Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 décembre 2018, M. et Mme C..., représentés par Me Naim, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière en raison du fait que l'administration n'a pas respecté les obligations de communication lui incombant en vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- c'est à tort que l'administration fiscale a rejeté la déductibilité de la TVA afférente à une partie des dépenses de construction de l'ensemble immobilier construit par la SCI MVD au 230 bis rue Paul et Camille Thomoux à Neuilly-sur-Marne, et en a tiré les conséquences sur leurs revenus fonciers ;
- l'administration a renversé la charge de la preuve quant à l'établissement d'un abandon de loyers au profit des sociétés CN Europe et Iarch et, en tout état de cause, cet abandon de loyers n'est pas établi ;
- les travaux réalisés par la société CN Europe pour un montant de 69 094 euros lui bénéficient principalement et ne constituent pas, de ce fait, un revenu imposable au titre de l'année de réalisation des travaux.
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Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., première conseillère,
- et les conclusions de M. Illouz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société MVD, dont M. et Mme C... détiennent chacun la moitié des parts sociales, a pour activité l'acquisition, la propriété, la mise en valeur, la transformation, la construction, l'aménagement, l'administration et la location de tous biens et droits immobiliers. Elle a acquis en 2007 un terrain à bâtir à usage industriel sis à Neuilly-sur-Marne, sur lequel elle a édifié un ensemble immobilier comprenant un bâtiment à usage d'entrepôt et de bureaux avec un logement de fonction. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle lui ont été notifiées des rectifications en matière de TVA, de bénéfices fonciers et de taxe sur les bureaux, ainsi qu'à M. et Mme C... des rectifications en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. La réclamation présentée par M. et Mme C... ayant été rejetée, ces derniers ont demandé la décharge des suppléments d'impôt les concernant auprès du tribunal administratif de Montreuil. Par jugement n° 1708476 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. M. et Mme C... font appel de ce jugement
Sur l'étendue du litige :
2. L'administration fiscale a, par un courrier du 6 janvier 2015, expressément abandonné le supplément de TVA assigné à la société MVD en raison de la livraison à soi-même de la mezzanine et informé l'intéressée, par un courrier du lendemain, des conséquences financières de cet abandon, en fixant le résultat rectifié avant et après application du mécanisme de la cascade à la somme de 96 115 euros au titre de l'exercice clos en 2010. Il suit de là que les revenus fonciers de M. et Mme C... résultant de cette rectification ont nécessairement été rectifiés à concurrence de cet abandon avant l'introduction de la présente instance, comme le fait valoir le directeur départemental des finances publiques de la Seine-Saint-Denis, et ainsi qu'il ressort de la page 3 de la lettre modèle n° 751 du 7 janvier 2015. Par suite, les conclusions de la requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, des contributions sociales supplémentaires et des prélèvements sociaux supplémentaires auxquels M. et Mme C... ont été assujettis au titre de l'année 2010 à raison de cette livraison à
soi-même sont sans objet et doivent être rejetées.
Sur le surplus des conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". M. et Mme C... font grief à l'administration de ne pas avoir répondu aux demandes de la SCI MVD, formulées dans son courrier du 15 février 2013, tendant à la transmission de la totalité des documents échangés avec le contribuable, notamment en cours de contrôle, ainsi que de ceux obtenus par l'exercice du droit de communication. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'étaient annexées à la réponse aux observations du contribuable, intervenue le 21 mars 2013, la demande d'information adressée à M. et Mme B... le 12 octobre 2012 et leur réponse du 8 novembre 2012. Par ailleurs, les autres documents sollicités n'ayant pas été obtenus auprès de tiers n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.
En ce qui concerne le supplément d'impôt résultant du profit sur le Trésor constaté au titre de l'année 2009 :
4. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts " (...) sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : / 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines, ainsi que les revenus : (...) b De toutes installations commerciales ou industrielles assimilables à des constructions (...) ". L'article 14 A de ce même code dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige dispose : " Sont également compris dans la catégorie des revenus fonciers les revenus distribués par un fonds de placement immobilier mentionné à l'article 239 nonies au titre de la fraction du résultat mentionnée au 1° de l'article L. 214-107 du code monétaire et financier, relative aux actifs mentionnés aux a et b du I de l'article L. 214-92 du même code détenus directement ou indirectement par ce fonds. ".
5. Il résulte de l'instruction que les rappels de TVA mis à la charge de la SCI MVD, dont M. et Mme C... sont associés et gérants, n'ont eu aucune incidence sur l'impôt sur le revenu des requérants car, si l'administration a intégré à leurs revenus fonciers le profit de TVA résultant des rappels TVA notifiés à la SCI MVD, elle a également déduit ces rappels pour le même montant au titre de la cascade TVA. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des rappels de TVA mis à la charge de la SCI MVD est dépourvu de toute portée et ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne l'abandon de loyers au titre des années 2010 et 2011 :
6. Aux termes de l'article 29 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions des articles 33 ter et 33 quater, le revenu brut des immeubles ou parties d'immeubles donnés en location, est constitué par le montant des recettes brutes perçues par le propriétaire, augmenté du montant des dépenses incombant normalement à ce dernier et mises par les conventions à la charge des locataires. Les subventions et indemnités destinées à financer des charges déductibles sont comprises dans le revenu brut. Il n'est pas tenu compte des sommes versées par les locataires au titre des charges leur incombant. / Dans les recettes brutes de la propriété sont comprises notamment celles qui proviennent de la location du droit d'affichage ou du droit de chasse, de la concession du droit d'exploitation des carrières, de redevances tréfoncières ou autres redevances analogues ayant leur origine dans le droit de propriété ou d'usufruit. ". Pour l'application de ces dispositions, un propriétaire n'ayant pas perçu les loyers qui lui sont dus doit être regardé, en l'absence de circonstance indépendante de sa volonté l'ayant contraint à y renoncer, comme ayant réalisé un acte de disposition constitutif d'une libéralité, dont le montant doit être compris dans ses revenus fonciers.
7. L'administration fiscale a relevé l'existence d'impayés de loyers de la part de la société CN Europe en 2010 et 2011 et de la société Iarch en 2011, ces deux dernières sociétés étant également détenues et gérées par M. et Mme C.... Il résulte de l'instruction que la société MVD n'a adressé aucune lettre de relance à la société Iarch et que les courriers de relance qu'elle dit avoir adressés à la société CN Europe les 20 décembre 2010, 28 novembre 2011 et 27 décembre 2011 n'ont pas de date certaine faute d'avoir été envoyés en lettre recommandée avec accusé de réception. En outre, ces courriers ne reprenaient pas les termes des baux prévoyant l'application d'une indemnité de retard de 1 %, ainsi que la résolution du contrat en cas d'impayé, et le courrier du 20 décembre 2010 mentionne un montant d'impayé erroné. Si M. et Mme C... soutiennent que la société MVD a consenti un délai de paiement à ses locataires qui se seraient finalement acquittés des loyers impayés, ils ne l'établissent nullement. En outre, ils n'établissent ni n'allèguent que les sociétés CN Europe et Iarch présentaient des difficultés de trésorerie au titre des exercices en litige. Dans ces conditions, l'administration était fondée à regarder ces impayés de loyers comme présentant le caractère d'une libéralité procédant d'un acte de disposition, à les réintégrer dans les revenus fonciers de l'entreprise et à en tirer les conséquences fiscales au niveau de ses associés.
En ce qui concerne le complément de loyer au titre de l'année 2010 :
8. Il ressort des dispositions de l'article 29 du code général des impôts que lorsqu'un contrat de bail prévoit, en faveur du bailleur, la remise gratuite en fin de bail des aménagements ou constructions réalisés par le preneur, la valeur de cet avantage constitue, pour le bailleur, un complément de loyer ayant le caractère d'un revenu foncier imposable au titre de l'année au cours de laquelle le bail arrive à expiration ou fait l'objet avant l'arrivée du terme d'une résiliation.
9. En premier lieu, l'administration fiscale a relevé des discordances entre, d'une part, la consistance et l'affectation des locaux telles que décrites par le permis de construire, ainsi que les plans de l'immeuble produits par la société MVD et, d'autre part, les constatations effectuées sur place par le vérificateur, portant notamment sur la présence dans l'entrepôt d'une mezzanine non déclarée d'une surface de 89 m² comprenant quatre bureaux et un studio. Interrogé sur ces discordances, M. C... a indiqué qu'ils résultaient de travaux supplémentaires effectués par la société CN Europe. L'article 17 du bail commercial signé entre la SCI MVD et la société CN Europe stipulant que le preneur s'engage à laisser en fin de bail tous travaux d'installation effectués à la prise de possession sans indemnité due au bailleur, cette remise gratuite en fin de bail est constitutive d'un supplément de loyer.
10. En second lieu, concernant la détermination de l'année au titre duquel ce supplément de loyer serait imposable, il résulte de l'instruction que la société MVD a donné en location à la société Iarch au 1er janvier 2011 un bureau de 20 m2, nécessairement issu des travaux susévoqués dès lors que, selon les plans initiaux, aucun bureau n'était plus disponible. Par suite, la construction de la mezzanine comprenant ce bureau doit être regardée comme étant achevée à la date du 31 décembre 2010. D'autre part, il est constant que la société MVD a signé avec la société CN Europe un second bail, le 31 janvier 2011, qui a implicitement mais nécessairement résilié le précédent bail signé le 31 mai 2007. Du fait de la résiliation de ce premier bail et en application de l'article 17 du contrat de bail, la SCI MVD est devenue propriétaire de la mezzanine. Par suite, le moyen tiré de ce que le complément de loyer ne pouvait être imposé qu'à l'issue du second bail signé par la société CN Europe doit être écarté.
11. En dernier lieu, il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen concernant la livraison à soi-même d'une mezzanine, dès lors que les rappels de TVA afférents ont été abandonnés et que, en tout état de cause, ils se rapportent à l'année 2010, alors que la SCI MVD ne conteste que les rappels de TVA au titre de l'année 2009.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.
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N° 18VE04213