Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 2 et 20 décembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- il a respecté l'ensemble des dispositions prévues dans le règlement Dublin ;
- la France était responsable de la demande d'asile et il n'est pas établi qu'il n'ait pas été procédé à un examen réel et sérieux de la situation personnelle de M. A... ;
- l'obligation de quitter le territoire français est bien fondée dès lors que l'intéressé n'a pu justifier être en possession de documents transfrontière et a déclaré, d'une part, n'être titulaire d'aucun titre l'autorisant à circuler et séjourner sur le territoire national, d'autre part, qu'il se maintenait sur le territoire français depuis 2017 ;
- il n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation et exerce au surplus de manière illégale une activité non déclarée ;
- il ne justifie pas non plus d'une situation familiale de nature à faire obstacle à une mesure d'éloignement et il ne présente aucune garantie de représentation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 3 juin 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. A..., ressortissant bangladais né le 2 janvier 1989, à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période d'un an. Le préfet de la Seine-Saint-Denis demande l'annulation du jugement en date du 6 novembre 2019 annulant cet arrêté.
2. En vertu des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 212-1, L. 212-2, L. 311-1 et L. 311-2 du même code peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. L'article L. 531-2 du même code prévoit en ses deuxième, troisième et quatrième alinéas que de telles mesures de réadmission peuvent également être prises à l'encontre de l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux stipulations de cette convention que mentionne le deuxième alinéa de l'article L. 531-2, à l'encontre de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre et qui n'a pas régularisé sa situation en France, enfin, à l'encontre de l'étranger détenteur d'une carte de séjour temporaire portant la mention " carte bleue européenne " en cours de validité accordée par un autre Etat membre de l'Union européenne lorsque lui est refusée en France la délivrance de la carte de séjour temporaire portant cette mention ou lorsque la " carte bleue européenne " qu'il détient expire ou lui est retirée durant l'examen de sa demande en France.
3. Il résulte de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.
4. Toutefois, il y a lieu de réserver le cas de l'étranger demandeur d'asile. Les stipulations de l'article 31-2 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impliquent nécessairement que l'étranger qui sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande.
5. Le préfet de la Seine-Saint-Denis, en appel, soutient que M. A... a sollicité l'asile auprès des services préfectoraux, qui ont sollicité son transfert aux autorités italiennes à compter du 31 mars 2017. A la suite de l'accord implicite intervenu le 22 juillet 2017, les autorités italiennes ont été informées que le délai de transfert était prolongé jusqu'au 15 mai 2019 en raison d'une déclaration de fuite. Il est constant, ainsi que le soutient le préfet, qu'à la date de l'arrêté en litige, le délai de transfert aux autorités italiennes était expiré et, ainsi que l'a fait valoir M. A..., la France était responsable de sa demande d'asile, M. A... ayant déclaré à l'audience devant le magistrat désigné, sans être contredit ni par le préfet, ni par les pièces versées aux débats, que sa demande d'asile était toujours en cours d'examen en Italie. Dès lors, en prenant l'arrêté en litige sur le fondement du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité alors qu'il lui appartenait d'abord de statuer sur la demande présentée par l'intéressé au titre de l'asile, puis en cas de rejet de cette demande, de prendre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1, le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté en date du 6 novembre 2019.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis est rejetée.
N° 19VE03986 3