- le code électoral ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stéphane Hoynck, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 23 octobre 2017, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A...B..., candidat tête de la liste " Génération Hope", qui a obtenu 8,71 % des suffrages au premier tour de l'élection des conseillers territoriaux de Saint-Martin le 19 mars 2017. Ce rejet est motivé par la mise à disposition gratuite de trois plates-formes par une société en violation de l'interdiction de participation au financement d'une campagne électorale qui est faite aux personnes morales autres qu'un parti politique. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), a saisi le Conseil d'Etat, en application de l'article L 52-15 du code électoral, applicable de plein droit aux élections des conseillers territoriaux de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin.
2. Aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral, applicable de plein droit aux élections des conseillers territoriaux de la collectivité d'outre-mer de Saint-Martin : " Les dons consentis par une personne physique dûment identifiée pour le financement de la campagne d'un ou plusieurs candidats lors des mêmes élections ne peuvent excéder 4 600 euros. / Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. (...) ". En application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 52-15 du code électoral : " Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. "
3. Les dispositions, citées au point 2, de l'article L. 52-8 du code électoral ont pour effet d'interdire aux personnes morales, qu'il s'agisse de personnes publiques ou de personnes morales de droit privé, à l'exception des partis ou groupements politiques, de consentir à un candidat des dons en nature ou en espèces, sous quelque forme et de quelque montant que ce soit. Toutefois, ni l'article L. 52-15 de ce code ni aucune autre disposition législative n'oblige la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques à rejeter le compte d'un candidat faisant apparaître qu'il a bénéficié de la part de personnes morales d'un avantage prohibé par l'article L. 52-8. Il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'élection, d'apprécier si, compte tenu notamment des circonstances dans lesquelles le don a été consenti et de son montant, sa perception doit entraîner le rejet du compte et la saisine du juge de l'élection afin qu'il prononce, le cas échéant, et par application de l'article L. 118-3 du code électoral, l'inéligibilité du candidat concerné.
4. Il résulte de l'instruction que M. B...a bénéficié de la mise à disposition de trois plateformes appartenant à une société dont l'une de ses colistières est la gérante, pour une durée de quinze jours dans le cadre de la campagne électorale. Il a ainsi bénéficié, de la part d'une personne morale de droit privé autre qu'un parti ou groupement politique, d'un avantage en nature prohibé par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 52-8 du code électoral. Il est constant que cet avantage doit être évalué à un montant de 3 750 euros, soit 18,17 % du montant des dépenses engagées et 15,43 % du plafond des dépenses autorisé dans la circonscription. Dès lors, c'est à bon droit que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M.B.... Par suite, celui-ci n'a pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat en vertu de l'article L. 52-11-1 du code électoral.
5. Aux termes de l'article L. 118-3 du code électoral : " Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut prononcer l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / (...)Il prononce également l'inéligibilité du candidat ou des membres du binôme de candidats dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. (...) " Pour déterminer si un manquement est d'une particulière gravité au sens de ces dispositions, il incombe au juge de l'élection d'apprécier, d'une part, s'il s'agit d'un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et, d'autre part, s'il présente un caractère délibéré. En cas de manquement aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, il incombe, en outre, au juge de tenir compte de l'importance de l'avantage ou du don irrégulièrement consenti et de rechercher si, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il a été susceptible de porter atteinte, de manière sensible, à l'égalité entre les candidats.
6. Le manquement de M. B... aux dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral représente 15,43 % du plafond des dépenses autorisées. L'acceptation d'un avantage en nature de la part d'une personne morale de droit privé autre qu'un parti ou groupement politique, qui fait l'objet d'une prohibition de portée générale, présente, dans les circonstances de l'espèce, en particulier celle tenant à l'origine de l'avantage qui a été consenti par une société gérée par une colistière du candidat, une particulière gravité qui justifie de déclarer M. B... inéligible à tout mandat pendant un an à compter du jour de la présente décision.
D E C I D E :
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Article 1er : Le compte de campagne de M. B...a été rejeté à bon droit.
Article 2 : M. B...n'a pas droit au remboursement forfaitaire de l'Etat en application de l'article L. 52-11-1 du code électoral.
Article 3 : M. B...est déclaré inéligible à toutes les élections pour une durée d'un an à compter de la présente décision.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. A...B....
Copie en sera adressée à la ministre des outre-mer.