Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement le 5 décembre 2017, le 18 juillet 2018, le 27 avril 2020 et le 21 décembre 2020, le musée de l'air et de l'espace, représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de la société Ciel et espace ;
3°) à titre subsidiaire, d'exclure la taxe sur la valeur ajoutée de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de la société Ciel et espace la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait et de droit et de dénaturation des pièces du dossier ;
- les conditions de mise en oeuvre de la théorie de l'enrichissement sans cause ne sont pas réunies ; l'enrichissement du musée n'est pas établi ; le jeu-concours ne contribue pas à la réalisation des missions du musée ; la société ne fait état d'aucune dépense utile ; le musée a toujours contesté la réalité des dépenses ; l'appauvrissement de la société n'est pas établi ; le musée n'a jamais donné son assentiment à sa participation au jeu ; l'existence d'un préjudice n'est pas établie ;
- le musée ne saurait être condamné à verser une somme qu'il ne doit pas ;
- à titre subsidiaire, la condamnation doit être exonérée de TVA ;
- aucun lien contractuel entre la société Ciel et espace et le musée de l'air et de l'espace n'est démontré ; aucun marché public n'existe ;
- aucune résistance abusive ne peut être imputée au musée de l'air et de l'espace.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- les observations de Me E..., substituant Me C..., pour le musée de l'air et de l'espace, et celles de Me D..., substituant Me A..., pour la société Ciel et espace.
Une note en délibéré, présentée pour le musée de l'air et de l'espace, a été enregistrée le 13 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ciel et espace, dont la gérance est assurée par l'association française d'astronomie, a organisé au cours de l'année 2009 un jeu-concours d'une durée de six mois intitulé " La pierre venue de Mars ", consistant en la diffusion, tous les quinze jours, d'énigmes sur un site internet dédié. La publicité de cette opération a été assurée dans la revue Ciel et espace, publiée par la société du même nom, et sur le site internet du musée de l'air et de l'espace, établissement public administratif. Un projet de protocole d'accord, rédigé par la société Ciel et espace le 19 janvier 2009 à la suite d'une réunion le 19 mars 2008 entre le directeur de la rédaction du magazine Ciel et espace et le directeur du musée de l'air et de l'espace, a été transmis au musée, qui ne l'a jamais signé, malgré plusieurs relances de la société Ciel et espace. Ce projet de protocole prévoyait que le coût total de l'opération, estimé à 43 170 euros HT, devait être supporté par la société Ciel et espace à hauteur de 25 670 euros HT et par le musée de l'air et de l'espace à hauteur de 17 500 euros HT, soit 20 930 euros TTC. Malgré plusieurs relances de la société Ciel et espace, le musée de l'air et de l'espace n'a pas procédé au règlement de la facture du 3 mars 2009 d'un montant de 20 930 euros TTC. Le musée de l'air et de l'espace relève appel du jugement du 17 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Montreuil l'a condamné à verser à la société Ciel et espace la somme de 12 000 euros TTC, avec intérêts à compter du 16 février 2012. Par la voie de l'appel incident, la société Ciel et espace demande l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a limité à la somme de 12 000 euros TTC la condamnation du musée de l'air et de l'espace.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le musée de l'air et de l'espace soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit, d'erreur de fait, et d'une dénaturation des pièces du dossier, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.
Au fond :
3. En l'absence de tout contrat, l'entrepreneur peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à l'administration envers laquelle il s'était engagé.
4. Aux termes de l'article R. 3413-62 du code de la défense : " Le musée de l'Air et de l'Espace est un établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière placé sous la tutelle du ministre de la défense. / Cet établissement a pour mission d'assurer la conservation et l'enrichissement des collections de l'Etat ainsi que la présentation au public du patrimoine historique et culturel national dans le domaine de l'aéronautique et de l'espace. / Le musée conserve des matériels aéronautiques et spatiaux, de toutes nationalités, en raison de leur valeur historique, scientifique ou technique ".
5. Il résulte de l'instruction, et en particulier du préambule du projet de protocole d'accord ainsi que des échanges de courriels entre la société Ciel et espace et le musée de l'air et de l'espace, intervenus entre le 19 mars 2008 et le 20 octobre 2009, que le jeu-concours en cause, dont la publicité a été assurée dans la revue " Ciel et espace " et sur le site internet du musée, poursuivait un double objectif, à savoir un développement du lectorat de la revue Ciel et espace, et une promotion du musée auprès du public susceptible d'augmenter sa fréquentation. A cet égard, s'il n'est pas établi que la réalisation de ce projet a eu l'impact escompté pour le musée en terme de fréquentation, il a nécessairement, compte tenu de son objet et de sa publicité, contribué à l'amélioration de son image auprès du public. Il résulte de ce qui précède que l'administration, qui doit être regardée comme ayant tacitement donné son accord à l'opération dont s'agit, ne saurait sérieusement soutenir qu'elle n'a pris aucune part à la conception et à l'exécution de cette opération et qu'elle se serait bornée à mettre gracieusement à la disposition de la société Ciel et espace son site internet ainsi que ses locaux.
6. Si le musée de l'air et de l'espace soutient que les dépenses qui lui auraient été utiles ne sont pas justifiées par la société Ciel et espace, il résulte de l'instruction que le projet de protocole d'accord qui lui a été transmis prévoyait que le coût total de l'opération, estimé à 43 170 euros HT, devait être supporté par la société Ciel et espace à hauteur de 25 670 euros HT, et par le musée à hauteur de 17 500 euros HT. Il ressort par ailleurs de ce document que le coût total de l'opération incluait l'achat d'une météorite martienne de 35 grammes, d'une valeur d'environ 12 250 euros HT, qui devait être remise au gagnant du concours. Ce protocole prévoyait enfin que la logistique, la conception, la création du contenu des visuels et le suivi du projet seraient assurés par la société Ciel et espace. A cet égard, si ce protocole d'accord dont le musée de l'air et de l'espace, a eu connaissance n'a jamais été signé par lui en dépit de plusieurs relances de la société Ciel et espace au cours des années 2009 et 2010, il ne résulte d'aucune des pièces versées au dossier que le musée aurait, avant ou pendant le déroulement de l'opération à laquelle il a participé jusqu'à son terme, contesté le montant ou les modalités de financement de ladite opération. Dans ces conditions, et alors qu'il est constant que l'opération exécutée par la société Ciel et espace s'est déroulée jusqu'à son terme et que le prix susmentionné a été remis au gagnant du concours dans les locaux du musée le 24 octobre 2009, cette société doit être regardée comme ayant financé ladite opération et peut prétendre, au titre de la responsabilité quasi-contractuelle du musée de l'air et de l'espace, à être indemnisée de ceux de ses débours qui ont été utiles à l'administration et qui correspondent, ainsi que l'indique la facture n° 036/JEU du 3 mars 2009, aux prestations suivantes : " logistique, conception création contenu et visuel, suivi projet ". Sur ce point, la société Ciel et espace verse, pour la première fois en appel, de nombreuses factures, ainsi que des fiches de paie concernant des frais d'huissier, de graphistes, de location d'un serveur informatique, d'actions de promotion sur les réseaux sociaux, de publicité, d'affranchissement et de masse salariale, de nature à justifier la réalité des dépenses qu'elle a exposées. Alors même qu'elle n'a pas produit la facture d'achat de la météorite remise au gagnant du concours, ces dépenses correspondent à un enrichissement du musée et à un appauvrissement corrélatif de la société Ciel et espace dépourvu de cause juridique. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une exacte appréciation des dépenses utiles engagées par la société Ciel et Espace en les évaluant à la somme de 15 000 euros HT, cette somme étant assortie de la TVA au taux applicable à la date du présent arrêt, soit 18 000 euros TTC. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 février 2012, date de la mise en demeure de paiement.
7. Dès lors que les dépenses en cause ont présenté un caractère utile pour le musée, ce dernier ne saurait se prévaloir de la méconnaissance du principe selon lequel une personne ne peut pas être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas.
Sur l'indemnité pour résistance abusive :
8. Si la société Ciel et espace soutient que le retard dans le paiement des sommes dues est imputable à la résistance abusive du musée de l'air et de l'espace, elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui qui est réparé par l'allocation des intérêts au taux légal. Par suite, les conclusions présentées sur ce point par la société Ciel et espace doivent être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du musée de l'air et de l'espace doit être rejetée et que la société Ciel et espace est fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 12 octobre 2017 a limité le montant de la condamnation du musée de l'air et de l'espace à lui verser la somme de 12 000 euros TTC.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Les conclusions présentées par le musée de l'air et de l'espace, partie perdante dans la présente instance, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Ciel et espace au titre de ces dispositions, en mettant à la charge du musée de l'air et de l'espace la somme de 2 000 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du musée de l'air et de l'espace est rejetée.
Article 2 : La somme que le musée de l'air et de l'espace a été condamné à verser au titre des préjudices subis par la société Ciel et espace par l'article 1er du jugement du 12 octobre 2017 du tribunal administratif de Montreuil est portée à 18 000 euros TTC, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2012.
Article 3 : L'article 1er du jugement n° 1603423 du tribunal administratif de Montreuil du 12 octobre 2017, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le musée de l'air et de l'espace versera la somme de 2 000 euros à la société Ciel et espace au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions d'appel incident de la société Ciel et espace est rejeté.
N° 17VE03681 2