Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2020, M. E..., représenté par Me Levy, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre à l'OFPRA de procéder au réexamen de sa situation et de lui accorder le statut d'apatride sur le fondement des articles L. 812-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'incompétence ;
- elle méconnaît l'article 1er §1 de la convention de New-York du 28 septembre 1954 ainsi que les articles L. 812-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., qui déclare être né le 10 avril 1982 à Al Aïn (Emirats Arabes Unis) et être entré pour la dernière fois en France en septembre 2011, a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié le 3 octobre 2012. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) en date du 28 juin 2013, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) en date du 31 août 2015. L'intéressé a ensuite présenté, le 10 août 2016, une demande afin de se voir reconnaitre le statut d'apatride en indiquant avoir été déchu de sa nationalité émiratie, laquelle demande a été rejetée par le directeur général de l'OFPRA le 20 mars 2018 au motif que l'intéressé ne démontre pas qu'il répond à la définition de l'article 1er paragraphe 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954. M. E... fait appel du jugement du 12 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la décision attaquée a été signée par M. D... B..., chef de la division Europe à l'OFPRA, qui bénéficiait d'une délégation permanente de signature en vertu d'une décision du 2 janvier 2018 du directeur général de l'OFPRA, publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur le 15 février suivant et produite à l'instance, aux fins de signer notamment " tous actes individuels pris en application des articles (...) L. 812-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) ". Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté. M. E... ne peut utilement se prévaloir à cet égard de la circonstance que la décision attaquée ne ferait pas référence à cette délégation de signature, ni que cette dernière n'y aurait pas été jointe, dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne l'impose.
3. En second lieu, l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides stipule que : " (...) Le terme apatride désigne une personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". L'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'État de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.
4. M. E... soutient avoir la qualité de ressortissant émirati de naissance, pour être né le 10 avril 1982 à Al Ain aux Émirats Arabes Unis de deux parents émiratis, et avoir été déchu de la nationalité émiratie, en raison de différentes critiques formulées à l'encontre du système politique de ce pays. S'il se prévaut, à l'appui de ses allégations, d'une ordonnance du Président émirati en date du 15 mai 2011, la valeur probante du document produit, dont l'origine ne peut être déterminée, n'est pas établie. Les autres documents produits par l'intéressé ne permettent pas davantage d'établir la réalité de cette déchéance. Il en va ainsi notamment d'un courrier daté du 15 novembre 2014, établi au profit de M. E... par " Amnesty International France " mentionnant qu'un individu nommé Hamed Bin Matar Alblosshi figure à la 94ème position d'une liste confidentielle du gouvernement des Emirats Arabes Unis répertoriant deux cents personnes devant être rendues apatrides, sans que cette discordance de prénoms ne soit justifiée. L'existence d'une telle déchéance est d'ailleurs directement contredite par le fait, ainsi que l'indique l'OFPRA, sans être contesté sur ce point, que l'article 15 de la loi sur la nationalité émiratie, adoptée le 18 novembre 1972, prévoit qu'une mesure de perte de la nationalité émiratie ne peut être prononcée qu'en cas d'engagement au sein d'une armée étrangère, au service des intérêts d'un État ennemi ou encore en cas d'acquisition volontaire d'une nationalité étrangère, ainsi que par le fait que l'intéressé s'est vu restituer l'un de ses passeports par l'une de ses connaissances au sein des services de sécurité émiratis, lui permettant de revenir en France en septembre 2011 afin d'y poursuivre ses études, l'intégralité de ses frais de scolarité étant alors pris en charge par l'ambassade des Emirats Arabes Unis en France. M. E... n'établit ainsi pas avoir été déchu de la nationalité émiratie.
5. En outre, M. E... reconnaît n'avoir fait aucune démarche auprès des autorités compétentes visant à se voir délivrer un passeport émirati ou se faire reconnaître la nationalité émiratie, et ne justifie a fortiori d'aucun élément tendant à établir un refus des autorités émiraties qui lui aurait été, sur ce point, opposé. L'intéressé ne peut utilement faire valoir à cet égard ne pas avoir souhaité contester la mesure de déchéance de nationalité dont il aurait fait l'objet du fait de son caractère arbitraire et du fait du placement en détention dont il aurait été victime à raison de ses opinions politiques, détention dont il n'établit au demeurant pas la réalité. Il ne peut davantage utilement faire valoir avoir essayé de " régler son problème en interne " compte tenu de la proximité de certains membres de sa famille avec des membres du Gouvernement émirati, démarches dont il n'établit au demeurant pas davantage la réalité, ni ne précise d'ailleurs la teneur. Ainsi, M. E... n'entre pas dans le champ d'application de l'article 1er de la convention de New York précité.
6. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'établit pas, au regard des stipulations précitées de la convention de New York, que le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides aurait commis une erreur de droit ou fait une appréciation erronée de sa situation en lui refusant la qualité d'apatride.
7. Il résulte de tout ce qui précède, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite, qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'OFPRA présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées en appel par l'OFPRA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 20VE01246