Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2019 sous le n° 19VE01849, la commune de La Garenne-Colombes, représentée par Me Lonqueue, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a commis une dénaturation des pièces du dossier, une erreur de droit et une contradiction de motifs ;
- les faits reprochés à Mme B... sont établis, ont un caractère fautif et justifient la sanction de licenciement ;
- le licenciement à titre disciplinaire exclut le bénéfice d'un préavis et entraîne la perte du bénéfice des droits à congés ; il a ainsi pu prendre effet à la date de sa notification ; en tout état de cause, ces éléments sont sans incidence sur la légalité de la décision de licenciement.
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II. Par une lettre, enregistrée le 28 mai 2019, Mme A... B..., représentée par Me D..., avocat, a saisi la cour d'une demande tendant à l'exécution du jugement n° 1611362 du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Par une ordonnance du 15 janvier 2020, le président de la cour administrative d'appel de Versailles a ouvert, sous le n° 20VE00140, une procédure juridictionnelle afin de prescrire les mesures propres à assurer l'exécution du jugement n° 1611362 du 19 mars 2019 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Par des mémoires, enregistrés respectivement les 14 février 2020, 11 juin 2020 et 10 juillet 2020, Mme B... demande à la cour :
1°) d'enjoindre à la commune de La Garenne-Colombes de la réintégrer juridiquement et effectivement dans l'emploi de responsable-coordinatrice de l'espace insertion dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
2°) d'enjoindre à la commune de La Garenne-Colombes de reconstituer en conséquence ses droits sociaux et à rémunération ainsi que sa carrière dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de La Garenne-Colombes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les demandes présentées à ce titre par la commune.
Elle soutient que le jugement du 19 mars 2019 n'a pas été exécuté et qu'elle n'a pas été réintégrée par la commune ; que les allégations de la commune ne font pas obstacle à sa réintégration juridique et à la reconstitution de ses droits à compter d'octobre 2016 ; à supposer que son emploi ait été réellement supprimé, la commune n'allègue pas que son reclassement dans un autre emploi ne serait pas possible.
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Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- les observations de Me C..., pour la commune de La Garenne-Colombes et celles de Me D..., pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été recrutée à compter du 6 décembre 2006 par la commune de La Garenne-Colombes afin d'assurer les fonctions de coordinateur de l'espace insertion, structure mise en place par la commune requérante, la commune de Bois-Colombes et le conseil départemental des Hauts-de-Seine pour gérer l'accueil, l'instruction des demandes de revenu de solidarité active (RSA), le suivi individualisé des bénéficiaires du RSA, l'accompagnement social et l'accompagnement vers l'emploi. Le contrat à durée déterminée d'un an de Mme B... a été renouvelé à plusieurs reprises et l'intéressée a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée à compter du 11 décembre 2013, en qualité de responsable de l'espace insertion. A la suite de la mise en cause de Mme B... par plusieurs agents de l'espace insertion pour des faits de harcèlement en avril et mai 2015, les collectivités membres de cette structure ont ouvert une enquête administrative. Un rapport du 24 mai 2016 conclut à l'existence de fautes commises par Mme B.... Cette dernière a été reçue pour un entretien préalable le 7 septembre 2016 et a été licenciée pour faute disciplinaire par la décision du 23 septembre 2016 et l'arrêté du 10 octobre suivant. A la demande de Mme B..., le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par le jugement attaqué du 19 mars 2019, annulé ces deux décisions. Par la requête n° 19VE01849, la commune de La Garenne-Colombes relève appel de ce jugement. Par la requête n° 20VE00140, Mme B... demande à la cour de prescrire les mesures propres à assurer l'exécution de ce jugement.
2. Les requêtes susvisées, enregistrées sous les nos 19VE01849 et 20VE00140, tendent à l'annulation et à l'exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la requête enregistrée sous le n° 19VE01849 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Les moyens tirés de ce que le jugement attaqué est entaché de dénaturation des pièces du dossier, d'erreur de droit et de contradiction de motifs se rattachent au raisonnement suivi par le tribunal et sont sans incidence sur sa régularité. Ils doivent ainsi être écartés.
Au fond :
4. L'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, rendu applicable aux agents non-titulaires par son article 32, prévoit que toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire. Aux termes de l'article 36-1 du décret du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Par la décision du 23 septembre 2016 et l'arrêté du 10 octobre suivant, le maire de la commune de La Garenne-Colombes a licencié Mme B... aux motifs que cette dernière avait eu durant des années un comportement autoritaire excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique (contrôle excessivement étroit de ses collaborateurs privés d'initiatives dans l'exécution de leurs tâches et dans leurs contacts professionnels avec l'extérieur) et qui est à l'origine d'un sentiment de dévalorisation, d'un climat dégradé du service et d'anxiété auprès du personnel. Le maire a ajouté que ce comportement répété et anormal génère un risque pour la santé et la sécurité du personnel encadré par Mme B... (manifestation d'agressions verbales et physiques, mésestimation du travail des agents, injonctions paradoxales et charge de travail sans priorisation générant de l'anxiété et des absences chez ses collaborateurs) et que ces faits caractérisent un manquement aux obligations qui incombent à tout agent public, un manquement grave à l'honneur, à son obligation de réserve dans ses relations avec ses collaborateurs et portent atteinte à la santé et la sécurité du personnel qu'elle encadre et au bon fonctionnement du service.
6. En premier lieu, la commune de La Garenne-Colombes met en avant divers incidents qui selon elle démontrent que Mme B... se serait livrée à des violences physiques et verbales, commis des abus de pouvoirs et proféré des menaces à l'égard des agents placés sous son autorité. Toutefois, s'agissant de l'incident à l'issue duquel elle aurait intimé l'ordre à sa subordonnée d'aller lui acheter une baguette de pain, un autre agent a témoigné de ce que l'intéressée, qui ne parvenait pas à se concentrer sur son travail aurait émis le souhait de sortir prendre l'air et qu'à cette occasion, Mme B... lui aurait demandé d'aller chercher une baguette de pain. Dans les circonstances de l'espèce, la demande de Mme B... ne caractérise pas l'existence d'un abus de pouvoir. En outre, s'il est établi que Mme B... a suivi un agent dans la salle d'eau afin d'obtenir des explications sur une altercation qu'il avait eue avec un autre agent, aucune violence physique n'est établie par les pièces du dossier. Quant aux menaces qu'aurait proférées Mme B... à l'encontre du technicien informatique, elles ne peuvent être regardées comme établies eu égard aux témoignages contradictoires figurant au dossier. Concernant les propos tenus sur les emplois précaires, s'il ressort des pièces du dossier que Mme B... a indiqué à un agent qui évoquait les difficultés rencontrées avec un autre agent qu'il ne devrait pas s'en mêler dès lors qu'il bénéficiait d'un contrat aidé, cette circonstance, pour regrettable qu'elle soit, ne permet pas, en l'absence d'autres éléments au dossier, de retenir que Mme B... aurait fait pression sur certains agents en distillant des menaces de non-renouvellement de contrat. D'ailleurs, le rapport d'enquête administrative établi par la commune exclut l'existence d'un lien entre le non renouvellement de contrats d'agents placés sous l'autorité de Mme B... et les allégations portées à son encontre. De plus, ce même rapport ne retient pas que le comportement de Mme B... serait à l'origine des départs anticipés de plusieurs agents de la structure.
7. En outre, les faits de contrôle excessif et de fouille, l'interdiction qu'elle aurait faite aux agents de contacter la direction des ressources humaines ainsi que l'obligation de se restaurer au sein du service font l'objet de déclarations contradictoires de la part des personnes auditionnées lors de l'enquête administrative et ne sont pas établis par les pièces du dossier.
8. En deuxième lieu, en ce qui concerne l'atteinte alléguée à la santé des agents, le rapport de l'enquête administrative, qui contient un récapitulatif de l'ensemble des arrêts maladie des agents de l'espace insertion, précise que " les investigations menées, autres que les déclarations des intéressés, ne permettent pas de déterminer de manière certaine l'existence d'un lien entre ces arrêts et le comportement reproché à l'encontre de Naïma B.... Il peut juste être noté que le nombre d'agents contractuels en arrêt est plus élevé au sein de l'espace insertion alors même que financièrement, pour des contrats précaires, il paraît peu judicieux de se mettre en arrêt de travail en raison de la rémunération ". Dans ces conditions, le comportement de Mme B... à l'égard des agents placés sous son autorité ne peut être regardé comme ayant porté atteinte à leur santé et à leur sécurité.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que la plainte initiale de harcèlement a été formée par un agent contractuel dont la période d'essai a été rompue par la commune en raison des difficultés professionnelles rencontrées par l'intéressé et qui ressortent des pièces du dossier. En outre, parmi les agents ayant participé au " collectif pour l'espace insertion " figurent plusieurs agents dont les demandes de renouvellement de contrat ont fait l'objet d'avis défavorables de la part de Mme B.... Dès lors que la commune n'établit ni même n'allègue que ces avis n'auraient pas été objectivement fondés sur les mérites professionnels des intéressés, il est raisonnable de considérer que les dénonciations de ces agents n'étaient pas étrangères à leur départ contraint de la structure. Au demeurant, la commune n'établit ni même n'allègue qu'elle aurait accordé la protection fonctionnelle aux agents ayant déclaré avoir subi des faits de harcèlement moral. Par ailleurs, Mme B... a produit en première instance plusieurs procès-verbaux d'agents auditionnés lors de l'enquête administrative qui témoignent de son professionnalisme, de ses qualités de coordinatrice, de son haut niveau d'exigence pour les agents et pour elle-même.
10. Toutefois, si les faits évoqués aux points précédants ne sont pas établis, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport d'enquête administrative que Mme B... fait preuve d'un comportement autoritaire à l'égard des agents placés sous son autorité, qu'elle exerce un contrôle excessivement étroit de ses collaborateurs qui a conduit à un climat de travail dégradé et qui excède les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Mme B... fait notamment un usage excessif des messages électroniques et procède à des relances systématiques des agents à des intervalles très réduits. En outre, cette méthode lui a été reprochée par le passé sans que l'intéressée modifie ses habitudes de travail. Les défaillances de Mme B... dans l'exercice de ses fonctions d'encadrement sont fautives et justifient le prononcé d'une sanction disciplinaire.
11. Eu égard aux évaluations professionnelles favorables dont a bénéficié Mme B... depuis 2006, à l'absence de sanction par le passé ainsi qu'à l'absence de lien établi par les pièces du dossier entre l'état de santé des agents et le comportement de Mme B..., la sanction du licenciement dont elle a fait l'objet était disproportionnée à la gravité des faits qui lui sont reprochés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La Garenne-Colombes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 23 septembre 2016 et l'arrêté du 10 octobre 2016 portant licenciement pour faute de Mme B....
Sur la requête enregistrée sous le n° 20VE00140 :
13. La commune de La Garenne-Colombes ne conteste pas l'absence de réintégration de Mme B... mais soutient qu'un changement de circonstances fait obstacle à l'exécution du jugement du 19 mars 2019. La commune fait valoir qu'à la suite du licenciement de l'intéressée, le poste qu'occupait Mme B... a été supprimé et repris par le département, qu'il ne représente plus qu'un temps de travail de 50 % à la suite du retrait de la commune de Bois Colombes de l'espace insertion et que le bail des locaux de la structure arrive à expiration le 17 juillet 2020.
14. Toutefois, à supposer que le poste occupé par Mme B... de responsable coordinateur de l'espace insertion ait été supprimé par la commune de La Garenne-Colombes, cette dernière n'établit pas que la réintégration de l'intéressée dans un emploi identique ou équivalent serait impossible. A cet égard, la commune se borne à faire valoir l'absence de poste vacant mais n'apporte aucun élément pour l'établir. En outre, l'annulation d'une décision licenciant illégalement un agent public, implique nécessairement, à défaut d'une reconstitution de sa carrière à laquelle Mme B... ne peut prétendre en sa qualité d'agent contractuel ne bénéficiant pas des avancements et progressions de carrière réservés aux fonctionnaires ou agents sous statut, la reconstitution de ses droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'elle aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale, avec effet rétroactif à compter de la date de son éviction irrégulière, soit en l'espèce le 14 octobre 2016, et jusqu'à sa réintégration.
15. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de La Garenne-Colombes de procéder à la réintégration de Mme B... à un poste équivalent à celui qu'elle occupait lors de son éviction illégale et de reconstituer ses droits sociaux. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu en l'espèce d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés aux instances :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme B..., qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de La Garenne-Colombes demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune de La Garenne-Colombes une somme de 2 000 euros à verser à Mme B... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 19VE01849 de la commune de La Garenne-Colombes est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de La Garenne-Colombes de réintégrer Mme B... dans un emploi équivalent à celui qu'elle occupait jusqu'au 14 octobre 2016 et de procéder à la reconstitution de ses droits sociaux conformément aux motifs exposés au point 14 ci-dessus dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de La Garenne-Colombes versera à Mme B... la somme totale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 19VE01849...