Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2017 et deux mémoires complémentaires enregistrés le 7 février 2018 et le 2 octobre 2020, M. D..., représenté par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler la décision du 30 septembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Montreuil n'a pas renouvelé son contrat ;
3° d'enjoindre à la commune de Montreuil de réexaminer sa demande de renouvellement de contrat, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4° de condamner la commune de Montreuil à lui verser la somme de 90 861,03 euros, assortie des intérêts de droit et de la capitalisation de ces intérêts, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;
5° de mettre à la charge de la commune de Montreuil la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit dans l'appréciation des garanties procédurales régissant sa situation au regard de la clause 4 de l'accord-cadre annexé à la directive du 28 juin 1999 relative au principe de non-discrimination ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la clause 4 de l'accord-cadre annexé à la directive du 28 juin 1999 était dépourvue d'effet direct ;
- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve dans leur analyse du moyen tiré de ce que la décision de non renouvellement de son contrat n'a pas été prise dans l'intérêt du service ;
- la jurisprudence appliquée par les premiers juges, qui considèrent que la décision de ne pas renouveler un contrat ne figure pas au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier, ni au nombre de celles qui doivent être motivées, méconnaît les clauses 1 et 4 de l'accord-cadre annexé à la directive du 28 juin 1999 relative au principe de non-discrimination dans la mesure où elle n'est fondée sur aucune considération objective ;
- la décision de ne pas renouveler son contrat est entachée d'illégalités externes dès lors qu'il n'a pas eu droit à la communication de son dossier, que la décision n'est pas motivée et que la commission administrative paritaire n'a pas non plus été consultée ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de fait en ce qu'elle n'a pas été prise dans l'intérêt du service ;
- il est fondé à réclamer une indemnité de 38 816 euros au titre de l'illégalité fautive de la décision de non renouvellement de son contrat ;
- il est fondé à réclamer une indemnité de 45 045,03 euros en raison du préjudice financier lié à l'illégalité de ses conditions de recrutement ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros en raison du préjudice moral subi.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 99/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le décret n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 portant statut particulier du cadre d'emplois des techniciens territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteur public,
- et les observations de Me E... pour M. D... et de Me C... pour la commune de Montreuil.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a été recruté, à compter du 1er novembre 2010, par la commune de Montreuil, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'une durée d'un an, en qualité de technicien territorial, pour exercer les fonctions de chef du service énergie au sein de la direction de l'environnement et du développement durable. Son contrat a par la suite été successivement renouvelé jusqu'au 31 octobre 2015. Par un courrier du 30 septembre 2015, le maire de la commune de Montreuil a indiqué à M. D... que son contrat prendrait fin le 31 octobre 2015. Par un jugement du 29 septembre 2017, dont M. D... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 septembre 2015 par laquelle le maire de la commune de Montreuil n'a pas renouvelé son contrat et à la condamnation de la commune de Montreuil à lui verser la somme de 90 861,03 euros en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. D... soutient que le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une erreur de droit dans l'appréciation des garanties procédurales régissant sa situation au regard de la clause 4 de l'accord-cadre annexé à la directive du 28 juin 1999 relative au principe de non-discrimination. Toutefois, ce moyen, qui se rattache au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions en annulation :
3. En premier lieu, aux termes de son article 1er, la directive du 28 juin 1999 " vise à mettre en oeuvre l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, figurant en annexe, conclu le 18 mars 1999 entre les organisations interprofessionnelles à vocation générale (CES, UNICE, CEEP) ". Aux termes de la clause 1 de cet accord-cadre, annexé à la directive : " Le présent accord-cadre a pour objet : /a) d'améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination ;/ b) d'établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. ". Aux termes de la clause 4 de ce même accord-cadre : " 1. Pour ce qui concerne les conditions d'emploi, les travailleurs à durée déterminée ne sont pas traités d'une manière moins favorable que les travailleurs à durée indéterminée comparables au seul motif qu'ils travaillent à durée déterminée, à moins qu'un traitement différent soit justifié par des raisons objectives. (...) ". Le délai de transposition de cette directive expirait le 10 juillet 2001. La clause 4 précitée, dont le contenu est précis et inconditionnel, n'avait pas été transposée à la date de la décision en litige. Toutefois, celle-ci ne peut être utilement invoquée par le requérant, dès lors que les conditions de non-renouvellement d'un contrat ne constituent pas des conditions d'emploi au sens et pour l'application de cet accord, comme l'a relevé à bon droit le tribunal administratif.
4. En deuxième lieu, un agent dont le contrat est arrivé à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas renouveler ce contrat est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur l'aptitude professionnelle de l'agent et, de manière générale, sur sa manière de servir et se trouve ainsi prise en considération de la personne, elle n'est - sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire - ni au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier, ni au nombre de celles qui doivent être motivées en application des dispositions, aujourd'hui applicables, de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il s'ensuit que les moyens tirés du défaut de motivation et de ce que l'intéressé n'aurait pas été mis à même de prendre connaissance de son dossier doivent être écartés comme étant inopérants.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 dans sa version alors applicable : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : / (...) Lorsqu'il est proposé de renouveler le contrat, l'agent non titulaire dispose d'un délai de huit jours pour faire connaître, le cas échéant, son acceptation. En cas de non-réponse dans ce délai, l'intéressé est présumé renoncer à son emploi. ". Il est constant qu'à la date de la décision en litige, les dispositions de l'article 38 précité ne prévoyaient pas la consultation de la commission administrative paritaire dans les circonstances en cause. Par suite, le moyen tiré de ce que la situation de M. D... aurait dû être soumise à la commission consultative paritaire compétente pour les agents non titulaires est inopérant et doit être écarté.
6. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie pas d'un droit au renouvellement de son contrat. Toutefois, si l'administration peut toujours, pour des motifs tirés de l'intérêt du service ou pris en considération de la personne, ne pas renouveler le contrat d'un agent public recruté pour une durée déterminée, et, par là même, mettre fin aux fonctions de cet agent, il appartient à l'autorité administrative, lorsque l'agent soutient que la décision de non-renouvellement n'a pas été prise dans l'intérêt du service, d'indiquer, s'ils ne figurent pas dans la décision, les motifs pour lesquels il a été décidé de ne pas renouveler le contrat. A défaut de fournir ces motifs, la décision de non-renouvellement doit être regardée alors comme ne reposant pas sur des motifs tirés de l'intérêt du service.
7. Pour justifier du non-renouvellement du contrat de travail de M. D..., la commune de Montreuil, qui avait fait état auprès de ce dernier, par un courriel de réponse du 25 septembre 2015, d'une volonté d'amélioration de l'organisation du service, en raison notamment d'impératifs budgétaires, et qui avait mis hors de cause la manière de servir de M. D..., invoque une réorganisation des services impliquant la suppression de son poste, la fusion, dans un but de coordination et d'optimisation des moyens, du service énergie et du service patrimoine et la mutation d'un ingénieur territorial à un nouveau poste de responsable technique, adjoint à la responsable du service patrimoine. La commune de Montreuil produit, à l'appui de ses allégations, le compte-rendu du comité technique du 13 octobre 2016 portant sur la nouvelle organisation de la direction des bâtiments, qui indique notamment, s'agissant des services patrimoine et énergie, la volonté de " conforter l'organisation provisoire mise en place à l'automne 2015 " et la proposition de transformation, à cet effet, du poste de chef de service énergie en poste d'ingénieur, ainsi qu'un organigramme annexé à ce compte-rendu. La commune produit également le compte-rendu d'une séance du conseil municipal du 1er février 2017 relative au tableau des effectifs, qui mentionne la suppression d'un poste de technicien principal 2ème classe faisant fonction de responsable du service énergie, au profit de la création d'un poste d'ingénieur faisant fonction de responsable du pôle énergie et de responsable technique adjoint à la responsable du service patrimoine, ainsi que la feuille de mutation interne de l'ingénieur placé à ce poste. La circonstance que M. D... aurait, ainsi qu'il le soutient, donné toute satisfaction à la commune dans l'exercice de ses fonctions, demeure sans incidence sur la réalité du motif de réorganisation des services fondant la décision en litige. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que le refus de renouveler le contrat de M. D... ne serait pas justifié par un motif tiré de l'intérêt du service. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, qui ont analysé, sans inverser la charge de la preuve, les motifs exposés par la commune afin de justifier sa décision de non-renouvellement, ont considéré que ladite décision n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
8. En cinquième lieu, le moyen, à le supposer soulevé, tiré de l'erreur de fait qui entacherait la décision de non-renouvellement du contrat de M. D..., est dépourvu des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit donc être écarté.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. D... n'ayant pas établi l'illégalité de la décision de non-renouvellement de son contrat, la responsabilité de la commune de Montreuil n'est pas susceptible d'être engagée à ce titre. Par suite, ses conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.
10. En second lieu, aux termes du décret n° 2010-1357 du 9 novembre 2010 portant statut particulier du cadre d'emplois des techniciens territoriaux : " I. _ Les membres du cadre d'emplois des techniciens territoriaux sont chargés, sous l'autorité d'un supérieur hiérarchique, de la conduite des chantiers. Ils assurent l'encadrement des équipes et contrôlent les travaux confiés aux entreprises. Ils participent à la mise en oeuvre de la comptabilité analytique et du contrôle de gestion. Ils peuvent instruire des affaires touchant l'urbanisme, l'aménagement, l'entretien et la conservation du domaine de la collectivité. Ils participent également à la mise en oeuvre des actions liées à la préservation de l'environnement. / Ils assurent le contrôle de l'entretien et du fonctionnement des ouvrages ainsi que la surveillance des travaux d'équipements, de réparation et d'entretien des installations mécaniques, électriques, électroniques ou hydrauliques. Ils peuvent aussi assurer la surveillance du domaine public. A cet effet, ils peuvent être assermentés pour constater les contraventions. Ils peuvent participer à des missions d'enseignement et de formation professionnelle. / II. - Les titulaires des grades de technicien principal de 2e et de 1re classe ont vocation à occuper des emplois qui, relevant des domaines d'activité mentionnés au I, correspondent à un niveau d'expertise acquis par la formation initiale, l'expérience professionnelle ou par la formation professionnelle tout au long de la vie. / Ils peuvent assurer la direction des travaux sur le terrain, le contrôle des chantiers, la gestion des matériels et participer à l'élaboration de projets de travaux neufs ou d'entretien. Ils peuvent procéder à des enquêtes, contrôles et mesures techniques ou scientifiques. / Ils peuvent également exercer des missions d'études et de projets et être associés à des travaux de programmation. Ils peuvent être investis de fonctions d'encadrement de personnels ou de gestion de service ou d'une partie de services dont l'importance, le niveau d'expertise et de responsabilité ne justifient pas la présence d'un ingénieur. ".
11. M. D... soutient que sa rémunération, fixée en référence au grade de technicien territorial, a été sous-estimée dans la mesure où il exerçait les fonctions d'un ingénieur territorial, impliquant des responsabilités bien supérieures à celles des techniciens territoriaux. Toutefois, il résulte tant de la fiche de poste de l'intéressé, qui définit sa mission principale comme relative à la gestion des équipements et des installations de chauffage, de ventilation et de climatisation des bâtiments communaux et à la gestion économe des fluides de ces bâtiments que de sa propre description de ses fonctions, que celles-ci, constituées, en particulier, du contrôle des travaux confiés à des prestataires par le suivi des marchés conclus avec ceux-ci, notamment par le suivi des activités de l'exploitant chauffagiste, du contrôle des chantiers, de la surveillance du domaine public et de l'élaboration de projets de travaux ou d'entretien, correspondent à celles qui peuvent être confiées à un technicien territorial, nonobstant la circonstance que la fiche de poste indique que le niveau de formation exigé est celui d'un ingénieur confirmé ou équivalent. Ainsi, le requérant n'établit pas que la commune aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en raison de la fixation de sa rémunération par référence au grade de technicien territorial. Par suite, ses conclusions indemnitaires tirées de l'illégalité de ses conditions de recrutement doivent être écartées.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Montreuil de réexaminer sa demande de renouvellement de contrat ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
13. Il résulte de tout ce qui précède M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Montreuil, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. D..., au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une quelconque somme à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Montreuil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 17VE03620