Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 avril 2019 et le 9 juin 2020, M. B... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions contestées en première instance ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant le délai de réexamen de sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen personnel en ce qui concerne la demande qu'il a présentée en qualité de parent d'enfant français ;
- elle méconnait les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans méconnait le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... B..., ressortissant malien, né le 28 octobre 1977, a demandé le 24 août 2017 un titre de séjour en invoquant le bénéfice des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile. Postérieurement à cette demande, par un courrier daté du 27 mars 2018, réceptionné le 30 mars 2018, il a invoqué le 6° de l'article L. 313-11 du même code. Par un arrêté du 20 novembre 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français, pour une durée de deux ans. M. B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cet arrêté. Par jugement n° 1813258 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête après avoir requalifié à bon droit ses conclusions comme étant dirigées, d'une part, contre l'arrêté du 20 novembre 2018 rejetant sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, contre la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article R. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... fait appel de ce jugement.
Sur la décision de rejet de la demande de titre de séjour présentée par M. B... sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
2. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté, le 24 août 2017, une demande de titre de séjour en invoquant la procédure d'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Postérieurement à cette première demande, il a adressé au préfet de la Seine-Saint-Denis un courrier réceptionné le 30 mars 2018 l'informant de son changement de situation et sollicitant la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce second courrier, même s'il mentionnait comme objet le suivi du dossier de M. B..., doit être regardé comme constituant une seconde demande de titre de séjour, distincte de la demande présentée le 24 août 2017, dès lors qu'elle reposait sur un fondement juridique différent.
3. Contrairement à ce que soutient M. B..., aucune disposition législative ou règlementaire n'impose au préfet d'instruire conjointement des demandes successives de titre de séjour présentées sur des fondements différents et d'y statuer par une seule et même décision.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il ne saurait être fait grief à l'arrêté du 20 novembre 2018 d'avoir statué sur la seule demande de M. B... fondée sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que cet arrêté serait entaché d'insuffisance de motivation et de défaut d'examen de la situation personnelle de M. B... en ce qu'il n'examine pas sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français doivent être écartés.
Sur la décision implicite de rejet de la demande de titre de séjour de M. B... présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
En ce qui concerne les moyens de légalité externe :
5. En premier lieu, aux termes respectivement des articles R. 311-12 et R. 311-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " ; " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois. ". En application de ces dispositions, une décision implicite de rejet de la seconde demande de titre de séjour de M. B..., réceptionnée le 30 mars 2018, est née le 30 juillet 2018. Si M. B... se plaint de ce que sa seconde demande n'a pas fait l'objet d'un accusé de réception mentionnant le délai de formation d'une décision implicite de rejet ainsi que les voies et les délais de recours, cette lacune qui n'a pas empêché la naissance d'une décision implicite de rejet et ne l'a pas entachée d'irrégularité, a pour seul effet de rendre inopposables la mention des voies et délais de recours.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. Le délai mentionné à l'article L. 114-3 au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée acceptée ne court qu'à compter de la réception des pièces et informations requises. Le délai mentionné au même article au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée rejetée est suspendu pendant le délai imparti pour produire les pièces et informations requises. Toutefois, la production de ces pièces et informations avant l'expiration du délai fixé met fin à cette suspension. La liste des pièces et informations manquantes, le délai fixé pour leur production et la mention des dispositions prévues, selon les cas, au deuxième ou au troisième alinéa du présent article figurent dans l'accusé de réception prévu à l'article L. 1123. Lorsque celui-ci a déjà été délivré, ces éléments sont communiqués par lettre au demandeur ". Si la demande complémentaire de M. B... n'était pas accompagnée des documents d'état civil le concernant, ni de ceux relatifs à son domicile et à sa présence en France, elle faisait référence à sa demande initiale qui comportait ces documents. Par suite, le préfet étant en mesure de compléter le dossier de sa deuxième demande, la simple circonstance qu'il n'ait pas sollicité M. B... afin qu'il produise ces documents n'est pas de nature à révéler qu'il aurait omis d'examiner sa deuxième demande.
7. En troisième lieu, il est constant que M. B... n'a pas sollicité la communication des motifs de la décision implicite de rejet du 30 juillet 2018. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.
En ce qui concerne les moyens de légalité interne :
8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ". Il ressort des pièces du dossier que M. B... est parent d'un enfant de nationalité française, né le 23 juin 2015, qu'il a reconnu le 26 mars 2015. S'il atteste avoir versé mensuellement une pension alimentaire à la mère de cet enfant pour les années 2016 et 2018, il ne produit aucun mandat au titre de l'année 2017. Par ailleurs, aucun document versé aux débats ne permet d'établir que M. B... contribuerait effectivement à l'éducation de son fils, le requérant se contentant de produire le carnet de santé de son fils, un certificat médical et le témoignage de la mère portant exclusivement sur le versement de pensions alimentaires, sans qu'il y ait de précisions concernant les relations qu'il entretiendrait avec cet enfant. Par suite, à la date de la décision attaquée, M. B... ne justifiait pas avoir contribué effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis au moins deux ans. Le moyen tiré de la méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". M. B..., entré sur le territoire le 30 septembre 2009 à l'âge de 32 ans, est célibataire et père d'un enfant français, dont il n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation, ni que, comme il le prétend, son fils souffrirait d'une maladie qui nécessiterait sa présence à ses côtés. S'il soutient que deux de ses frères séjournent régulièrement en France, il n'a produit le titre de séjour que de l'un d'entre eux. En tout état de cause, la seule circonstance que ses parents soient décédés et qu'un de ses frères serait en situation régulière en France n'est pas de nature à faire regarder la décision attaquée comme ayant porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Il résulte de tous ces éléments, que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... contribuerait à l'éducation de son enfant ou qu'il entretiendrait même une relation stable avec lui. Par suite, le moyen tiré du fait que le préfet n'aurait pas porté l'attention particulière requise à l'intérêt supérieur de ses enfants au regard du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant précitée ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
11. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " (...) III. _ L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.
12. En premier lieu, l'arrêté litigieux indique que M. B... s'était déjà soustrait à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre en 2014 et mentionne plusieurs éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé.
13. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est célibataire et père d'un enfant dont il n'a pas établi contribuer à l'entretien et à l'éducation. Il ne peut justifier d'une communauté de vie stable et durable en France avec sa concubine, ni d'une expérience professionnelle significative. Il a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement au cours de l'année 2014 à l'exécution de laquelle il s'est soustrait. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en fixant à deux ans la durée de sa mesure d'interdiction de retour sur le territoire français, n'a pas entaché cette décision d'une inexacte application des dispositions précitées du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
N° 19VE01208 2