Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 avril 2018 et un mémoire enregistré le 8 novembre 2020, Mme D..., représentée par Me E... A..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° avant-dire droit d'ordonner une contre-expertise médicale ;
3° statuant au fond de condamner l'Etat pris en la personne du ministre des armées à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- une contre-expertise doit être ordonnée ; le premier rapport est entaché d'incohérences, elle n'a pas pu être assistée d'un expert médical et d'un conseil juridique lors de la réunion d'expertise ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les formulaires d'information signés en prévision des interventions satisfaisaient aux exigences de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les actes médicaux n'étaient pas fautifs et conformes aux dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
- en ne s'entourant pas du concours de spécialistes afin de solliciter d'autres avis, le docteur Pernot a commis une faute au sens de l'article R. 4127-33 du code de la santé publique ;
- les fautes sont la cause directe des dommages subis qui peuvent être réparés par une somme de 100 000 euros.
.....................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., substituant Me E... A..., pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a fait l'objet, le 21 septembre 2004, d'une intervention chirurgicale réalisée par le professeur Pernot, à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Percy, à Clamart, consistant en une laminectomie destinée à remédier à une discopathie et un spondylolisthésis au niveau des vertèbres L5 - S1, à l'origine de douleurs lombaires invalidantes. La persistance de ces souffrances dans les mois qui suivent l'intervention et l'apparition d'une hernie discale compressive au niveau du site opératoire rendent nécessaire une nouvelle intervention effectuée par le même praticien, cette fois au sein de l'HIA du Val-de-Grâce, à Paris, le 19 septembre 2005, sous la forme d'une opération de décompression radiculaire, effectuée au même étage. Cette intervention n'ayant pas davantage permis d'atténuer les douleurs lombaires de l'intéressée, une troisième opération chirurgicale est alors réalisée, le 2 janvier 2006, par le docteur Pierron, au centre du rachis Ambroise Paré de Neuilly-sur-Seine, qui a consisté en une libération radiculaire couplée, cette fois, à une arthrodèse, afin de faire disparaître le spondylolisthésis par la fixation de ses vertèbres. Mme D..., dont les douleurs lombaires ont sensiblement diminué à la suite de cette dernière opération, a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des deux précédentes interventions, auprès de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Île-de-France, qui a confié la réalisation d'une expertise contradictoire au docteur Tadié. Au vu du rapport remis le 5 janvier 2009 par ce dernier, la commission a rendu, le 18 février 2009, un avis selon lequel le ministre de la défense, chargé de la gestion des HIA Percy et du Val-de-Grâce, n'avait commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'État. Le ministre de la défense n'a présenté aucune offre d'indemnisation à l'intéressée. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise la condamnation de l'État à lui verser les sommes de 40 millions d'euros et 20 millions d'euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des interventions réalisées le 21 septembre 2004 et le 19 septembre 2005. Mme D... demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1504565-1504605 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise rejetant ses demandes d'indemnisations, avant-dire droit d'ordonner une contre-expertise médicale et statuant au fond de condamner l'Etat pris en la personne du ministre des armées à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne le défaut d'information :
2. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ".
3. Mme D... reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce qu'elle n'aurait pas été correctement informée. Si elle soutient que la plaquette d'information qui lui a été remise n'est pas au dossier et ne permet pas de vérifier qu'elle a été suffisamment informée, il n'en demeure pas moins qu'elle a signé, les 20 septembre 2004 et 2 septembre 2005, deux formulaires comportant respectivement les mentions " J'estime avoir été suffisamment informé(e) des avantages et des risques de l'intervention. / J'ai pu poser toutes les questions que j'ai jugé utiles et j'ai bien compris les réponses qui m'ont été fournies. " et " J'estime avoir été suffisamment informé(e) des avantages et des risques de l'intervention. / J'ai pu poser toutes les questions que je souhaitais. " en prévision des interventions en cause des 21 septembre 2004 et 19 septembre 2005. Par suite, le ministre de la défense doit être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que l'information requise par les dispositions précitées de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique a été délivrée à Mme D... avant chacune des deux interventions. Celle-ci n'est, par conséquent, pas fondée à soutenir qu'il aurait ainsi commis une faute, de nature à engager la responsabilité de l'État.
En ce qui concerne le choix de l'intervention et sa mise en oeuvre :
4. Aux termes des dispositions de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. (...) les professionnels de santé (...) ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
5. Mme D... soutient que les deux interventions décidées et menées par le professeur Pernot ont été inutiles, qu'il aurait fallu fixer son spondylolisthésis dès la première intervention et que ce choix médical lui a fait perdre une chance de voir s'améliorer rapidement son état de santé. Il est constant que les deux interventions en cause ont échoué à apaiser les troubles de Mme D.... Néanmoins, le professeur Tadié, neurochirurgien, fait état, dans son rapport d'expertise, de ce que " le comportement de l'équipe médicale ou du médecin mis en cause a été conforme aux règles de l'art et aux données acquises de la science " pour chacune des deux interventions en litige, y compris dans le choix du traitement et dans la technique chirurgicale qui a été mise en oeuvre. Il indique, à cet égard, que le choix de réaliser une laminectomie et pas une fixation des vertèbres était justifié au vu de la condition physique de la patiente à cette époque et de la stabilité de son spondylolisthésis sur les radiographies, au moment de la première intervention. Si la requérante soutient que rien ne vient justifier ce constat de son dynamisme, dès lors qu'elle avait, selon elle, un périmètre de marche de seulement 10 minutes, elle indique toutefois dans son mémoire, qu'elle n'avait jusque-là jamais eu besoin d'arrêts de travail et elle produit aussi une attestation d'une collègue indiquant qu'elle était une personne très dynamique et très gaie mais que les douleurs importantes et persistantes ont petit à petit modifié son caractère et son dynamisme. Par ailleurs, l'expert estime qu'après l'échec de ce premier traitement médical, poser l'indication d'une intervention sur le disque sans fixation était également conforme car la hernie discale était plus en cause dans les symptômes que le glissement vertébral, qui n'avait pas évolué, et que ce n'est que compte tenu de la persistance des douleurs que le choix d'une fixation comme troisième intervention pouvait être considéré comme justifié et conforme. Si Mme D... soutient que la complexité des indications opératoires face à une telle symptomatologie, relevée par l'expert, et les hésitations des praticiens qu'elle a consulté à la suite des échecs thérapeutiques, démontrent que le professeur Pernot aurait dû faire appel à un staff d'experts avant de décider toute intervention, elle ne le démontre pas. Au contraire, il résulte de l'instruction, comme l'indiquait l'expert, que les docteurs Perrot et Abi Lahoud, des hôpitaux Cochin et Sainte-Anne, que la requérante a consultés après sa seconde intervention, n'envisageaient pas de recommander une fixation du spondylolisthésis et que le professeur Anract, chef du service de chirurgie orthopédique à l'hôpital Cochin, ne présentait l'arthrodèse que comme une solution alternative, dans l'hypothèse où la réalisation d'infiltrations épidurales et des séances de rééducation ne se seraient pas avérées suffisantes. Dès lors, il n'y a pas de raison de remettre en cause les conclusions de l'expertise, la circonstance que Mme D... n'ait pas été accompagnée d'un expert médical et d'un conseil juridique lors de la réunion, alors au demeurant qu'elle a été mise à même de présenter des observations sur le déroulement des opérations et le contenu du rapport qui lui a été communiqué avec le conseil ou le médecin de son choix, n'étant pas de nature à entacher cette expertise d'un défaut de contradictoire. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la requérante n'est donc pas fondée à soutenir qu'une faute aurait été commise dans la détermination et la mise en oeuvre des deux interventions en litige. Elle n'est, par conséquent, pas fondée à rechercher la responsabilité de l'État sur ce fondement.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la nouvelle expertise sollicitée, que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes d'indemnisation. Il en résulte que ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
N° 18VE01275 2