Par un jugement n° 1404415 du 18 décembre 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ramené l'exclusion prononcée à l'encontre de M. B... à une durée de six mois, réformé dans cette mesure l'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse du 24 avril 2013 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 février et 30 août 2018, la commune de Garges-lès-Gonesse, représentée par Me A..., avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ayant ramené l'exclusion prononcée à l'encontre de M. B... à une durée de six mois et réformé en ce sens l'arrêté du 24 avril 2013 ;
2°) de rejeter dans son intégralité la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges, qui ont entaché ce jugement d'une erreur de droit et de fait, ont estimé que l'arrêté du 24 avril 2013 portait exclusion définitive de M. B... ;
- c'est également à tort, au regard des manquements aux prescriptions du règlement des marchés de la commune commis par l'intéressé, que le Tribunal a jugé cette mesure entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour ramener sa durée à six mois ;
- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Illouz, conseiller,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Garges-lès-Gonesse.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... s'est vu délivrer à compter du 3 juillet 2006 une autorisation de disposer d'un emplacement fixe au sein du marché Saint-Just de Garges-lès-Gonesse. Cette installation a été l'objet, le 24 mars 2013, d'un contrôle de police à l'issue duquel un procès-verbal constatant des manquements aux prescriptions du règlement des marchés de la commune a été dressé. Par un arrêté du 24 avril suivant, le maire de Garges-lès-Gonesse a prononcé l'exclusion de M. B... des marchés de la commune pour une longue durée. Le recours gracieux formé le 13 juin 2013 par intéressé contre cette décision a été rejeté par un courrier du 6 août suivant. La commune de Garges-lès-Gonesse relève régulièrement appel du jugement du 18 décembre 2017 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a ramené à six mois la durée de l'exclusion prononcée à l'encontre de M. B... et réformé en ce sens l'arrêté du 24 avril 2013. Par la voie de l'appel incident, M. B... demande à la Cour d'annuler cet arrêté en toutes ses dispositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les arrêtés par lesquels un maire prononce, sur le fondement des dispositions du 3° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, la suspension d'emplacement sur un marché puis l'exclusion définitive des marchés de la ville, en vue d'assurer le bon ordre sur ces marchés, ont le caractère de mesures de police et non de sanctions. Il en va ainsi y compris dans l'hypothèse où la mesure en cause se fonde exclusivement la méconnaissance, par le titulaire, des dispositions réglementaires applicables aux foires et marchés en raison de son comportement. Il appartient, dès lors, au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un recours tendant à l'annulation d'une telle mesure, d'en contrôler la légalité à la date de son adoption et non de prendre une décision se substituant à celle de l'administration.
3. Il résulte des termes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé que le recours formé par M. B... contre l'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse prononçant son exclusion pour une longue durée des marchés de la commune relevait du contentieux de pleine juridiction et a substitué sa décision à celle de l'autorité administrative. En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement de se prononcer, comme juge de l'excès de pouvoir, sur la légalité de cet arrêté, les premiers juges se sont mépris sur l'étendue de leurs pouvoirs. Il appartient, dès lors, à la Cour de relever d'office l'erreur ainsi commise par ce Tribunal. Le jugement attaqué doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse du 24 avril 2013.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise tendant à l'annulation l'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse prononçant son exclusion pour une longue durée des marchés de la commune.
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse du 24 avril 2013 :
5. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) / 3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d'hommes, tels que les foires, marchés (...) ". Le deuxième alinéa de l'article L. 2224-18 du même code dispose que : " Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et les marchés est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale après consultation des organisations professionnelles intéressées. ".
6. L'arrêté litigieux du 24 avril 2013 a été pris par le maire de Garges-lès-Gonesse dans le cadre de ses pouvoirs de police des marchés, qu'il tient des dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales que cet arrêté vise. Contrairement à ce que soutient la commune, il doit être regardé comme emportant l'exclusion définitive de M. B... des marchés de cette commune en l'absence d'indication de toute durée déterminée et des termes employés dans le courrier du 6 août 2013 rejetant le recours gracieux formé par l'intéressé.
7. L'arrêté en litige relève, d'une part, que M. B... avait déjà fait l'objet d'un précédent procès-verbal dressé le 6 décembre 2012 constatant une non présentation de documents d'identité, un emploi de salariés non déclarés et le non-respect d'une injonction de remballage immédiat émanant des forces de l'ordre. Il est cependant constant que ces faits avaient déjà donné lieu à une précédente mesure d'exclusion des marchés municipaux d'une durée d'un mois et qu'ils n'ont pas été ultérieurement réitérés. Cet arrêté mentionne d'autre part qu'au cours du contrôle du 24 mars 2013, les forces de l'ordre ont constaté que, parmi les documents présentés, l'extrait du certificat d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la SARL Marché Plus, entité par laquelle M. B... exploite son emplacement fixe au sein des marchés de Garges-lès-Gonesse, datait de plus de trois mois et que le certificat d'assurance professionnelle n'était quant à lui plus valable. Toutefois, si l'article 23 du règlement des marchés de la commune prescrit aux commerçants de présenter les documents afférents à leur commerce aux agents chargés d'en assurer la vérification, ni ces dispositions, ni aucune autre contenue dans ce règlement n'impose aux commerçants de présenter un extrait du certificat d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de moins de trois mois lors des contrôles dont ceux-ci sont susceptibles de faire l'objet une fois l'autorisation délivrée. Par ailleurs, s'il ressort des pièces du dossier que M. B... n'a, en méconnaissance des dispositions combinées des articles 35 et 49 de ce règlement, pas présenté de certificat d'assurance professionnelle en cours de validité lors de ce contrôle, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé avait bien renouvelé une telle assurance, laquelle était ainsi toujours en cours de validité à la date du contrôle. Dès lors, l'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse du 24 avril 2013 prononçant l'exclusion définitive des marchés de la commune de M. B... présente un caractère disproportionné au regard des motifs énoncés par cet arrêté.
8. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. Pour établir que la décision attaquée était légale, la commune a invoqué, dans un mémoire en défense communiqué en première instance, un autre motif, tiré de ce que M. B... aurait méconnu les dispositions de l'article 21 du règlement des marchés de la commune, lequel prohibe le prêt et la sous-location des emplacements accordés à titre strictement personnel, en exerçant une activité sur le domaine public par l'intermédiaire de la SARL Marché Plus, dont il est le gérant, alors qu'une autorisation d'occupation du domaine lui avait été délivrée en son nom personnel. Il est cependant constant que le règlement des marchés de la commune de Garges-lès-Gonesse ne prohibe pas l'exercice d'une activité sur un emplacement de marché par une société à responsabilité limitée en vertu d'une autorisation délivrée à son gérant par le gestionnaire du domaine public, son article 7 prescrivant aux pétitionnaires d'une telle autorisation de fournir notamment à l'autorité gestionnaire du domaine un extrait du certificat d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Il résulte de l'instruction qu'une demande de certificat d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés a d'ailleurs été formulée par les services municipaux auprès de M. B... à l'occasion de la délivrance de son autorisation au cours de l'année 2006. Par suite, le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 21 du règlement des marchés de la commune de Garges-lès-Gonesse n'était pas susceptible de fonder légalement l'arrêté en litige à la date de son édiction et cette demande de substitution de motifs ne peut être accueillie
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande, que M. B... est demander à obtenir l'annulation de l'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse du 24 avril 2013 prononçant son exclusion définitive des marchés de la commune.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de Garges-lès-Gonesse demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette commune une somme de 2 000 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n° 1404415 du 18 décembre 2017 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse du 24 avril 2013.
Article 2 : L'arrêté du maire de Garges-lès-Gonesse du 24 avril 2013 est annulé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Garges-lès-Gonesse est rejeté.
Article 4 : La commune de Garges-lès-Gonesse versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 18VE00577