3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- elles justifient d'intérêts leur donnant qualité pour agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard aux atteintes portées à plusieurs libertés fondamentales et au risque irrémédiable et imminent de faillite de leurs établissements ;
- il est porté une atteinte grave à la liberté d'entreprendre, au principe général de libre accès aux loisirs et au droit au respect de la vie privée et familiale ;
- cette atteinte est manifestement illégale dès lors, d'une part, qu'elle n'est ni justifiée ni proportionnée au but recherché et, d'autre part, qu'elle provoque une rupture d'égalité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son préambule ;
- le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ;
- le décret n° 2020-1454 du 27 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
Sur le cadre du litige :
2. Aux termes de l'article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 : " L'état d'urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ". L'article L. 3131-13 du même code précise que " L'état d'urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l'intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / (...) / La prorogation de l'état d'urgence sanitaire au-delà d'un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l'article L. 3131-19 ". Aux termes de l'article L. 3131-15 du même code : " Dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : / (...) 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l'ouverture, y compris les conditions d'accès et de présence, d'une ou plusieurs catégories d'établissements recevant du public. " Ces mesures doivent être " strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. "
3. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l'aggravation de l'épidémie, la loi du 23 mars 2020 mentionnée ci-dessus a créé un régime d'état d'urgence sanitaire aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique et déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ces dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. L'évolution de la situation sanitaire a conduit à un assouplissement des mesures prises et la loi du 9 juillet 2020, a organisé un régime de sortie de cet état d'urgence.
4. Une nouvelle progression de l'épidémie a conduit le Président de la République à prendre, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, le décret du 14 octobre 2020 déclarant l'état d'urgence à compter du 17 octobre à 00 heure sur l'ensemble du territoire national. Le 29 octobre 2020, le Premier ministre a pris, sur le fondement de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, un décret prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. En vertu de l'article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, l'état d'urgence sanitaire a été prorogé jusqu'au 16 février 2021 inclus. Toutefois, l'évolution de la situation sanitaire a conduit le Premier ministre à procéder, par deux décrets du 27 novembre et du 14 décembre 2020, à un assouplissement des mesures précédemment prises.
Sur la demande en référé :
5. L'association Réaction 19 et les sociétés Les Intouchables, L'Atelier de Lagny, Le Cercle et Le Cirkus demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 précité du code de justice administrative, d'enjoindre au Premier ministre de modifier les articles 40, 41, 42, 45 et 46 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 et d'ordonner, dans l'attente de cette modification, la suspension de l'exécution de ces articles.
Sur la demande en tant qu'elle concerne les articles 41, 42, 45 et 46 du décret du 29 octobre 2020 :
6. La circonstance qu'une atteinte à une liberté fondamentale, portée par une mesure administrative, serait avérée n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une situation d'urgence justifiant l'intervention du juge des référés dans le très bref délai prévu par les dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Il appartient au juge des référés d'apprécier, au vu des éléments que lui soumet le requérant comme de l'ensemble des circonstances de l'espèce, si la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 est satisfaite, en prenant en compte la situation du requérant et les intérêts qu'il entend défendre mais aussi l'intérêt public qui s'attache à l'exécution des mesures prises par l'administration.
7. Pour justifier de l'urgence à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de leur requête, les requérants invoquent les atteintes portées à plusieurs libertés fondamentales et le risque irrémédiable et imminent de faillite de leurs établissements. Il résulte des éléments soumis par les sociétés requérantes qu'elles exercent une activité de restauration et de débit de boisson. Eu égard à ces éléments, la condition d'urgence requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne peut être regardée comme satisfaite par la demande en ce qui concerne les articles 41, 42, 45 et 46 du décret du 29 octobre 2020, la fermeture des restaurants et débits de boisson étant prévue par l'article 40 de ce même décret.
Sur la demande en tant qu'elle concerne l'article 40 du décret du 29 octobre 2020 :
8. Le juge des référés du Conseil d'Etat a, par une ordonnance n° 447295, 447307 du 11 décembre 2020, relevé que la contamination à la covid-19 s'opère principalement par gouttelettes respiratoires, par contact et par voie aéroportée et une distance d'un mètre ne suffit pas à elle seule à limiter la contagion en espace clos. Il est également possible d'être contaminé par le biais des surfaces sur lesquelles le virus s'est déposé. Le Haut conseil pour la santé publique, dans son avis du 17 septembre 2020, ainsi que le comité de scientifiques, dans sa note d'alerte du 22 septembre 2020, ont tous deux souligné que les expositions et transmissions ont lieu principalement, d'une part, au sein de la famille et, d'autre part, en cas de regroupements sociaux avec forte densité de personne. La durée de présence dans un même espace clos avec plusieurs personnes aggrave par ailleurs le risque de contamination. Il résulte en outre de diverses études scientifiques disponibles sur internet, et notamment de l'étude Mobility network models of COVID-19 explain inequities and inform reopening, réalisée à partir des données de géolocalisation de 98 millions d'habitants des 10 plus importantes aires urbaines des Etats-Unis et publiée le 10 novembre 2020 dans la revue Nature, que les restaurants, bars et hôtels, présentent, avec les salles de sport, un risque significativement plus élevé de transmission du virus que les autres lieux de brassage de population, y compris les commerces. Il a estimé, au vu de la situation sanitaire appréciée au vu des indicateurs disponibles à la date de l'ordonnance sur le site de Santé publique France, que les moyens tirés de ce que les dispositions en cause du décret du 29 octobre 2020 porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l'industrie ne peuvent qu'être écartés.
9. En premier lieu, l'évolution de la situation sanitaire depuis l'intervention de cette ordonnance ne peut conduire à regarder le maintien de la fermeture des restaurants et débits de boisson comme une mesure n'étant manifestement pas nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif de sauvegarde de la santé publique.
10. En deuxième lieu, si certaines discriminations peuvent constituer des atteintes à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, eu égard aux motifs qui les inspirent ou aux effets qu'elles produisent sur l'exercice d'une telle liberté, la méconnaissance du principe d'égalité ne révèle pas, par elle-même, une atteinte de cette nature.
11. Il en résulte que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 40 du décret du 29 octobre 2020 porteraient une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et de l'industrie ainsi, en tout état de cause, qu'aux autres libertés fondamentales invoquées par les requérants ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que la requête de l'association Réaction 19 et autres doit être rejetée, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association Réaction 19 et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Réaction 19, première requérante dénommée.