Résumé de la décision
La décision porte sur la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) soulevée par M. et Mme B... concernant la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du 1° ter du II de l'article 156 du Code général des impôts. Ces dispositions n'autorisent pas les propriétaires d'immeubles situés sur des sites naturels protégés, au sens de la loi du 2 mai 1930, à déduire le montant des travaux de restauration de leur revenu imposable, contrairement aux propriétaires d'immeubles classés monuments historiques. Le Conseil d'État a jugé que la question ne présente pas un caractère sérieux et a décidé qu'il n'y a pas lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel.
Arguments pertinents
Les arguments clés de la décision incluent :
1. Principe d'égalité : Le Conseil d'État souligne que le principe d'égalité ne s'oppose pas à des traitements différents de situations différentes. Le législateur peut établir des différences de traitement, à condition qu'elles soient en rapport direct avec l'objet de la loi. En l'espèce, les proprietaires d'immeubles classés ont une responsabilité de conservation qui justifie des avantages fiscaux :
> "Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que... la différence de traitement... soit en rapport direct avec l'objet de la loi..."
2. Critères objectifs : Le Conseil d'État rappelle que pour respecter le principe d'égalité, le législateur doit fonder ses appréciations sur des critères objectifs et rationnels. En effet, les obligations liées à la préservation des monuments historiques créent une distinction légitime entre les différents régimes de propriété :
> "Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques garantie par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789."
3. Différence de situation : Les obligations de conservation ne sont pas les mêmes pour un propriétaire de monument historique et pour celui d'un immeuble situé dans le périmètre d'un site naturel. Cela crée une différence de traitement légitime justifiant l'absence d'avantages fiscaux pour les propriétaires d'immeubles situés dans des zones protégées :
> "Le code du patrimoine institue ainsi une obligation de protection des monuments historiques... qui justifie que leur soit accordé le droit de déduire de leur revenu imposable le montant des dépenses se rapportant à leurs charges foncières."
Interprétations et citations légales
Les différentes lois appliquées dans cette décision incluent :
- Code général des impôts - Article 156 : Celui-ci précise les modalités de calcul du revenu net imposable et les charges déductibles. Le 1° ter du II de cet article ne permet donc pas aux propriétaires de bâtiments sur des sites naturels d'accéder aux mêmes déductions que pour les monuments historiques.
- Code du patrimoine - Article L. 621-1 : Cet article définit la classification des monuments historiques et les obligations qui incombent à leurs propriétaires, garantissant leur conservation à des fins d'intérêt public.
- Loi du 2 mai 1930 - Article L. 341-1 : Cet article encadre les obligations liées à l'inscription des monuments naturels et des sites, précisant la nécessité d'une déclaration préalable pour les travaux.
La décision du Conseil d'État rappelle que la distinction entre les différentes protections (monuments historiques vs. sites naturels) est justifiée par les obligations spécifiques de conservation :
> "Le propriétaire d'un immeuble situé dans le périmètre d'un monument naturel ou d'un site inscrit se trouve ainsi dans une situation différente de celle du propriétaire d'un immeuble classé monument historique..."
Ainsi, en raisonnant sur la base des critères d'égalité et des obligations de conservation des monuments, la décision conclut que les différences établies par le législateur en matière de déductions fiscales ne portent pas atteinte au principe d'égalité dans les charges publiques.