1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'article 2 de l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 8 septembre 2020 portant obligation du port du masque en extérieur ;
3°) de lui enjoindre de reformuler l'arrêté de telle sorte qu'il soit tenu compte de la superficie et du caractère archipélagique du département et que soit précisé le périmètre autour des établissements visés par le nouvel arrêté.
Ils soutiennent que :
- le Conseil d'Etat est compétent ;
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir étant résident en Guadeloupe et ayant vocation à se déplacer sur l'ensemble du territoire départemental ;
- l'urgence est avérée ;
- il n'y a pas d'impossibilité, ou de difficulté à établir des zones de port obligatoire du masque en extérieur, prenant en compte les différences de densité de population dans les différentes communes du département de la Guadeloupe ;
- l'obligation du port du masque doit être proportionnée au but recherché par la délimitation de secteurs suffisamment précis, comme par exemple les quartiers de villes, présentant une densité certaine de population ou des périmètres précis calculés à partir d'établissements scolaires ou de points d'activités et non, comme en l'espèce, sur la base de rues ou d'abords de rue.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ;
- le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures " En vertu de l'article L. 522-3 du code précité, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Il appartient au juge des référés, saisi en appel, de porter son appréciation sur ce point au regard de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des éléments recueillis par le juge de première instance dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.
2. L'émergence d'un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d'urgence de santé publique de portée internationale par l'Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, puis, par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, a prorogé cet état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet 2020 inclus. Au vu de l'évolution de la situation sanitaire, les mesures générales adoptées par décret ont assoupli progressivement les sujétions imposées afin de faire face à l'épidémie.
3. En vertu du I de l'article 1er de la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire, du 11 juillet 2020 au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19, réglementer la circulation des personnes. En vertu du deuxième alinéa du II du même article, lorsque ces mesures doivent s'appliquer dans un champ géographique qui n'excède pas le territoire d'un département, le Premier ministre peut habiliter le représentant de l'Etat dans le département à les décider lui-même, après avis, rendu public, du directeur général de l'agence régionale de santé. Ces mesures, selon le III de cet article, " sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires ". Le IV du même article précise qu'elles peuvent faire l'objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative. Enfin, il résulte du VII du même article que la violation de ces mesures peut faire l'objet d'une amende d'un montant forfaitaire de 135 euros, et, en cas de récidive dans les quinze jours, d'une amende de cinquième classe ou, en cas de violation à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d'intérêt général. Aux termes du II de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé : " Dans les cas où le port du masque n'est pas prescrit par le présent décret, le préfet de département est habilité à le rendre obligatoire, sauf dans les locaux d'habitation, lorsque les circonstances locales l'exigent ". Il résulte de l'annexe 1 de ce décret que le masque doit alors répondre aux caractéristiques techniques fixées par l'article 30-0 E de l'annexe IV au code général des impôts.
4. Par un arrêté du 8 septembre 2020, pris sur le fondement du II de l'article 1er du décret du 10 juillet 2020, le préfet de la Guadeloupe a imposé le port du masque, à compter du mercredi 9 septembre 2020 et jusqu'au mardi 29 septembre inclus, à toute personne âgée de onze ans et plus lorsqu'elle se trouve (article 2), d'une part, dans toutes les rues où se trouvent une école élémentaire, un collège, un lycée, un établissement d'enseignement supérieur ou un établissement de formation professionnelle ou, d'autre part, dans toutes les rues où se trouvent les établissements suivants : tout type de commerces de vente et de réparation, y compris les marchés couverts et ouverts ; les lieux de vente à emporter ; les établissements à vocation commerciale destinés à des expositions ou à des salons ; les administrations et les banques ; les restaurants et les débits de boissons ; les établissements sportifs couverts et de plein air, les stades et les hippodromes ; les pharmacies, les cabinets médicaux et les établissements de santé ; les établissements de culte ; les gares routières et maritimes ainsi que les aéroports ; les salles d'auditions, de conférences, de spectacles et de cinémas, les musées et les établissements d'enseignement artistique ; les salles de jeux ; les bibliothèques, centres de documentation ; les hôtels et pensions de famille, les établissements d'éveil, d'enseignement, centres de vacances, centres de loisirs sans hébergement. Cette obligation ne s'applique pas, en vertu de l'article 3, pour les plages, les bassins, plans d'eau, chemins et sentiers de randonnée, et pour les personnes circulant à vélo et celles pratiquant une activité sportive sauf lorsque les consignes sanitaires fixées par l'autorité administrative ou les fédérations sportives délégataires le prévoient. En sont également exceptées, en vertu de l'article 4, les personnes en situation de handicap qui sont munies d'un certificat médical justifiant de cette dérogation et mettent en oeuvre les mesures sanitaires de nature à prévenir la propagation du virus.
5. M. L... et autres relèvent appel de l'ordonnance du 18 septembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant à ce qu'il d'ordonne la suspension de l'obligation de port du masque en extérieur dans lieux désignés à l'article 2 de l'arrêté préfectoral ou qu'il prescrive toutes mesures utiles de nature à faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée aux libertés fondamentales telles que la liberté d'aller et venir, le droit à la protection de la santé et le droit au respect de la vie privée.
6. Pour estimer que la mesure prise par le préfet de la Guadeloupe était nécessaire, proportionnée et adaptée pour lutter dans le département de la Guadeloupe contre la propagation de la Covid 19 dont le caractère pathogène et contagieux n'est d'ailleurs pas contesté, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe s'est fondé de manière précise sur les indicateurs publiés par l'agence régionale de santé. Il a en particulier fait ressortir que la circulation du virus qui s'accélère de nouveau depuis le mois de juillet sur le territoire national a conduit à classer la Guadeloupe, à l'issue du conseil de défense et de sécurité nationale du 26 août 2020, comme une zone à circulation active du virus. Il a retenu que, dans son avis du 7 septembre dernier, l'agence régionale de santé a fait état d'une augmentation du nombre de cas depuis trois semaines consécutives (179 cas lors de la semaine n° 33, 322 cas lors de la semaine n° 34, et 532 cas lors de la semaine n° 35). Il s'est référé, d'une part, au taux d'incidence qui a atteint 141,2/100 000 habitants, classant la Guadeloupe parmi les départements au taux d'incidence les plus élevés et, d'autre part, au taux de positivité de 9,5 % en semaine 35 observant qu'il a doublé en seulement un mois. Par ailleurs, il a constaté que le centre hospitalier a dû accueillir 50 patients porteurs du covid-19, saturant le service de réanimation en dépit du déclenchement du plan Blanc le 23 août dernier. Ces chiffres dont il n'apparaît qu'ils se sont améliorés ne sont pas par eux-mêmes remis en cause par la requête d'appel. Cette situation impose ainsi aux pouvoirs publics de prendre les mesures adaptées pour contenir la propagation d'une épidémie qui, à ce jour, a causé plus de 30 000 décès en France, en dépit de mesures rigoureuses d'interdiction de la plupart des déplacements durant deux mois, en évitant d'avoir à adopter de nouveau des mesures ayant un coût économique et social élevé, notamment en Guadeloupe. Il ressort enfin des termes mêmes de l'arrêté préfectoral du 8 septembre 2020 que le préfet de la Guadeloupe a également tenu compte du caractère archipélagique de la Guadeloupe et des capacités limitées du système de soins, de la nécessité d'anticiper les conséquences liées à l'épidémie de dengue et des conséquences sur le système de santé de la saison cyclonique en cours.
7. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contesté qu'en l'état actuel des connaissances, d'une part, le virus peut se transmettre par gouttelettes respiratoires, par contacts et par voie aéroportée et que, d'autre part, les personnes peuvent être contagieuses sans le savoir, notamment pendant la phase pré-symptomatique, de l'ordre de cinq jours en moyenne, de l'infection. Or il résulte des avis et recommandations tant de l'Organisation mondiale de la santé que du Haut Conseil de la santé publique ou du conseil scientifique covid-19, appuyés sur les études épidémiologiques récentes et la revue de la littérature scientifique existante, que le port d'un masque, qui ne présente pas de risque particulier pour les personnes qui le portent, est efficace pour réduire le risque de contamination par le SARS-CoV-2. Si le risque de contamination est, de façon générale, moins élevé en plein air, la possibilité qu'un aérosol contenant des virus soit inhalé avec une charge infectante suffisante ou qu'une transmission par gouttelettes ait lieu existe en cas de forte concentration de population. Ainsi, le Haut Conseil de la santé publique recommande, dans un avis du 20 août 2020, en l'état actuel des connaissances et des ressources disponibles, de porter systématiquement un masque en plein air lors de la présence d'une forte densité de personnes ou lorsque le respect de la distance physique ne peut être garantie, par exemple en cas de rassemblement, regroupement, file d'attente, ou dans les lieux de forte circulation.
8. Enfin, le caractère proportionné d'une mesure de police s'apprécie nécessairement en tenant compte de ses conséquences pour les personnes concernées et de son caractère approprié pour atteindre le but d'intérêt général poursuivi. Sa simplicité et sa lisibilité, nécessaires à sa bonne connaissance et à sa correcte application par les personnes auxquelles elle s'adresse, sont un élément de son effectivité qui doivent, à ce titre, être prises en considération. Il en résulte que le préfet, lorsqu'il détermine les lieux dans lesquels il rend obligatoire le port du masque, est en droit de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente les points du territoire caractérisés par une forte densité de personnes ou une difficulté à assurer le respect de la distance physique, de sorte que les personnes qui s'y rendent puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises au cours d'une même sortie. Il peut, de même, définir les horaires d'application de cette règle de façon uniforme dans l'ensemble d'une même commune, voire d'un même département, en considération des risques encourus dans les différentes zones couvertes par la mesure qu'il adopte. Il doit, toutefois, tenir compte de la contrainte que représente, même si elle reste mesurée, le port d'un masque par les habitants des communes concernées, qui doivent également respecter cette obligation dans les transports en commun et, le plus souvent, dans leur établissement scolaire ou universitaire ou sur leur lieu de travail.
9. En appel, M. L... et autres reprochent à l'ordonnance attaquée d'avoir mal pris en compte la réalité du découpage administratif, géographique et démographique du département de la Guadeloupe au plan communal, ainsi que les paramètres utiles à la définition de zones de port obligatoire du masque plus restreintes.
10. Il ressort des pièces du dossier que, pour arrêter le périmètre du port obligatoire du masque, le préfet de la Guadeloupe a pris en compte, outre le caractère archipélagique de la Guadeloupe et les limites des capacités d'accueil du système de soins, d'une part, les caractéristiques de répartition de la population communale qui, au regard des indicateurs produits par les requérants, se manifestent, pour l'essentiel, par une faible densité au km², à l'exception de Pointe-Pitre et Basse-Terre, et un nombre d'habitants, en valeur absolue, souvent peu élevé, et, d'autre part, l'importance de la circulation virale dans le département dans lequel ont été en particulier constatées des manifestations publiques non déclarées générant des rassemblements de masse au cours desquelles les gestes barrière ne sont pas respectés. Pour limiter cette propagation liée aux flux de population, le préfet a choisi d'imposer le port du masque, dans les conditions rappelées au point 4, au sein de zones circonscrites dans lesquelles la densité de la population ou de personnes peut s'avérer importante et la distanciation physique délicate à observer. Ces lieux ont été définis en retenant, de manière identique sur l'ensemble du territoire départemental, les rues dans lesquelles se trouvent des établissements d'enseignement ou des établissements proposant des activités à caractère notamment commercial, bancaire, administrative, de restauration, d'hôtellerie, sportive, artistique, culturelle, récréative ainsi que les marchés, les gares et les aéroports. Cette délimitation qui englobe la rue sans tracer de périmètres plus restreints autour des établissements d'enseignement ou des lieux d'activités, permet ainsi de délimiter des zones suffisamment larges pour englober de façon cohérente des points du territoire caractérisés par une plus forte densité de personnes et une difficulté à assurer le respect de la distance physique. Ces règles uniformes permettent que les personnes qui se rendent dans ces rues ou ces lieux extérieurs puissent avoir aisément connaissance de la règle applicable et ne soient pas incitées à enlever puis remettre leur masque à plusieurs reprises notamment dans la même rue. Ce choix répond ainsi à une préoccupation de simplicité, de lisibilité et d'effectivité qui n'apparaît pas inadaptée aux circonstances locales. Dans ces conditions, en ayant ainsi retenu une telle délimitation des parties du territoire soumis à l'obligation de port du masque, l'arrêté préfectoral n'a pas porté une atteinte grave et manifeste illégale aux libertés fondamentales invoquées.
11. Par suite, M. L... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande. Il y a lieu, par suite, de rejeter leur requête selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er: La requête de M. L... et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... L..., premier requérant dénommé, et au ministre des solidarités et de la santé.