- sa requête est recevable dès lors, d'une part, que les dispositions du document contesté peuvent, eu égard aux effets notables qu'elles sont susceptibles d'avoir sur la situation d'autres personnes que les agents chargés de les mettre en oeuvre, faire l'objet d'un recours contentieux et, d'autre part, qu'il justifie, eu égard à sa qualité d'observateur indépendant des pratiques policières, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le document contesté, dont la vocation est d'être mis en oeuvre lors des prochaines manifestations, préjudicie de manière grave et immédiate tant à sa situation qu'aux intérêts publics qu'entend défendre le requérant en sa qualité d'observateur ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du document contesté ;
- le document contesté méconnaît la liberté de communication, la liberté d'expression et la liberté de réunion pacifique garanties respectivement par les dispositions de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, par les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et par celles de l'article 11 de la même convention et de l'article 21 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
- l'application du délit d'attroupement aux observateurs indépendants, associée à l'absence de reconnaissance d'un droit de bénéficier d'équipements de protection à leur profit, a pour effet de faire obstacle à leurs missions d'observation, de contrôle et de rapport du déroulement des rassemblements et manifestations, lesquelles ont pour but de s'assurer du respect des droits de l'homme, dont celui à la liberté de réunion, et ne peuvent être remplies que par leur présence physique sur les lieux de ces évènements ;
- le document contesté méconnaît le principe d'égalité garanti par les dispositions des articles 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en instituant une différenciation de traitement injustifiée entre d'une part, les journalistes disposant une carte de presse et, d'autre part, les autres personnes poursuivant une mission de collecte d'informations sur la voie publique à l'occasion de manifestations dès lors qu'il n'autorise qu'aux premiers le port d'équipements de protection lors des manifestations ;
- il méconnaît le principe d'interprétation stricte de la loi pénale garanti par les dispositions des articles 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et 111-4 du code pénal dès lors que ses dispositions portent une interprétation de l'article 431-4 du code pénal de nature à créer une incertitude sur son applicabilité.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code pénal ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code du travail ;
- la loi du 29 juillet 1881 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 522-3 du code de justice administrative : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".
2. Eu égard aux moyens qu'elle soulève, la requête formée par M. A... doit être regardée comme tendant seulement à la suspension du paragraphe 2.2.1 et du second alinéa du paragraphe 2.2.4 du document intitulé " Schéma national du maintien de l'ordre ", rendu public le 16 septembre 2020 par le ministre de l'intérieur.
3. Situé dans la partie II du document contesté, intitulée " Protéger les manifestants dans le contexte nouveau des mouvements de contestation ", le paragraphe 2.2 affirme la nécessité " d'assurer une prise en compte optimale des journalistes et de protéger ainsi le droit d'informer " et précise que " cette collaboration doit être fondée sur une meilleure connaissance mutuelle et doit favoriser le travail des journalistes mais également la bonne conduite des opérations de maintien de l'ordre ".
4. En premier lieu, le paragraphe 2.2.1 rappelle " la nécessité de préserver l'intégrité physique des journalistes sur le terrain " puis énonce que : " eu égard à l'environnement dans lequel ils évoluent, les journalistes peuvent porter des équipements de protection, dès lors que leur identification est confirmée et leur comportement exempt de toute infraction ou provocation ". Cette énonciation a pour objet de rappeler que les journalistes, lorsqu'ils sont présents dans une manifestation pour les besoins de l'exercice de leur profession, disposent en principe d'un motif légitime, tenant à la nécessité de garantir leur intégrité physique, pour porter des équipements de sécurité, notamment des masques et des lunettes, sans que soit caractérisée l'infraction, prévue et réprimée par l'article 431-9-1 du code pénal, consistant en le fait " pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l'issue de laquelle des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis, de dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime ".
5. M. A... soutient que le document contesté serait illégal en ce qu'il omet d'étendre aux " observateurs indépendants des violences policières " la faculté, reconnue aux journalistes, de porter des équipements de protection au sein d'une manifestation sur la voie publique. Toutefois, s'il est loisible à une autorité publique de prendre des circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif visant à faire connaître l'interprétation qu'elle retient de l'état du droit, elle n'est jamais tenue de le faire. Les énonciations du Schéma national du maintien de l'ordre, qui ne prennent aucunement position sur la manière dont les règles de droit doivent être mises en oeuvre à l'égard des " observateurs " présents dans les manifestations, ne sauraient, dans cette mesure, porter aucune atteinte grave et immédiate aux intérêts défendus par le requérant.
6. En second lieu, le paragraphe 2.2.4 du document contesté énonce, dans son second alinéa qu'il importe " de rappeler que le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après sommation ne comporte aucune exception, y compris au profit des journalistes ou de membres d'associations " et ajoute que " dès lors qu'ils sont au coeur d'un attroupement, ils doivent, comme n'importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants des forces de l'ordre en se positionnant en dehors des manifestants appelés à se disperser ".
7. Aux termes de l'article 431-4 du code pénal : " Le fait, pour celui qui n'est pas porteur d'une arme, de continuer volontairement à participer à un attroupement après les sommations est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 d'amende ". Le second alinéa du paragraphe 2.2.4 du document attaqué se borne à réitérer le contenu de cette disposition pénale. S'il n'est pas explicitement précisé que le délit suppose que le maintien dans un attroupement revête un caractère délibéré, cette circonstance n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer, eu égard au contexte dans lequel cette énonciation trouve sa place, une ambiguïté dans les conditions de mise en oeuvre de la doctrine de maintien de l'ordre dans les manifestations de nature à caractériser une atteinte grave et immédiate aux intérêts défendus par le requérant. S'il est en outre soutenu que l'article 431-4 du code pénal doit, sauf à méconnaître l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et les stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, être interprété comme excluant les observateurs de son champ d'application, une telle argumentation n'est pas de nature à justifier de l'urgence à suspendre l'exécution d'un document réitérant les termes de cette disposition législative. Enfin, les énonciations contestées, qui se bornent à indiquer que les personnes qui se trouve au sein d'un attroupement doivent, en cas d'injonction des forces de l'ordre, " se positionner en dehors des manifestants appelés à se disperser ", ne sauraient être lues, contrairement à ce qui est soutenu, comme impliquant que les " observateurs " devraient nécessairement quitter la zone de la manifestation. Il en résulte qu'il ne saurait en tout état de cause être soutenu que la mise en oeuvre d'une telle obligation porterait aux intérêts défendus par le requérant une atteinte grave et immédiate constitutive d'une situation d'urgence.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la condition d'urgence n'étant pas satisfaite, la demande de suspension ne peut qu'être rejetée par application de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des énonciations contestées.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A....