Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 16 septembre 2020, M. C..., représenté par Me Boukheloua, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler cette décision du 7 avril 2017 ;
3° de mettre à la charge de la commune de Carrières-sous-Poissy la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges se sont abstenus, à tort, de prendre en compte son mémoire enregistré le 10 avril 2019 alors que l'instruction a été clôturée le 11 avril 2019 et que les premiers juges ont en outre inexactement apprécié les éléments et pièces du dossier et ainsi retenu à tort, premièrement, qu'il n'a jamais pu remettre le projet social finalisé, deuxièmement que le départ de ses deux adjointes ne suffit pas à justifier ce travail non fait, troisièmement qu'il est incapable de déléguer et de travailler en équipe, quatrièmement qu'un courriel daté du 7 septembre 2015 émanant de la référente de la caisse d'allocations familiales établirait son " absence de maîtrise des outils et de la méthode " et, en dernier lieu, qu'il est " connu pour ses colères " et " son manque de communication, ce qui entraîne une atmosphère de travail difficile et une situation qui peut être conflictuelle " ;
- sur le fond, il " s'en rapporte à ses précédents développements de sa requête d'appel et de ses écritures de première instance ", ces dernières étant annexées à la requête d'appel ; il reprend ainsi en appel les trois moyens soulevés en première instance, à savoir l'incompétence du signataire, l'erreur de fait et l'erreur d'appréciation.
.......................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., pour la commune de Carrières-sous-Poissy.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... a été recruté le 8 janvier 2007 par la commune de Carrières-sous-Poissy pour occuper le poste de directeur du centre social et culturel Rosa Parks. A compter du 8 janvier 2014, il a été placé sous contrat à durée indéterminée. Par un courrier du 16 novembre 2016, le maire de la commune de Carrières-sous-Poissy a engagé à son encontre une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, dont l'entretien préalable s'est déroulé le 25 novembre 2016. Le licenciement pour insuffisance professionnelle a été prononcé en date du 28 novembre 2016. M. C... ayant saisi le juge administratif d'un recours en annulation, en soulevant notamment le moyen tiré du défaut de motivation, le maire a retiré cette première décision. C'est dans ces conditions qu'à l'issue d'une nouvelle procédure, le maire a pris une seconde décision portant licenciement de M. C... pour insuffisance professionnelle, en date du 7 avril 2017, qui est la décision en litige. L'intéressé en a demandé l'annulation au Tribunal administratif de Versailles mais sa demande a été rejetée par le jugement n° 1704137 du 20 mai 2019, dont il relève appel.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, selon l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Il résulte des dispositions précitées, que le tribunal administratif n'est pas tenu de communiquer à la partie adverse des observations nouvelles produites par le requérant, s'il estime qu'elles n'apportent aucun élément nouveau pour la solution du litige.
3. M. C..., qui fait valoir que le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges se seraient abstenus, à tort, de prendre en compte son mémoire enregistré le 10 avril 2019 alors que l'instruction a été clôturée le 11 avril 2019, peut être regardé comme invoquant la violation de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, précité. En l'espèce, l'intéressé a introduit sa demande de première instance par un mémoire enregistré le 1er juin 2017, puis la commune a défendu par un mémoire enregistré le 5 décembre 2017, auquel M. C... a répliqué par un mémoire enregistré le 10 décembre 2018, puis la commune a produit un second mémoire en défense enregistré le 29 mars 2019. Une première clôture a été notifiée aux parties le 6 mars 2019, à effet au 1er avril 2019 à 12h00, mesure qui, par un courrier daté du 4 avril 2019, a été reportée au 11 avril 2019 à 12h00. C'est dans ces circonstances que le troisième mémoire de l'intéressé, intitulé " second mémoire en réplique ", a été enregistré le 10 avril 2019 à 17h05. Il résulte de l'examen de ce mémoire et de son unique pièce jointe, un courriel de voeux de bonne année 2015, que celui-ci ne soulevait aucun moyen nouveau ni ne mentionnait d'élément nouveau qui aurait pu être utile à la solution du litige. Dans ces conditions, c'est à bon droit et sans commettre d'irrégularité de procédure au regard de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, que les premiers juges, après avoir examiné ce mémoire, ne l'ont pas communiqué à la commune défenderesse. Le moyen susanalysé doit ainsi être écarté.
4. En second lieu, M. C... soutient que les premiers juges auraient inexactement apprécié les éléments et pièces du dossier et auraient ainsi retenu à tort, premièrement, qu'il n'a jamais pu remettre le projet social finalisé, deuxièmement, que le départ de ses deux adjointes ne suffit pas à justifier ce travail non fait, troisièmement, qu'il est incapable de déléguer et de travailler en équipe, quatrièmement, qu'un courriel daté du 7 septembre 2015, émanant de la référente de la caisse d'allocations familiales établirait son " absence de maîtrise des outils et de la méthode " et, en cinquième et dernier lieu, qu'il est " connu pour ses colères " et " son manque de communication, ce qui entraîne une atmosphère de travail difficile et une situation qui peut être conflictuelle ". Ce moyen relève du bien-fondé du jugement et non de sa régularité et doit, par suite, être écarté dans toutes ses branches pour ce motif.
Sur les conclusions en annulation :
5. M. C... reprend en appel, en des termes identiques, le moyen soulevé en première instance et tiré de l'incompétence du signataire. Dans ces conditions, le requérant n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause l'appréciation motivée qui a été portée par les premiers juges, qui ont notamment relevé que la signataire, Mme F... D..., deuxième adjointe et déléguée à la gestion financière et aux ressources humaines, a reçu, par arrêté du 1er décembre 2014, délégation pour signer tous actes, conventions, documents et correspondances se rapportant à ses fonctions, cet arrêté ayant été régulièrement publié. Il suit de là que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 3. du jugement attaqué.
6. Selon l'article 39-2 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 susvisé, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. / L'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'autorité territoriale entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel. ". Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent, ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante, révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions, est de nature à justifier légalement son licenciement.
7. Tout d'abord, la décision litigieuse du 7 avril 2017 portant licenciement pour insuffisance professionnelle de M. C..., agent contractuel exerçant les fonctions de directeur du centre social, énonce d'une part son incapacité à encadrer son équipe et d'autre part, ses difficultés pour rédiger le projet social 2016-2019, en raison de " manque d'autonomie et problème d'organisation de son travail ". M. C... reprend en appel le moyen tiré de l'erreur de fait et fait valoir que contrairement à ce qui lui est reproché, il a finalement remis le projet social 2016-2019, en dépit d'un sous-effectif important caractérisé en particulier par le départ de ses deux adjointes, qu'il est capable de manager son équipe, que le courriel du 7 septembre 2015 émanant de la référente de la caisse d'allocations familiales n'établit pas son absence de compétence, et enfin, qu'il traversait alors une période difficile " extrêmement limitée " marquée par une charge de travail excessive " qui a induit chez lui un état de stress, de fatigue et de souffrance morale " constatée lors d'un entretien infirmier du 27 novembre 2015.
8. Ensuite, s'agissant de l'enjeu professionnel relatif à l'élaboration par l'intéressé du rapport social 2016-2019, il ressort des fiches métier " directeur de centre social " de la caisse d'allocations familiales et du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), produites en première instance, que le directeur du centre social est " le garant de la mise en oeuvre du projet social agréé par la CAF " et assure la " conception et le pilotage du projet d'animation globale, à savoir traduire les orientations politiques en projet social et culturel ". Le projet social présente le bilan de la période triennale écoulée, les enjeux et problématiques liés au portrait social de la ville et le nouveau plan d'action. Il conditionne l'agrément de la caisse d'allocations familiales, donc le financement du centre social et ainsi sa pérennité. Sa conception et sa mise en oeuvre sont ainsi les priorités du directeur du centre social. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, nombreuses et concordantes, que pendant une période de dix-huit mois, M. C... a été dans l'incapacité de produire le rapport social 2016-2019 dans une version finalisée susceptible d'être remise à la caisse d'allocations familiales et ce, malgré un délai supplémentaire d'une année entière et de très nombreuses observations et avertissements émanant de sa hiérarchie et de la caisse elle-même, notamment par un courriel du 7 septembre 2015 de la référente de la caisse d'allocations familiales après réception de documents préparatoires inexploitables, qui lui recommandait d'utiliser le support méthodologique de la Fédération des centres sociaux. Ces pièces et documents font apparaître son défaut manifeste de connaissance et de maîtrise des outils permettant la réalisation de ce projet social ainsi que son absence de méthode.
9. Enfin, les manquements reprochés quant à la capacité d'encadrement de M. C... ressortent de façon manifeste des très nombreux documents et compte-rendus d'entretiens produits au dossier, en particulier son incapacité à déléguer, à communiquer et à travailler en équipe, en refusant toute initiative personnelle des agents, mais aussi ses colères et ses réactions disproportionnées vis-à-vis de ses collaborateurs, allant jusqu'à " suivre aux toilettes " l'un d'entre eux. Cela engendrait un climat de travail très dégradé au sein du centre social et désorganisait le travail collectif. Il est à noter, à cet égard, qu'une de ses deux adjointes est partie du centre en juillet 2014, suivie par la seconde en février 2015. Ainsi, les graves manquements managériaux de l'intéressé se sont manifestés sur une longue période, et non pas seulement une période " extrêmement limitée ", contrairement à ce que M. C... allègue.
10. Il suit de tout ce qui précède, que le licenciement pour inaptitude professionnelle de M. C... est fondé sur des éléments de fait dont l'existence est avérée, et qui révèlent son inaptitude manifeste à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé en qualité de directeur du centre social. Les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation doivent ainsi être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision de licenciement du 7 avril 2017, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune défenderesse, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu toutefois, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Carrières-sous-Poissy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : M. C... versera à la commune de Carrières-sous-Poissy une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2
N° 19VE02651