Vu les autres pièces du dossier ;
- Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 91/174/CEE du Conseil du 25 mars 1991 relative aux conditions zootechniques et généalogiques régissant la commercialisation d'animaux de race et modifiant les directives 77/504/CEE et 90/425/CEE ;
- la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2006-991 du 1er août 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Déborah Coricon, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la Fédération féline française ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision implicite née du silence gardé sur la demande qui lui a été faite par la Fédération féline française le 1er juin 2016, le Premier ministre a refusé d'abroger, d'une part, l'article D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime dans ses dispositions issues du décret du 1er août 2006 relatif à la tenue des livres généalogiques pour les espèces canine et féline et modifiant le code rural et, d'autre part, l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 1er août 2006 portant agrément de la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines. La Fédération féline française demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions.
2. Aux termes du III de l'article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime : " Ne peuvent être dénommés comme chiens ou chats appartenant à une race que les chiens ou les chats inscrits à un livre généalogique reconnu par le ministre chargé de l'agriculture ". Le III de l'article L. 214-6-2 du même code fait référence " au livre généalogique reconnu par le ministre chargé de l'agriculture ".
3. L'article D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime dispose, dans sa version applicable au litige, que : " Il est tenu, pour les animaux des espèces canines et félines, un livre généalogique unique, divisé en autant de sections que de races. / Le livre est tenu par une fédération nationale agréée, ouverte notamment aux associations spécialisées par race. / L'association spécialisée la plus représentative pour chaque race ou groupe de races, sous réserve qu'elle adhère à la fédération tenant le livre généalogique, dans les conditions prévues par les statuts de ladite fédération, peut être agréée. / L'agrément est accordé en tenant compte notamment de la régularité de la constitution et du fonctionnement de l'association, de la définition de ses objectifs, de l'importance des effectifs concernés et de l'organisation générale de l'élevage canin et félin. / L'association spécialisée agréée est alors chargée de définir les standards de la race ainsi que les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique en accord avec la fédération tenant le livre généalogique. / Les agréments prévus ci-dessus et les retraits d'agrément sont prononcés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture après avis du conseil supérieur de l'élevage. / Plusieurs associations spécialisées par race peuvent être invitées par l'autorité chargée de l'agrément à se regrouper pour constituer des unités suffisamment importantes et des ensembles autant que possible homogènes de races présentant entre elles des affinités ".
4. En application du 2ème alinéa de l'article D. 214-8 précité, le ministre de l'agriculture et de la pêche a, par un arrêté du 1er août 2006, désigné la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines comme fédération nationale agréée pour la tenue du livre généalogique unique.
Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger le régime d'agrément de la fédération nationale figurant aux alinéas 1 et 2 de l'article D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime et l'arrêté du 1er août 2006 pris en application de ces dispositions :
5. Il résulte des termes du III de l'article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime précité, éclairés par leurs travaux préparatoires, que le législateur a entendu que les chats de race soient répertoriés dans un seul livre généalogique, dont l'unité implique qu'il soit géré par une fédération nationale unique. Il incombait ainsi au pouvoir règlementaire de prévoir l'agrément d'une seule fédération pour exercer cette mission. Par suite, le moyen tiré de ce que les alinéas 1 et 2 de l'article D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime seraient entachés d'incompétence doit être écarté.
6 Les dispositions attaquées des alinéas 1 et 2 de l'article D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime se bornant à expliciter la portée des dispositions du III de l'article L. 214-8 du code rural et de la pêche maritime citées au point 2, elles ne peuvent être utilement critiquées au regard des dispositions de l'article 16 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur du 12 décembre 2006, de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui protège la libre concurrence, des stipulations des articles 52 et 62 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui garantissent la libre prestation de services, des articles 34 et 36 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la libre circulation des marchandises et des principes de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie.
7. Enfin, si la Fédération féline française fait valoir, en ce qui concerne l'arrêté du 1er août 2006, que la procédure de désignation de la fédération agréée aurait été irrégulière en ce qu'elle n'aurait pas respecté l'obligation de " transparence " qui découlerait de l'article 2 de la directive 91/174/CEE du Conseil du 25 mars 1991 relative aux conditions zootechniques et généalogiques régissant la commercialisation d'animaux de race et modifiant les directives 77/504/CEE et 90/425/CEE, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien fondé.
Sur les conclusions dirigées contre le refus d'abroger le régime d'agrément des associations spécialisées figurant aux alinéas 3 à 7 de l'article D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime :
8. Ainsi qu'il a été dit, le législateur a entendu que soit confiée à une seule fédération nationale la mission de gérer un livre généalogique unique. Eu égard à son objet et à ses caractéristiques, cette gestion constitue une mission de service public à caractère administratif. L'agrément prévu par les dispositions des alinéas 3 à 7 de l'article D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime confère notamment à son bénéficiaire le soin de définir " les standards de la race " et " les règles techniques de qualification des animaux au livre généalogique ". Eu égard à l'objet d'une telle mission et à ses liens étroits avec la gestion du livre généalogique unique, les alinéas 3 à 7 de l'article D. 214-8 du code rural et de la pêche maritime ont prévu, conformément à ce qu'impliquait le choix du législateur, l'agrément d'une seule association spécialisée par race de chats, sous réserve qu'elle adhère à la fédération nationale tenant le livre généalogique, sans que la fédération requérante puisse utilement soutenir que, prévoyant ainsi les mesures qu'impliquait la loi, ils auraient été pris en méconnaissance de la liberté d'association.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la Fédération féline française doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
10. L'article L. 761-1 du code de justice administrative fait obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, verse à la Fédération féline française la somme qu'elle réclame au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fédération féline française au même titre la somme de 3 000 euros à verser à la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête présentée par la Fédération féline française est rejetée.
Article 2 : La Fédération féline française versera à la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération féline française, à la Fédération pour la gestion du livre officiel des origines félines, au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.