait, d'appréciation et de droit alléguées par la société requérante. Le tribunal n'avait pas à motiver davantage son jugement s'agissant du lien de subordination unissant les protagonistes dès lors que ce point n'était pas spécifiquement contesté dans les écritures de la requérante. Par suite, le grief tiré de l'insuffisante motivation du jugement sur ce point doit, eu égard aux termes dans lesquels le moyen était articulé en première instance, être écarté comme manquant en fait.
Sur le bien fondé du jugement :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-1 de ce code : " La contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est due pour chaque étranger employé en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1. / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail. ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. (...) ".
4. D'une part, il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique, fût-il indirect, de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant. Dès lors, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
5. Si la société requérante conteste l'existence d'une relation de travail rémunérée et impliquant un lien de subordination entre le gérant de la société requérante et M.B..., il ressort des pièces du dossier et notamment termes du procès-verbal d'audition de M.B..., établi le 28 novembre 2012 en présence d'un interprète tamoul et dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, que ce dernier tenait la caisse le 20 novembre 2012, date du contrôle de police effectué au sein des locaux de la société Sazis Shop afin de remplacer son frère parti en déplacement. En outre, il est établi par les pièces du dossier que le gérant de la société avait rédigé une promesse d'embauche au bénéfice de son frère, la circonstance que cette dernière ayant été rédigée afin, notamment, d'être produite à l'appui d'une demande de titre de séjour, étant sans incidence. Si la société requérante conteste la matérialité de ces faits, en soutenant, notamment que M. B..., frère du gérant, était présent de sa seule initiative dans la boutique le jour du contrôle, qu'il était venu " prendre un café " et non tenir la caisse et qu'il n'était pas rémunéré, ces allégations sont insuffisantes pour remettre en cause le lien de subordination et la relation de travail unissant les protagonistes tels qu'établis par les autres pièces du dossier. Dans ces conditions, la matérialité des faits doit être regardée comme établie et le moyen écarté.
6. Si la société requérante se prévaut également de l'absence d'élément intentionnel, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé des contributions dont la décharge est demandée.
7. Enfin, la circonstance que la société ait fait l'objet d'un simple rappel à la loi en date du 21 février 2013 est, compte tenu de l'indépendance des procédures administratives et judiciaires, sans incidence sur le bien-fondé des contributions mises à sa charge.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sazis Shop n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'OFII du 11 mars 2014. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris, les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Sazis Shop, sur le fondement de ces mêmes dispositions, une somme de 1 500 euros à verser à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sazis Shop est rejetée.
Article 2 : La société Sazis Shop versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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N°16VE02583