Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 30 janvier 2018 et le 26 mai 2020, la COMMUNE DE MONTMORENCY, représentée par Me D..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de Mme C... ;
3° de mettre à la charge de Mme C... la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis des erreurs de fait et des erreurs d'appréciation ;
- les faits reprochés à Mme C... sont établis et justifient un refus de titularisation ;
- les moyens soulevés en première instance par Mme C... ne sont pas fondés ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- les conclusions indemnitaires sont en tout état de cause excessives.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 décembre 2019 et le 26 octobre 2020, Mme E... C..., représentée par Me F..., avocat, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la COMMUNE DE MONTMORENCY la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la COMMUNE DE MONTMORENCY ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 91-843 du 2 septembre 1991 ;
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Clot, rapporteur public,
- les observations de Me A..., substituant Me D..., pour la COMMUNE DE MONTMORENCY, et celles de Me F..., pour Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... a été recrutée par la COMMUNE DE MONTMORENCY le 4 juin 1991 et a été titularisée dans le cadre d'emplois des assistants territoriaux de conservation du patrimoine et des bibliothèques le 1er juillet 1998. Elle a été nommée responsable du musée Jean-Jacques Rousseau de la commune le 1er septembre 2010, à la suite du départ à la retraite du conservateur du patrimoine qui assurait jusqu'alors cette fonction. L'intéressée a été inscrite le 30 juin 2013 sur la liste d'aptitude pour l'accès au cadre d'emplois d'attaché territorial de conservation du patrimoine. Par un arrêté du 16 septembre 2013, Mme C... a été détachée à compter du 1er novembre suivant dans ce cadre d'emplois afin d'effectuer un stage de six mois dans les fonctions susmentionnées de responsable du musée Jean-Jacques Rousseau. Par un arrêté du 7 mai 2014, le stage de l'intéressée a été prolongé de deux mois. Par un arrêté du 18 septembre 2014, le maire de la COMMUNE DE MONTMORENCY a mis fin au détachement de l'intéressée et l'a réintégrée dans son cadre d'emplois d'origine. La COMMUNE DE MONTMORENCY fait appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 18 septembre 2014, l'a condamnée à verser à Mme C... la somme de 10 272,94 euros, et a enjoint au maire de Montmorency de titulariser Mme C... dans le cadre d'emplois des attachés de conservation du patrimoine à compter du 1er juillet 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si la requérante soutient que le tribunal a commis des erreurs de fait et des erreurs d'appréciation, ces moyens, qui concernent le bien-fondé du jugement attaqué, ne sont pas de nature à mettre en cause sa régularité. Ils doivent, dès lors, être écartés.
Au fond :
Sur la légalité de l'arrêté du 18 septembre 2014 :
3. Aux termes de l'article 1er du décret du 2 septembre 1991 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux de conservation du patrimoine : " Les attachés territoriaux de conservation du patrimoine constituent un cadre d'emplois de catégorie A au sens de l'article 13 de la loi du 13 juillet 1983 (...) ". Aux termes de son article 2 : " (...) Les attachés territoriaux de conservation du patrimoine participent à l'étude, au classement, à la conservation, l'entretien, l'enrichissement et à la mise en valeur du patrimoine d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public mentionné à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 précitée. Ils contribuent à faire connaître ce patrimoine par des expositions, des enseignements, des publications ou toute autre manifestation ayant pour objet de faciliter l'accès du public à la connaissance et à la découverte du patrimoine ".
4. La décision de ne pas titulariser un agent en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.
5. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier du " rapport circonstancié de demande d'avis sur un refus de titularisation à la suite d'une prorogation de stage ", établi le 24 juillet 2014 par la COMMUNE DE MONTMORENCY et adressé à la commission administrative paritaire, que pour prendre l'arrêté du 18 septembre 2014 le maire de la commune s'est fondé sur les circonstances que " Mme C... n'a eu de cesse de remettre en cause les directives de sa hiérarchie ", qu'elle a " perturbé fortement l'organisation du service dans les rapports verticaux comme horizontaux ", qu'elle a " contourné l'organisation administrative de la collectivité et sa hiérarchie ", qu'elle " s'affranchit quasi-systématiquement des règles simples de respect de la commande politique des élus et de bonne gestion administrative ", qu'elle " entend gérer le musée comme un équipement à part dont elle aurait la direction exclusive sinon la propriété ", qu'elle " ne souhaite pas plus travailler avec ses collègues qu'avec sa direction ", et que " sans remettre en cause les compétences scientifiques de Mme C..., il n'est pas admissible qu'un agent de catégorie A se permette de dicter à l'ensemble de ses supérieurs les orientations politiques et l'organisation fonctionnelle des services de la ville ni qu'il complique l'organisation des services entre eux ".
6. En premier lieu, la commune fait valoir que Mme C... aurait refusé de manière quasi-systématique de respecter les directives de sa hiérarchie et les décisions des élus. Toutefois, la simple circonstance que l'intéressée n'aurait accepté qu'un appariteur apporte les audio-guides du musée chez le réparateur qu'après plusieurs échanges de courriels avec sa hiérarchie est insuffisante pour établir un tel manquement de l'agent à ses obligations. De même, si, malgré un courriel de son supérieur hiérarchique du 1er février 2014 lui indiquant qu'en raison de travaux, il n'était pas possible de prévoir comme elle le souhaitait l'intervention d'un comédien le 17 mai 2014 à l'occasion de la Nuit des musées, Mme C... a néanmoins entamé des démarches, notamment auprès de la direction régionale des affaires culturelles, afin d'organiser cette intervention. Il ressort des pièces du dossier qu'elle prévoyait une autre date pour ce projet, postérieure à celle du 14 mai 2014, qu'elle a sollicité de nouveau l'accord de son supérieur hiérarchique sans obtenir de réponse et a obtenu l'accord formel d'un élu le 3 juin 2017. Dans ces conditions, cette initiative ne saurait être regardée comme un manque de respect de l'intéressée à l'égard des directives de sa hiérarchie. Enfin, la circonstance que Mme C... aurait rempli la fiche d'inscription du musée pour la 31ème édition des Journées européennes du patrimoine, alors que cette tâche, ainsi que l'a indiqué son supérieur hiérarchique dans un courriel du 4 juin 2014, incombait en principe au service culture patrimoine de la commune, ne saurait être regardée comme un manquement caractérisé de l'intéressée à son devoir d'obéissance.
7. En deuxième lieu, la commune fait valoir que Mme C... aurait dénigré de manière récurrente son supérieur hiérarchique, en charge du pôle " vie de la cité ". Elle indique que l'intéressée n'a pas hésité à critiquer de manière répétée la qualité du travail d'une commissaire extérieure choisie par ce dernier pour l'organisation d'une exposition consacrée à l'artiste peintre Charles Le Brun dont elle avait demandé à être déchargée afin de procéder au récolement des collections du musée. Toutefois, s'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que dans un courriel adressé au maire de la commune le 28 juin 2014 Mme C... a indiqué, dans des termes parfois maladroits il est vrai, qu'elle refusait de voir le musée associé à ce projet qu'elle jugeait insuffisant d'un point scientifique et, d'autre part, qu'elle a proposé de nombreuses modifications au texte de l'exposition, ces circonstances ne suffisent pas à caractériser la remise en cause par l'intéressée de l'autorité de son supérieur hiérarchique. De même, si la COMMUNE DE MONTMORENCY fait valoir que la critique par Mme C... de la réorganisation du service, pourtant validée à l'unanimité par le comité technique paritaire, n'avait en réalité d'autre but que de soutenir l'un de ses agents qui ne souhaitait pas travailler ailleurs qu'au musée, cette allégation, qui n'est d'ailleurs pas établie par le seule production d'une attestation non datée établie par l'un des adjoints du maire de la commune, n'est pas de nature à établir un tel manquement de l'agent à ses obligations.
8. Enfin, si la COMMUNE DE MONTMORENCY fait valoir que Mme C... s'est imposée le 5 février 2014 à une réunion à laquelle elle n'était pas conviée et qu'elle en a établi un compte-rendu qui ne lui était pas demandé, il ressort des pièces du dossier que cette réunion était organisée par l'une de ses collaboratrices et le responsable du service culture et patrimoine de la commune. Dans ces conditions, une telle initiative ne saurait être reproché à Mme C... en sa qualité de responsable de service.
9. Il résulte de ce qui précède que les faits reprochés à Mme C... pour justifier l'arrêté du maire de la COMMUNE DE MONTMORENCY du 18 septembre 2014 mettant fin à son détachement et la réintégréant dans son cadre d'emplois d'origine ne sont pas matériellement établis.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Il résulte de ce qui précède que l'illégalité de l'arrêté du 18 septembre 2014 caractérise l'existence d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Si cette dernière soutient que les conclusions indemnitaires présentées par Mme C... en première instance étaient excessives, elle ne conteste pas l'évaluation par les premiers juges des préjudices subis par l'intéressée. Dans les circonstances de l'espèce, le tribunal a fait une juste appréciation du préjudice financier subi par Mme C... en l'évaluant à la somme de 8 772,94 euros et de son préjudice moral en l'évaluant à la somme de 1 500 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MONTMORENCY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 18 septembre 2014, lui a enjoint de titulariser Mme C... dans le cadre d'emplois des attachés de conservation du patrimoine à compter du 1er juillet 2014 et a condamné la COMMUNE DE MONTMORENCY à lui verser une indemnité de 10 272,94 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C..., qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à la COMMUNE DE MONTMORENCY. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la COMMUNE DE MONTMORENCY le versement à Mme C... de la somme de 1 500 euros à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE MONTMORENCY est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE MONTMORENCY versera la somme de 1 500 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MONTMORENCY et à Mme E... C....
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Camenen, président,
M. B..., premier conseiller,
Mme Sauvageot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2020.
Le rapporteur,
T. B... Le président,
G. CAMENEN
Le greffier,
C. YARDE
La République mande et ordonne au préfet du Val-d'Oise, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
N° 18VE00345 2