Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 août 2020, le préfet du Val d'Oise demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Il soutient que :
- la faculté pour les autorités françaises d'examiner une demande d'asile, alors même que cet examen ne leur incombe pas, relève de leur pouvoir discrétionnaire ;
- aucun élément ne permet d'établir que l'Italie, qui dispose d'un système de soins et d'infrastructures médicales comparables à la France, ne pourrait pas assumer la prise en charge médicale de M. B... ;
- M. B... n'établit pas que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant ivoirien, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 16 novembre 2019 et a présenté auprès des services du préfet du Val d'Oise une demande d'asile le 27 janvier 2020. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes avaient préalablement été relevées en Italie le 21 novembre 2019, le préfet du Val d'Oise a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé le 29 janvier 2020. Leur accord quant à cette reprise en charge a été implicitement donné le 29 mars suivant. Le préfet du Val d'Oise a, par un arrêté du 23 juillet 2020, décidé le transfert de M. B... aux autorités italiennes au motif qu'elles sont responsables de l'examen de sa demande d'asile en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Le préfet du Val d'Oise fait appel du jugement du 14 août 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. ".
3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 de ce même règlement, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ".
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
6. En l'espèce, le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. B... à compter de l'acceptation implicite, le 29 mars 2020, par les autorités italiennes de la demande de prise en charge de l'intéressé a été interrompu par la présentation devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le 28 juillet 2020, de la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 23 juillet 2020 décidant son transfert aux autorités italiennes. Ce délai de six mois a recommencé à courir à compter de la notification à l'administration, le 14 août 2020, du jugement du même jour par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté attaqué. Par suite, le délai de six mois ayant expiré le 14 février 2020, l'Italie a été libérée, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013, de son obligation de prise en charge de M. B... et la décision de transfert en litige est devenue caduque.
7. Il résulte de ce qui a été dit que les conclusions de la requête du préfet du Val d'Oise sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet du Val d'Oise.
N° 20VE02170 2