Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 février et 29 mai 2017 et le 9 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 5 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code du travail ;
- la décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M. B...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., directeur de la société d'aménagement et de développement des villes et du département du Val-de-Marne (Sadev) 94, a été licencié le 25 avril 2008. Pour mettre un terme au litige les opposant, la Sadev 94 et M. B...ont conclu, le 13 mai 2008, un accord transactionnel prévoyant le versement à ce dernier des sommes qui lui étaient dues en application du code du travail et des conventions collectives ainsi que d'une indemnité globale et forfaitaire d'un montant net de 157 229 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces de la déclaration de revenus de M.B..., l'administration a réintégré cette indemnité dans ses revenus imposables au titre de l'année 2009. Par un jugement du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti et des pénalités correspondantes. Sur appel de M. B..., la cour administrative d'appel, par arrêt du 30 décembre 2016, a réduit la base imposable à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2009 à concurrence de 60 000 euros et accordé la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt correspondant, mais a rejeté le surplus de la demande. M. B...se pourvoit en cassation contre cet arrêt en tant qu'il n'a pas fait droit à son appel.
Sur le bien-fondé de l'arrêt en tant qu'il porte sur la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
3. La cour a relevé, d'une part, que le président de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France avait transmis aux services fiscaux des copies de l'accord transactionnel du 13 mai 2008, de la lettre de licenciement, du courrier de M. B...contestant les motifs de son licenciement, du chèque d'un montant de 338 356,10 euros émis le 29 avril 2009 par la Sadev 94 à son profit, du courrier adressé le 31 mars 2010 par le requérant à la Sadev 94 et de la déclaration rectificative DADS 2009 adressée le 4 mai 2010 par la Sadev 94 à l'URSSAF. Elle a relevé, d'autre part, que l'administration fiscale avait, par lettre du 12 juin 2013, communiqué à M. B..., qui en avait fait la demande, la totalité de ces documents et qu'il ne résultait pas de l'instruction, et en particulier des mentions figurant sur la proposition de rectification du 21 décembre 2012 et de la réponse du vérificateur aux observations du contribuable, que l'administration, pour établir l'imposition en litige, aurait exploité d'autres éléments que ceux figurant dans les documents remis à M.B.... Enfin, elle a estimé que, contrairement à ce que soutenait ce dernier, les circonstances que les pièces qui lui avaient été communiquées ne lui permettaient pas d'aboutir aux mêmes conclusions que l'administration fiscale et que la proposition de rectification comportait une mention identique à celle du rapport d'observations provisoires de la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France et mentionnait que les sommes versées en exécution de la transaction étaient imposables dans les conditions prévues à l'article 80 duodecies du code général des impôts, " ainsi que l'a constaté la chambre régionale des comptes ", ne suffisaient pas à établir que l'imposition en litige procéderait de documents qui n'auraient pas été portés à sa connaissance. La cour, qui a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation, n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.
Sur le bien-fondé de l'arrêt en tant qu'il porte sur l'indemnité transactionnelle :
4. D'une part, aux termes du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année 2009 : " Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve de l'exonération prévue au 22° de l'article 81 et des dispositions suivantes. / Ne constituent pas une rémunération imposable : 1° Les indemnités mentionnées aux articles L. 1235-2, L. 1235-3 et L. 1235-11 à L. 1235-13 du code du travail (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail : " Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9 ".
5. Pour l'application et l'interprétation d'une disposition législative, aussi bien les autorités administratives que le juge sont liés par les réserves d'interprétation dont une décision du Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, assortit la déclaration de conformité à la Constitution de cette disposition.
6. Il résulte de la réserve d'interprétation énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013 statuant sur la conformité à la Constitution du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts que les dispositions de cet article, qui définissent les indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail bénéficiant, en raison de leur nature, d'une exonération totale ou partielle d'impôt sur le revenu, ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l'objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de l'exonération varie selon que l'indemnité a été allouée en vertu d'un jugement, d'une sentence arbitrale ou d'une transaction et qu'en particulier, en cas de transaction, il appartient à l'administration et, lorsqu'il est saisi, au juge de l'impôt, de rechercher la qualification à donner aux sommes objet de la transaction.
7. A cet égard, les sommes perçues par un salarié en exécution d'une transaction conclue avec son employeur ne sont susceptibles d'être regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mentionnées à l'article L. 1235-3 du code du travail que s'il résulte de l'instruction que la rupture des relations de travail est assimilable à un tel licenciement. Dans ce cas, les indemnités accordées au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse sont exonérées. La détermination par le juge de la nature des indemnités se fait au vu de l'instruction.
8. Pour juger que le licenciement de M. B...avait été prononcé pour une cause réelle et sérieuse, la cour administrative d'appel a relevé que, depuis 2007, un important différend portant sur la stratégie de la société opposait le président de la Sadev 94 à M. B... qui, par son opposition systématique et son refus d'appliquer les consignes de la direction, a nui au bon fonctionnement de l'entreprise, porté atteinte à l'image de la société à l'égard des tiers et mis en péril les relations de la société avec ses partenaires, en raison des divergences et des désaccords qu'il avait ouvertement manifestés. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le désaccord portait sur la stratégie et le fonctionnement de la société et non sur une modification du contrat de travail de M. B.... Dans ces conditions, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a ni méconnu les règles relatives à la charge de la preuve, ni commis d'erreur de droit ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail, notamment, en tout état de cause, de son dernier alinéa, et de l'article L. 1235-3 du même code, en déduisant de l'ensemble de ces éléments, qu'elle a souverainement appréciés sans qu'ils soient argués de dénaturation, que le licenciement du requérant devait être regardé comme reposant sur une cause réelle et sérieuse et qu'en conséquence, l'indemnité transactionnelle était imposable en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts.
Sur le bien-fondé de l'arrêt en tant qu'il porte sur les pénalités :
9. Contrairement à ce que soutient M.B..., la cour ne s'est pas fondée uniquement sur le seul motif tiré de ce que le montant des salaires mentionné sur la déclaration pré-imprimée de ses revenus au titre de l'année 2009 comprenait l'indemnité transactionnelle de 157 229 euros. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait commis une erreur de droit en se fondant sur ce motif pour établir l'intention délibérée du requérant d'éluder l'impôt doit être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'article 5 de l'arrêt qu'il attaque et que ses conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de l'action et des comptes publics.