Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 7 décembre 2018, 22 juillet 2019, 27 novembre 2019, 24 décembre 2019 et 5 février 2020, l'ODCVL Comptoir de projets éducatifs, représenté par Me C..., avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Gironville-sur-Essonne à lui verser la somme de 1 470 429 euros, assortie des intérêts de droit à compter du 25 février 2015 ;
3°) de rejeter, le cas échéant, toute demande de la commune de Gironville-sur-Essonne au titre de l'exécution de la convention ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Gironville-sur-Essonne le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ses conclusions indemnitaires fondées sur la résiliation abusive sont recevables ; il n'invoque aucune cause juridique nouvelle et avait demandé au tribunal, dans son mémoire enregistré le 19 février 2018, de juger la commune seule responsable de la rupture de la convention ; sa demande indemnitaire fondée sur la résiliation étant identique à celle ayant fait l'objet d'une demande préalable, elle n'est pas irrecevable pour n'avoir pas fait l'objet d'une demande préalable ;
- la commune de Gironville-sur-Essonne a méconnu ses obligations contractuelles en ne mettant pas à sa disposition des ouvrages conformes aux prescriptions contractuelles et à l'objet du service public délégué ; la commune s'est abstenue d'accomplir les travaux d'aménagement nécessaires au classement du château en type R et n'a pas sollicité une telle classification ; si le château a finalement obtenu une classification de type R, la limite de 29 enfants hébergés ne permettait pas l'exploitation du château dans les conditions contractuellement fixées ; tous les documents contractuels mentionnaient une capacité d'hébergement de 60 lits et ne comportaient aucune limitation particulière quant à l'effectif des enfants pouvant être accueillis ;
- il n'a lui-même commis aucune faute de nature à justifier la résiliation de la convention ; l'objet principal de la délégation de service public était l'accueil spécialisé de type scolaire ; la limitation à 29 enfants ne pouvait permettre une exploitation économiquement viable ; son compte d'exploitation prévisionnel figurant en annexe 5 à la convention prévoyait que les prestations " enfants et classes " représentent plus de 70% des prestations vendues et est radicalement incompatible avec la limitation à 29 de l'effectif des enfants pouvant être accueillis ; une étude de faisabilité a établi que l'exploitation du château n'était économiquement viable que sous condition de l'accueil de classes de découvertes à raison de 6 300 nuitées par groupe de 45 élèves, soit l'accueil simultané de plusieurs classes de découverte ; pour des contraintes économiques et commerciales, les classes de découverte doivent être organisées par deux ; le compte rendu de la réunion du 10 juin 2009 et l'annexe 7 à la convention confirment que l'accueil de classes de découverte devait constituer l'activité principale de la délégation ; il suit de là que les manquements de la commune ont conduit, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, à un bouleversement de l'économie du contrat ;
- la commune a méconnu le principe de loyauté en décidant de résilier la convention pour faute afin d'éviter toute indemnisation et a fait un usage abusif de son pouvoir de résiliation ; en conséquence, la résiliation doit être requalifiée en résiliation aux torts de l'administration ;
- ses préjudices sont en lien avec les manquements contractuels de la commune, tant dans l'exécution de ses obligations que dans l'utilisation abusive de son pouvoir de sanction contractuelle ; c'est à tort que le tribunal a considéré que ses préjudices trouvaient leur cause dans sa décision de refuser d'exécuter sa prestation ;
- les préjudices qu'il a subis avant la résiliation sont les suivants : 32 228,16 euros pour la mobilisation des cadres (85 jours homme de travail et 4 579,20 euros de frais de déplacement), 8 568,74 euros d'honoraires du maître d'oeuvre mobilisé sur la question du classement ; 168 350 euros pour l'immobilisation du poste de responsable d'établissement ; 206 122 euros pour la modification du statut juridique et fiscal ; 40 000 euros pour le développement d'un nouveau système d'information informatique ;
- les préjudices qu'il a subis après la résiliation sont les suivants : 353 521 euros au titre de la perte sur contribution aux frais généraux de la coopérative pour les sept années de la délégation ; concernant le coût d'accompagnement et de préparation à la gestion du château, 92 300 euros pour le préjudice d'image auprès des clients-partenaires ; 419 340 euros pour la perte de confiance de ses partenaires bancaires ; 150 000 euros pour la perte de confiance de ses partenaires institutionnels.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., pour l'ODCVL et celles de Me A..., substituant Me B..., pour la commune de Gironville-sur-Essonne.
Une note en délibéré, enregistrée le 11 mai 2021, a été présentée pour l'ODCVL Comptoir de projets éducatifs.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délégation de service public signée les 28 et 31 mars 2010, la commune de Gironville-sur-Essonne a confié à l'office départemental des centres de vacances et de loisirs (ODCVL) Comptoir de projets éducatifs la commercialisation, la gestion et l'exploitation du gîte du château de la commune. Cette convention a été signée pour une durée de sept ans à compter de l'ordre de commencement d'exécution des prestations qui serait donné à l'issue des travaux entrepris par la commune pour la rénovation du bâtiment. Au cours de ces travaux, l'ODCVL a alerté la commune sur le fait que le classement du château dans la catégorie des établissements recevant du public de type O ne permettait pas l'accueil du public scolaire et qu'il ne pourrait, dans ces conditions, exploiter le site. Le 24 juin 2015, l'ODCVL a saisi le tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Gironville-sur-Essonne à lui verser la somme de 1 470 429 euros sur le fondement de sa responsabilité contractuelle pour n'avoir pas livré des ouvrages conformes aux stipulations de convention de délégation de service public. En cours d'instance, la commune, qui avait finalement obtenu que le classement du château permette l'accueil de groupes scolaires de 29 enfants, a donné l'ordre à l'ODCVL de démarrer les prestations prévues par la convention de délégation de service public puis, face au refus de son cocontractant, a, par une décision du 12 juillet 2017, résilié la convention aux torts de ce dernier. Par un jugement du 8 octobre 2018, le tribunal administratif a rejeté la demande indemnitaire de l'ODCVL. Ce dernier relève appel de ce jugement et demande à la cour de condamner la commune à lui verser la somme de 1 470 429 euros en réparation des préjudices résultant, d'une part, des manquements de la collectivité à ses obligations contractuelles et, d'autre part, du caractère injustifié de la résiliation de la convention de délégation de service public.
Sur la responsabilité contractuelle de la commune :
En ce qui concerne la remise d'ouvrages conformes :
2. Aux termes de l'avis d'appel à candidature et de l'article 2 de la convention conclue entre la commune de Gironville-sur-Essonne et l'ODCVL Comptoir de projets éducatifs, la collectivité délègue au délégataire le soin d'assurer : " - l'accueil des usagers ; l'hébergement des usagers ; la restauration des usagers selon la formule retenue ; la présentation de l'offre touristique naturelle et patrimoniale des environs et du département ; la mise en place de produits (accueil spécialisés de type scolaire durant l'année scolaire y compris la prise en charge de l'animation des classes), familial les week-ends ou en semaine durant les vacances scolaires, de type collectif (associations, entreprises, groupes, etc...) et leur commercialisation ; la gestion administrative et comptable ; le nettoyage et l'entretien des locaux (...). ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention : " Nature des ouvrages délégués : 3-1-1 Château. Ce bâtiment présente 4 niveaux, qui comprend au total 60 lits : 16 chambres soit 57 lits et 2 chambres accessibles aux personnes à mobilité réduite, soit 1+2 lits. (...) 31 lits sont dans des chambres avec sanitaires privatifs, et 29 lits sont dans des chambres collectives avec sanitaires à côté. Cette disposition pourra être modifiée lors de la rénovation engagée par la collectivité (avec la possibilité d'une augmentation de la capacité d'accueil). (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 24 janvier 2014, l'ODCVL a alerté la commune de Gironville-sur-Essonne sur le fait que le classement du château, de type O, demandé dans le cadre des travaux ne permettait pas l'accueil et l'hébergement de groupes d'enfants. Après divers échanges entre la commune, l'ODCVL et le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) 91, la commune a fait parvenir à l'ODCVL le procès-verbal de la séance du 27 janvier 2017 de la commission d'arrondissement d'Evry pour la sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, aux termes duquel, outre l'accueil de 56 à 85 personnes dans le cadre de l'activité d'hôtellerie, le gîte du château bénéficiait finalement d'une dérogation de type R permettant l'hébergement d'enfants dans la limite d'un effectif de 29 et à l'exclusion de l'accueil d'enfants de niveau maternel.
4. L'ODCVL soutient que la commune a méconnu ses obligations contractuelles en ne mettant pas à sa disposition des ouvrages conformes aux prescriptions contractuelles et à l'objet du service public délégué, dès lors qu'elle s'est abstenue d'accomplir les travaux d'aménagement nécessaires au classement du château en type R permettant l'accueil de 60 enfants. Il résulte effectivement des stipulations contractuelles citées au point 2 que la convention prévoyait un total de 60 lits sans distinguer entre l'hébergement des adultes et l'hébergement des enfants de sorte que l'ODCVL pouvait légitimement penser accueillir simultanément plusieurs classes au cours des périodes scolaires en l'absence, notamment, de tout public adulte durant ces périodes. Dans ces conditions, et alors qu'il ressort des pièces contractuelles que l'accueil spécialisé de type scolaire constituait une part, certes non exclusive mais importante, de la délégation de service public en litige, l'ODCVL est fondé à soutenir que la responsabilité contractuelle de la commune de Gironville-sur-Essonne est engagée pour n'avoir pas fourni des ouvrages conformes à la délégation de service public.
En ce qui concerne la résiliation :
5. Le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d'en assurer l'exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l'administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l'initiative de résilier unilatéralement le contrat. Le cocontractant ne peut que saisir le juge du contrat de conclusions aux fins de résiliation du contrat et éventuellement aux fins indemnitaires, mais doit, dans l'attente du jugement, poursuivre l'exécution du contrat.
6. Il résulte de l'instruction que, par un courrier du 22 avril 2017, la commune de Gironville-sur-Essonne a mis l'ODCVL en demeure de commencer l'exécution de la convention dans un délai d'un mois sous peine de résiliation pour faute. Par un courrier du 24 mai 2017, l'ODCVL a indiqué refuser d'exécuter les prestations et a invité la commune à résilier la convention pour motif d'intérêt général. Par une décision du 12 juillet 2017, la commune a résilié le contrat pour faute grave aux torts exclusifs de l'ODCVL.
7. L'ODCVL soutient que la responsabilité de la commune est engagée du fait de cette résiliation fautive qui aurait été prononcée par la commune pour échapper à ses propres obligations contractuelles. Toutefois, en se bornant à produire une étude de faisabilité de février 2005, le compte d'exploitation prévisionnel joint en annexe 5 de la convention ou encore le programme d'investissement en matériel et mobilier figurant à l'annexe 7, l'ODCVL ne démontre pas que les capacités d'accueil définitives du château représentaient une situation de force majeure entraînant un bouleversement définitif de l'équilibre économique du contrat. Par suite, il ne pouvait unilatéralement refuser d'exécuter ses obligations contractuelles. Ce seul refus permettait à la commune de prononcer la résiliation de la convention. Dès lors, l'ODCVL n'est pas fondé à soutenir que la commune aurait, en prononçant la résiliation de la délégation de service public, commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
Sur les préjudices :
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'ODCVL n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un quelconque préjudice qu'il aurait subi du fait de la résiliation de la convention. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune, les conclusions portant sur les conséquences préjudiciables de la résiliation ne peuvent qu'être rejetées.
9. En outre, l'ODCVL réclame diverses sommes au titre des dépenses qu'il a engagées à compter de la signature de la convention en vue de l'exploitation du gite. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 7 qu'il n'a pu exploiter le service public délégué en raison de son propre refus de se livrer à cette exploitation et non pas en raison des manquements de la commune à ses obligations contractuelles. Dans ces conditions, l'ODCVL n'est pas fondé à demander l'indemnisation de préjudices qui résulteraient de l'absence d'exécution de la convention.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'ODCVL n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Gironville-sur-Essonne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'ODCVL demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Gironville-sur-Essonne fondées sur ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Office départemental des centres de vacances et de loisirs Comptoir de projets éducatifs est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Gironville-sur-Essonne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 18VE04060