Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 juin 2018, Mme A..., représentée par Me Pouey, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de constater l'illégalité du contrat de droit public que lui a proposé la commune de Stains ;
3° d'annuler la décision du 17 mars 2017 par laquelle le maire de la commune l'a licenciée ;
4° d'enjoindre à la commune de Stains de la réintégrer dans les conditions prévues par son ancien contrat de droit privé ;
5° de condamner la commune de Stains à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
6° de mettre à la charge de la commune de Stains le versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal s'est déclaré incompétent ; seul le juge administratif est compétent pour se prononcer sur la conformité du contrat de droit public proposé par la commune aux dispositions de l'article L. 1224-3 du code du travail et vérifier que celui-ci reprend les clauses substantielles du contrat du droit privé ;
- la décision de licenciement a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est antidatée ;
- elle est illégale en ce qu'elle n'est pas justifiée par l'intérêt du service ; la commune lui a proposé un contrat modifiant substantiellement sa rémunération et ses fonctions ;
- elle est illégale en ce qu'elle est entachée de détournement de pouvoir ; la proposition de contrat n'est pas loyale et révèle la volonté de l'évincer ;
- elle a subi un préjudice du fait des nombreuses erreurs commises par la commune de Stains dans le traitement de son dossier et qui ont retardé son indemnisation par Pôle emploi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- et les observations Me B..., substituant Me D... pour la commune de Stains.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée par l'association " Coordination locale d'opérations sociales ", dite " La CLOS ", à compter du 1er juin 1991 en qualité de responsable de secteur pour exercer les fonctions de responsable du centre social municipal. A la suite de la dissolution de l'association La CLOS avec effet au 31 décembre 2016, la commune a décidé de reprendre l'activité de celle-ci. Mme A... ayant refusé les propositions de contrat de droit public qui lui ont été faites par la commune, le maire l'a licenciée par une décision du 17 mars 2017, avec effet au 28 mars 2017. Mme A... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant à ce que le tribunal déclare illégal le contrat de droit public qui lui a été proposé par la commune, annule la décision par laquelle elle a été licenciée, enjoigne à la commune de la réintégrer et indemnise le préjudice subi. Par le jugement du 13 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande au motif que ces conclusions étaient portées devant une juridiction incompétente pour en connaître. Mme A... fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 1224-3 du code du travail : " Lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires. / Sauf disposition légale ou conditions générales de rémunération et d'emploi des agents non titulaires de la personne publique contraires, le contrat qu'elle propose reprend les clauses substantielles du contrat dont les salariés sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération. (...) / En cas de refus des salariés d'accepter le contrat proposé, leur contrat prend fin de plein droit. La personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat ".
3. Tant que les salariés concernés par ces dispositions n'ont pas été placés sous un régime de droit public, leurs contrats demeurent des contrats de droit privé de sorte que le juge judiciaire est seul compétent pour statuer sur les litiges nés du refus de l'un ou l'autre des deux employeurs successifs de poursuivre l'exécution de ces contrats de travail, qui ne mettent en cause, jusqu'à la mise en oeuvre du régime de droit public, que des rapports de droit privé et, partant, pour apprécier les conditions d'application des dispositions légales et leurs conséquences, notamment l'existence d'une entité économique transférée et poursuivie ainsi que la teneur des offres faites aux salariés.
4. Le juge judiciaire, saisi d'un litige relatif à la rupture du contrat de travail consécutive au refus du salarié d'accepter l'offre de la personne publique, a ainsi compétence pour apprécier si cette offre reprend les clauses substantielles du contrat dont le salarié est titulaire. Lorsqu'il constate qu'elle ne reprend pas ces clauses et que la personne publique soulève une contestation sérieuse en se prévalant de dispositions régissant l'emploi des agents publics ou de conditions générales de leur rémunération faisant obstacle à leur reprise, le juge judiciaire doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle relative au bien-fondé des motifs invoqués par la personne publique soit tranchée par la juridiction administrative, à moins qu'il apparaisse manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que ces motifs sont ou ne sont pas fondés.
5. Mme A... ayant refusé le contrat de droit public proposé par la commune de Stains, il résulte de ce qui précède que le juge judiciaire est seul compétent pour statuer sur les litiges nés de la rupture de son contrat de travail, qui ne met en cause, faute de mise en oeuvre d'un régime de droit public, que des rapports de droit privé et, partant, pour apprécier les conditions d'application des dispositions légales et leurs conséquences. Ainsi, l'ensemble des conclusions de la demande de Mme A..., en particulier ses conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de la commune de Stains à indemniser le préjudice subi du fait de son éviction illégale, relève de la compétence de la juridiction judiciaire. Si la requérante évoque également des erreurs commises par la commune dans l'établissement des documents de fin de contrat qui auraient conduit à un retard dans sa prise en charge par Pôle emploi, Mme A... n'établit pas, en tout état de cause, avoir subi un préjudice moral du fait de cette situation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître. Sa requête doit être rejetée y compris, en conséquence, les conclusions qu'elle a présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Stains présentées sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Stains présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 18VE01977