Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes de l'article 8 de la loi du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 : " I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié : (...) / 6° L'article L. 136-8 est ainsi modifié : (...) / b) Au 2° du même I, le taux : " 8,2 % " est remplacé par le taux " 9,9 % " ; (...) / V.-A. - Les I et II du présent article s'appliquent : (...) / 3° A compter de l'imposition des revenus de l'année 2017, en ce qu'ils concernent la contribution mentionnée à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, sous réserve du II de l'article 34 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale : " I. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, à l'exception de ceux ayant déjà supporté la contribution au titre des articles L. 136-3, L. 136-4 et L. 136-7 : / (...) e. Des plus-values, gains en capital et profits soumis à l'impôt sur le revenu (...) ".
3. Aux termes du II de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 : " Les plus-values mentionnées au I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction résultant du I du présent article, sont soumises aux contributions mentionnées à l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et à l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, aux prélèvements prévus aux articles 1600-0 S du code général des impôts et L. 245-14 du code de la sécurité sociale et à la contribution additionnelle prévue au 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles selon leur taux en vigueur l'année de réalisation de ces plus-values ". Les plus-values mentionnées au I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts sont les plus-values en report obligatoire d'imposition.
4. En premier lieu, aux termes de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ". Il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions. Ce faisant, il ne saurait toutefois priver de garanties légales des exigences constitutionnelles. En particulier, il ne saurait, sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations.
5. A l'appui de sa demande tendant à la réduction de la contribution sociale généralisée à laquelle elle a été assujettie à raison de plus-values provenant de la cession de valeurs mobilières réalisées en 2017, Mme B... soutient que les dispositions du 3° du V-A de l'article 8 de la loi du 30 décembre 2017 portent atteinte aux exigences de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dès lors qu'elles rendent applicable à des cessions réalisées au cours de l'année 2017, antérieurement à leur entrée en vigueur, la hausse de contribution sociale généralisée de 1,7 point prévue par le b du 6° du I de l'article 8 de cette loi.
6. Les dispositions contestées, qui sont applicables à la contribution sociale généralisée due en 2018 au titre de l'année 2017, en modifient le taux. Aucune règle constitutionnelle n'en imposait le maintien et la requérante ne pouvait légitimement s'attendre à ce lui soit appliqué le taux en vigueur à la date de la cession, alors que si le transfert de propriété constitue le fait générateur de la plus-value, le fait générateur de l'imposition de la plus-value se situe au 31 décembre de l'année de réalisation du revenu.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. Aux termes de l'article 13 de cette Déclaration : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.
8. Mme B... soutient que les dispositions contestées méconnaissent les principes visés au point 7, au motif que les personnes ayant cédé en 2017 des valeurs mobilières qui ne sont pas en report d'imposition se verront appliquer le nouveau taux, alors que les plus-values d'apport de titres à une société contrôlée par l'apporteur, placées en report d'imposition obligatoire en application de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, restent soumises au taux en vigueur à la date de leur réalisation, conformément à la loi de finances rectificative pour 2016. Toutefois, un contribuable qui a cédé des valeurs mobilières en 2017 ne se trouve pas, au regard du taux applicable, dans la même situation qu'un contribuable ayant réalisé des plus-values en report d'imposition obligatoire dont l'imposition est différée au moment où intervient l'événement mettant fin au report. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques ne présente pas de caractère sérieux.
9. En troisième lieu, Mme B... soutient que les dispositions contestées méconnaissent le principe d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Toutefois, la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.
10. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, qui n'est pas nouvelle.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme B....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée au Premier ministre, au tribunal administratif de Strasbourg et au Conseil constitutionnel.