Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée ;
- le décret n° 2015-1423 du 5 novembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Ramain, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de la CIMADE, de la Ligue des droits de l'homme, du Gisti et du syndicat des avocats de France ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 novembre 2019, présentée par la CIMADE, la Ligue des droits de l'homme, le GISTI et le syndicat des avocats de France ;
Considérant ce qui suit :
1. La CIMADE, le GISTI, la Ligue des droits de l'homme et le syndicat des avocats de France ont saisi le Premier ministre le 20 mars 2018 d'une demande de modification du décret du 27 mai 2016 autorisant les téléservices tendant à la mise en oeuvre du droit des usagers de saisir l'administration par voie électronique, afin de prévoir le caractère facultatif de la saisine par voie électronique de l'administration par ses usagers. Ces organisations demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du Premier ministre rejetant cette demande.
2. L'article L. 112-8 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Toute personne, dès lors qu'elle s'est identifiée préalablement auprès d'une administration, peut, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, adresser à celle-ci, par voie électronique, une demande, une déclaration, un document ou une information, ou lui répondre par la même voie. Cette administration est régulièrement saisie et traite la demande, la déclaration, le document ou l'information sans lui demander la confirmation ou la répétition de son envoi sous une autre forme ". L'article L. 112-9 du même code précise que : " [...] Lorsqu'elle met en place un ou plusieurs téléservices, l'administration rend accessibles leurs modalités d'utilisation, notamment les modes de communication possibles. Ces modalités s'imposent au public. / Lorsqu'elle a mis en place un téléservice réservé à l'accomplissement de certaines démarches administratives, une administration n'est régulièrement saisie par voie électronique que par l'usage de ce téléservice. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article L. 112-10 du même code : " L'application des articles L. 112-8 et L. 112-9 à certaines démarches administratives peut être écartée, par décret en Conseil d'Etat, pour des motifs d'ordre public, de défense et de sécurité nationale, de bonne administration, ou lorsque la présence personnelle du demandeur apparaît nécessaire ". Ces dispositions créent, sauf lorsqu'y font obstacle des considérations tenant à l'ordre public, la défense et la sécurité nationale ou la bonne administration ou lorsque la présence personnelle du demandeur est nécessaire, un droit, pour les usagers, à saisir l'administration par voie électronique. Elles ne prévoient en revanche aucune obligation de saisine électronique. Quand l'administration met en place un téléservice et qu'un usager choisit de la saisir par voie électronique, cette saisine électronique n'est possible que par l'utilisation de ce téléservice.
3. Il résulte des motifs énoncés au point précédent que le décret du 27 mai 2016, qui se borne à autoriser les services de l'Etat et ses établissements publics administratifs à créer des téléservices destinés à la mise en oeuvre du droit des usagers à les saisir par voie électronique et définit les modalités de fonctionnement de ces téléservices, n'a pas pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de rendre obligatoire la saisine de l'administration par voie électronique. Il s'ensuit que les organisations requérantes ne peuvent utilement soutenir qu'en refusant de modifier le décret litigieux pour que soit précisé que la saisine électronique est facultative, la décision attaquée méconnaîtrait les principes constitutionnels d'égalité d'accès au service public, de continuité du service public et d'égalité devant la loi, ainsi que le principe de non-discrimination garanti par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le droit à la compensation ouvert aux personnes handicapées par les articles L. 114-1 et L. 114-1-1 du code de l'action sociale et des familles.
4. Par ailleurs, si les organisations requérantes font état des difficultés rencontrées par les ressortissants étrangers pour prendre rendez-vous par voie électronique dans les préfectures, ces difficultés ne trouvent pas leur origine dans le décret litigieux, mais dans les décisions rendant obligatoires de telles prises de rendez-vous. Il s'ensuit que les requérantes ne sauraient utilement invoquer ces circonstances de fait à l'appui de leur demande d'annulation du refus de modifier le décret litigieux.
5. Il résulte de tout ce qui précède que les organisations requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation du refus de modifier le décret du 27 mai 2016 autorisant les téléservices tendant à la mise en oeuvre du droit des usagers de saisir l'administration par voie électronique. Leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées par voie de conséquence.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la CIMADE, du GISTI, de la Ligue des droits de l'homme et du syndicat des avocats de France est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la CIMADE, au GISTI, à la Ligue des droits de l'homme, au syndicat des avocats de France, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.