Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 décembre 2017 et régularisée le 11 janvier 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 3 mai 2018, la SAS Radio Orient, représentée par Me Hirsoux, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de confirmer la légalité de la décision du 29 juillet 2014 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail du 2 décembre 2013 refusant son licenciement pour motif économique, a annulé la décision susmentionnée de l'inspecteur du travail et a accordé l'autorisation de licencier Mme C... ;
3° de condamner Mme C... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que la demande de licenciement est sans lien avec le mandat de l'intéressée : la réalité du motif économique du licenciement est d'ailleurs avérée et reconnue par l'administration et elle a satisfait à son obligation de reclassement à l'égard de la salariée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lepetit-Collin,
- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteur public,
- les observations de Me Dufresne-Castets pour Mme C... et le SNRT-CGT.
Considérant ce qui suit :
1. La société Radio-Orient, qui a pour activité la radiodiffusion des informations et programmes culturels et musicaux en langue française et arabe, a sollicité, par courrier du 30 septembre 2013, l'autorisation de licencier pour motif économique Mme A... C..., employée dans la société en qualité d'assistante depuis le mois de juillet 1992 et exerçant le mandat de déléguée syndicale. Par une décision du 2 décembre 2013, l'inspecteur du travail a refusé de délivrer l'autorisation de licenciement sollicitée au motif que le lien entre cette demande et le mandat syndical de l'intéressée ne pouvait être écarté. La société Radio Orient a formé à l'encontre de cette dernière décision un recours hiérarchique par un courrier du 30 janvier 2014. Par une décision en date du 29 juillet 2014, le ministre du travail, de l'emploi, et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur ce recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 2 décembre 2013 et a accordé l'autorisation de licencier Mme C.... Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de cette décision. Par un jugement n° 1409322 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif a fait droit à sa demande. La société Radio-Orient relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la société soutient que le tribunal n'a pas répondu aux éléments qu'elle a invoqués en défense de première instance afin de justifier de ses allusions aux heures de délégations syndicales de la salariée au cours de l'enquête devant l'administration du travail, ces éléments de contexte constituent des arguments, invoqués dans le cadre du moyen relatif à l'existence d'un lien entre le licenciement et le mandat de la salariée, auxquels les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre. Le jugement n'est donc entaché d'aucune omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés investis de fonctions représentatives bénéficient d'une protection exceptionnelle. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement de l'intéressé en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise. En outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence.
4. D'une part, le motif économique du licenciement, dont la réalité a été reconnue par l'administration, tant par l'inspecteur du travail que par le ministre, n'est pas contesté par Mme C....
5. D'autre part, si Mme C... soutient que l'employeur n'aurait pas satisfait à son obligation de reclassement, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la salariée exerçait les fonctions d'assistante à la direction des programmes depuis le mois de juillet 2012, poste qu'elle était seule à occuper, après avoir exercé les fonctions d'assistante de direction, standardiste, secrétaire attachée au directeur technique à partir de 2001, assistante du directeur du service de l'information de 2008 à 2012. Il ressort des pièces du dossier, qu'en dépit de leur diversité, ces postes recouvraient des tâches similaires et de nature administrative essentiellement, de gestion du courrier, suivi des rendez-vous, prise des appels téléphoniques notamment. Si Mme C... soutient que son employeur ne pouvait la licencier faute de possibilité de reclassement sans lui avoir proposé le poste d'" assistante du service commercial et chargé de communication " occupé par une collègue licenciée pour faute le 14 novembre 2013, soit au cours de la procédure de licenciement de la salariée, il ressort des pièces du dossier que ce poste impliquait la prise en charge de tâches diverses et de nature différente de celles antérieurement effectuées par Mme C..., soit la gestion des plans médias de la publicité, la validation des passages publicitaires des clients à l'antenne, la gestion et l'animation de la page facebook de la société, la gestion des partenariats, la refonte du site internet, la rédaction de plaquettes publicitaires, tâches qui excédaient celles jusqu'alors confiées à Mme C... et que l'employeur n'aurait pu lui confier sans être contraint de lui offrir une formation initiale, offre à laquelle son obligation de reclassement ne le contraignait pas. Par conséquent, alors même que la société ne pouvait opposer à Mme C... la circonstance que ce poste aurait nécessité une plus grande disponibilité que celle dont avait jusqu'alors fait preuve la salariée qui travaillait à temps partiel, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la société Radio-Orient, qui a licencié un quart de ses effectifs, aurait manqué à son obligation de reclassement en s'abstenant de lui proposer le poste d'assistante du service commercial qui a, en outre, été laissé vacant à la suite du départ de la personne en poste.
6. Enfin, il est constant que la présence de Mme C... au sein de la société s'est inscrite dans un contexte marqué, de 2002 à 2008 par des épisodes de crispation des relations l'ayant opposée à son employeur, ainsi que par le retrait de certaines fonctions et un isolement, situation ayant justifié l'intervention, à plusieurs reprises, de l'inspection du travail. Ces faits étaient toutefois anciens de plus de cinq ans à la date de la date de la décision attaquée. Si la requérante évoque une autre difficulté l'ayant opposée à son employeur au sujet de la présence d'amiante dans l'entreprise en 2013, et l'envoi, en 2013, par la direction, d'un courrier évoquant une convocation du comité d'entreprise sur un projet de licenciements économiques pendant la période de congés de Mme C..., il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces incidents aient traduit une attitude de discrimination de l'employeur à l'égard de Mme C.... Enfin, si dans le cadre de la procédure de licenciement de la salariée, la direction a mentionné la question des heures de délégation, ce sujet n'a été évoqué que pour illustrer une difficulté rencontrée dans le cadre de la procédure de reclassement de la salariée. Compte tenu de ces éléments, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licencier Mme C... présentée par la société ait été en lien avec son mandat de déléguée syndicale. Dès lors, la société Radio-Orient est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, pour ce motif, annulé la décision du ministre du travail en date du 29 juillet 2014.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à de ce que la somme demandée par Mme C... et le syndicat national de radiodiffusion et de télévision audiovisuel (SNRT-CGT) sur leur fondement soit mise à la charge de la société Radio-Orient qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Radio-Orient sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1409322 du 7 novembre 2017 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme C... et le syndicat national de radiodiffusion et de télévision audiovisuel (SNRT-CGT) devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par Mme C..., le syndicat national de radiodiffusion et de télévision audiovisuel (SNRT-CGT) et la SAS Radio-Orient sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 17VE03907 2