Résumé de la décision
La société Croë Suisse, résidente fiscale suisse, avait vendu des actions de Croë France à un résident fiscal russe. L'administration fiscale avait contesté le prix de cession, entraînant une réévaluation de la plus-value réalisée et des retenues à la source. Bien que le tribunal administratif ait partiellement accueilli la demande de Croë Suisse, la cour administrative d'appel de Versailles a décidé de rétablir l'imposition et a rejeté la demande de la société quant à la totalité de l'appel. La société a alors formé un pourvoi en cassation, demandant l'annulation de cet arrêt. Le Conseil d'État a partiellement donné raison à Croë Suisse, annulant l'arrêt de la cour et lui allouant des frais de 3 000 euros.
Arguments pertinents
1. Évaluation de l'acte de gestion : Le Conseil d'État a souligné que pour qu'une cession soit considérée comme un acte anormal de gestion, l'administration doit établir que la cession a eu lieu à un prix significativement inférieur à la valeur vénale sans justification de l'entreprise. Le Conseil a noté que “l'administration [...] soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue”.
2. Erreur de droit : La cour a commis une erreur en négligeant l'illiquidité des titres lors de l'évaluation du prix de cession, ce qui a conduit à une requalification incorrecte. La décision stipule que la cour a émis un jugement erroné en considérant que “la cession a porté sur la totalité des titres de la société Croë France dont l'unique actif est [...] le château de la Croë”.
Interprétations et citations légales
1. Article 38 et 209 du Code général des impôts : Ces articles définissent le bénéfice imposable et précisent que le bénéfice est celui qui provient d'opérations normales de l'entreprise, excluant celles qui ne relèvent pas d'une gestion normale. En vertu de l'article 209, il est stipulé que "constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt".
2. Sur la charge de la preuve : Lorsqu'il s'agit de démontrer la normalité d'une transaction, le Conseil d'État a rappelé que si l'administration démontre que "le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation", alors elle peut prouver le caractère anormal de l'acte de cession.
3. Article L. 761-1 du Code de justice administrative : La décision mentionne que l'État doit verser à la société Croë Suisse des frais, établissant ainsi un précédent en matière de compensation des frais engagés par les justiciables. Le Conseil a décidé que "l'État versera une somme de 3 000 euros à la société Croë Suisse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative".
Dans l'ensemble, le Conseil d'État a renforcé la protection des droits des contribuables en réaffirmant les principes de l'évaluation d'actes de gestion et de la nécessité de justifier toute imposition par des éléments pertinents.