Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 12 février 2020, la société Alapont France, représentée par Me Gensollen, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le dépens.
Elle soutient que :
- la décision du 27 mars 2017 a été prise par une autorité compétente ;
- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu ; à la supposer établie, une telle méconnaissance n'a privé M. B... d'aucune garantie et n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision prise par l'inspectrice du travail ;
- la procédure préalable au licenciement a été respectée, dès lors que la consultation du comité d'entreprise est régulière ;
- l'obligation de reclassement interne et externe a été respectée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ablard,
- et les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B... a été recruté le 14 novembre 2006 par la société CNIM Transports Services. Son contrat de travail a été transféré le 14 janvier 2011 à la société Alapont France, au sein de laquelle il exerçait les fonctions de technicien de montage et de maintenance et détenait depuis le 8 juillet 2011 le mandat de délégué du personnel titulaire. Par un courrier du 26 décembre 2016, M. B... a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique, qui a eu lieu le 11 janvier 2017. Par un courrier du 26 janvier 2017, la société Alapont France a demandé à l'unité territoriale des Yvelines de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France l'autorisation de licencier M. B... pour motif économique. Par une décision du 27 mars 2017, l'inspectrice du travail a autorisé ce licenciement. Le recours hiérarchique formé par M. B... contre cette décision a fait l'objet le 30 septembre 2017 d'une décision implicite de rejet de la ministre du travail. La société Alapont France relève appel du jugement du 12 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé ces deux décisions au motif que le caractère contradictoire de l'enquête n'avait pas été respecté par l'inspectrice du travail.
Sur la légalité des décisions des 27 mars 2017 et 30 septembre 2017 :
2. Aux termes des articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ".
3. Ces dispositions impliquent, pour le salarié dont le licenciement est envisagé, le droit d'être entendu personnellement et individuellement par l'inspecteur du travail, sauf s'il s'abstient, sans motif légitime, de donner suite à la convocation. En outre, le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande, dans des conditions et des délais lui permettant de présenter utilement sa défense, sans que la circonstance que le salarié soit susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. A ce titre, le salarié doit, à peine d'irrégularité de l'autorisation de licenciement, être informé non seulement de l'existence des pièces de la procédure, mais aussi de son droit à en demander la communication.
4. La décision attaquée du 27 mars 2017 vise " les informations recueillies lors de l'enquête contradictoire réalisée le 14 mars 2017 dans les locaux de l'inspection du travail et durant laquelle les deux parties ont été mises à même d'être individuellement entendues ". S'il est constant que M. B... ne s'est pas présenté à l'entretien du 14 mars 2017 auquel il avait été convoqué par un courrier de l'inspectrice du travail du 14 février 2017, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que celui-ci aurait par ailleurs été informé de son droit à demander la communication de l'ensemble des pièces produites par la société Alapont France à l'appui de sa demande et aurait été, ainsi, mis à même de prendre connaissance de ces éléments dans des conditions lui permettant de présenter utilement sa défense. A cet égard, il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'un courriel de la DIRECCTE adressé le 21 septembre 2017 à M. B... à l'occasion de l'examen de son recours hiérarchique, que les bilans et comptes de résultats de la société Alapont France au titre des années 2014 et 2015, en possession de l'inspectrice du travail et susceptibles de justifier le motif économique du licenciement, n'avaient pas été communiqués à l'intéressé, préalablement à l'intervention de la décision attaquée du 27 mars 2017. En outre, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'inspectrice du travail aurait communiqué à M. B... les éléments produits par la société Alapont France de nature à établir qu'elle aurait respecté son obligation de reclassement. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la société Alapont France ne peut utilement soutenir que l'intéressé était déjà informé des difficultés économiques justifiant son licenciement. Enfin, si la société Alapont France soutient que l'absence de communication à l'intéressé des éléments susmentionnés ne l'a privé d'aucune garantie et n'a exercé aucune influence sur le sens de la décision attaquée du 27 mars 2017, l'accès à l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement, dans les conditions susmentionnées, constitue une garantie pour le salarié protégé. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le caractère contradictoire de l'enquête menée par l'inspectrice du travail a été méconnu.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la société Alapont France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 27 mars 2017 autorisant le licenciement pour motif économique de M. B..., ainsi que, par voie de conséquence, la décision implicite de rejet du recours hiérarchique présenté par ce dernier.
Sur les dépens :
6. Aucuns dépens n'ayant été exposés dans la présente instance, les conclusions de la société Alapont France tendant au remboursement des dépens sont sans objet et doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Alapont France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Alapont France une somme de 1 500 euros, à verser à M. B..., au titre de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Alapont France est rejetée.
Article 2 : La société Alapont France versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 20VE00474 2