Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 mars et 28 juillet 2017,
M.B..., représenté par Me Roustouil, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la réduction demandée ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros hors taxe sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- ayant le centre de ses intérêts économiques en France, il doit être regardé comme y ayant son domicile en application de l'article 4 B du code général des impôts ; dès lors, c'est à tort que l'administration lui a refusé le bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septvicies du même code ; la convention fiscale franco-canadienne ne trouve pas à s'appliquer ;
- la distinction entre résidents et non-résidents pour l'octroi de la réduction d'impôt prévue par les dispositions de l'article 199 septvicies porte atteinte au principe de liberté de circulation des capitaux prévu à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
......................................................................................................
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention signée le 2 mai 1975 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chayvialle,
- et les conclusions de Mme Belle, rapporteur public.
1. Considérant que M.B..., qui habite au Canada, donne en location plusieurs biens immobiliers situés en France à raison desquels il y est imposé ; qu'au titre de l'impôt sur le revenu sur ses revenus de source française pour l'année 2012 il a entendu bénéficier de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 septvicies du code général des impôts au titre de l'acquisition d'un immeuble neuf situé en France et destiné à être donné en location ; que, toutefois, l'administration n'a pas pris en compte cette réduction d'impôt pour la liquidation de la cotisation d'impôt sur le revenu mise à la charge de
M. B...; que ce dernier a formé deux réclamations qui ont été rejetées par l'administration au motif qu'il n'est pas domicilié..., condition prévue à l'article 199 septvicies dudit code ; que, par un jugement du 17 janvier 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction de la cotisation à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2012 ; que M. B...relève appel de ce jugement ;
Sur les conclusions à fin de décharge de l'imposition :
En ce qui concerne le domicile fiscal :
S'agissant de l'application du code général des impôts :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts dans la rédaction applicable : "I. -1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans. (...) II. - La réduction d'impôt n'est applicable qu'aux logements dont les caractéristiques thermiques et la performance énergétique sont conformes aux prescriptions de l'article L. 111-9 du code de la construction et de l'habitation. (...) III. - L'engagement de location (...) prévoit que le loyer ne doit pas excéder un plafond fixé par le décret prévu au troisième alinéa du h du 1° du I de l'article 31. / IV. - La réduction d'impôt est calculée sur le prix de revient du logement retenu dans la limite de plafonds par mètre carré de surface habitable fixés par décret en fonction de la localisation du logement et sans pouvoir dépasser 300 000 . / Le taux de la réduction d'impôt est de : -13 % pour les logements acquis en 2012 (...) La réduction d'impôt est répartie sur neuf années. Elle est accordée au titre de l'année d'achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure et imputée sur l'impôt dû au titre de cette même année puis sur l'impôt dû au titre de chacune des huit années suivantes à raison d'un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années. / .../ X. - A compter de la publication d'un arrêté des ministres chargés du budget et du logement classant les communes par zones géographiques en fonction de l'offre et de la demande de logements, la réduction d'impôt prévue au présent article n'est plus accordée au titre des logements situés dans des communes classées dans des zones géographiques ne se caractérisant pas par un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements et acquis à compter du lendemain de la date de publication de cet arrêté. (...)" ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 1 de l'article 4 B du code général des impôts : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : (...) / c. Celles [les personnes] qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques " ; qu'aux termes de l'article 4 A de ce code : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...)" ;
4. Considérant que lorsqu'une personne dispose d'un patrimoine en France, il y a lieu, pour déterminer le centre de ses intérêts économiques au sens du c du 1 de l'article 4 B du code général des impôts, de rechercher si ce patrimoine est productif de revenus et de comparer ceux-ci aux revenus perçus dans les autres pays avec lesquels elle présente des liens ; que M. B...soutient qu'il avait droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septvicies du code général des impôts dès lors qu'il remplissait la condition de la domiciliation fiscale en France, le centre de ses intérêts économiques s'y trouvant ; qu'il fait valoir qu'il est propriétaire en France de trois biens immobiliers dont deux sont productifs de revenus fonciers et qu'il détient des titres de participation dans une société civile immobilière française ; qu'il résulte de l'instruction que pour l'année d'imposition en litige, les revenus bruts de source française du requérant s'élevaient à 92 786 euros, alors que les revenus nets déclarés aux autorités canadiennes s'élèvent à 121 295 dollars canadiens, soit, eu égard au taux de conversion applicable, un montant inférieur ; qu'ainsi en application du c du 1. de l'article 4 B du code général des impôts, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'interprétation administrative de la loi fiscale opposable sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le requérant doit être regardé comme ayant eu son domicile fiscal en France en 2012 pour l'application des dispositions relatives à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septvicies précité du code général des impôts, sous réserve toutefois des stipulations de la convention signée entre la France et le Canada ;
S'agissant de la convention conclue entre la France et le Canada :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la convention signée entre la France et le Canada : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne : a) Toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. (...)/. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :/ a) Cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année 2012, le requérant disposait d'un foyer d'habitation permanent au Canada ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué que le requérant disposerait d'un tel foyer en France ; que, par suite, en application des stipulations précitées du 2. de l'article 4 de la convention franco-canadienne, le requérant était résident fiscal du Canada où il était passible de l'impôt sur l'ensemble de son revenu mondial ; qu'il suit de là que les stipulations précitées de la convention conclue entre la France et le Canada font obstacle à ce que M. B...soit regardé comme ayant en France son domicile au titre de l'année 2012, au sens de l'article 4 A du code général des impôts ; que, dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à faire valoir qu'il remplissait les conditions prévues au c du 1. de l'article 4 B du code général des impôts, lequel définit les personnes soumises à l'obligation fiscale illimitée prévue par l'article 4 A de ce code ; qu'ainsi, pour l'année 2012 M. B...ne remplit pas la condition de résidence à laquelle est subordonnée le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 septvicies du code général des impôts ; qu'en refusant au requérant le bénéfice de cette réduction d'impôt, l'administration fiscale n'a pas méconnu les dispositions de cet article ;
En ce qui concerne l'atteinte à la liberté de circulation des capitaux :
7. Considérant qu'aux termes de l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. 2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. " ; qu'aux termes de l'article 65 du même traité : " 1. L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres :/ a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu ou leurs capitaux sont investis ; (...)/ 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 63 " ;
8. Considérant qu'il résulte des stipulations citées au point 7., telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en matière d'impôts directs, la situation des résidents et celle des non-résidents ne sont, en règle générale, pas comparables ; qu'ainsi, le fait pour un État membre de ne pas faire bénéficier un non-résident de certains avantages fiscaux qu'il accorde au résident n'est-il, en règle générale, pas discriminatoire, compte tenu des différences objectives entre la situation des résidents et celle des non-résidents ; que, toutefois, la différence de traitement fiscal entre résidents et non-résidents peut être regardée comme discriminatoire au regard des stipulations du traité instituant la Communauté européenne si, nonobstant leur résidence dans des États membres différents ou dans des pays tiers, il est établi que, au regard de l'objet et du contenu de la disposition nationale en cause, les deux catégories de contribuables se trouvent dans une situation comparable ;
9. Considérant que les dispositions de l'article 199 septvicies du code général des impôts instaurent une réduction d'impôt sur le revenu au profit des contribuables qui acquièrent un logement neuf répondant à certaines caractéristiques, notamment de performance énergétique et d'implantation géographique, et qui prennent l'engagement de le louer nu pour une durée minimale de neuf ans à certaines conditions de loyer ; que le montant de la réduction d'impôt correspond à un pourcentage du prix d'acquisition du logement et est imputé, par neuvième, sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année d'acquisition du logement et des huit années suivantes ; que ces dispositions visent à remédier à l'insuffisance de logements en France en permettant aux personnes qui investissent dans des logements neufs qu'ils donnent en location, d'imputer une fraction du coût de leur investissement sur l'impôt sur le revenu dont ils sont redevables en France ; qu'eu égard à l'objet et au contenu de ces dispositions, la situation des non-résidents, qui réalisent des investissements locatifs répondant aux conditions prévues par la loi, est comparable à celle des résidents ; qu'il n'est pas établi, y compris par les travaux préparatoires à l'adoption de l'article 31 de la loi 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, dont est issue la mesure fiscale contestée, que la restriction ainsi imposée par cette dernière à la libre circulation des capitaux réponde à une raison impérieuse d'intérêt général ; que, par suite, les dispositions de l'article 199 septvicies du code général des impôts sont contraires à la liberté de circulation des capitaux en tant qu'elles limitent le bénéfice de la réduction d'impôt qu'elles prévoient aux contribuables domiciliés en France ; qu'il s'ensuit que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la réduction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti en France pour l'année 2012 à hauteur de 4 819 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1602550 du 17 janvier 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. B...a été assujetti au titre de l'année 2012 est réduite à hauteur de 4 819 euros.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2
17VE00744