Résumé de la décision
Cette décision du Conseil d'État française concerne des sociétés GBL Energy et Kermadec qui ont contesté la légalité de la retenue à la source appliquée sur les dividendes perçus par des sociétés non-résidentes, en invoquant une restriction à la libre circulation des capitaux. Le Conseil d'État a annulé les arrêts précédents de la cour administrative d'appel de Versailles et a statué que la législation française, en imposant une retenue à la source sur les dividendes perçus par des sociétés non-résidentes en situation déficitaire, constitue une discrimination injustifiée par rapport aux sociétés résidentes. Il a également ordonné à l'État le versement d'une somme de 3 000 euros à chacune des sociétés.
Arguments pertinents
Le Conseil d'État a mis en évidence plusieurs points juridiques critiques :
1. Imposition Discriminatoire : La différence de traitement entre les sociétés résidentes, qui peuvent être imposées uniquement en fonction de leur résultat net (ce qui peut aboutir à une non-imposition en cas de déficit) et les sociétés non-résidentes, soumises de manière immédiate à une retenue à la source, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux. La Cour de justice de l'Union européenne avait conclu en ce sens dans son arrêt C-575/17 : "une telle imposition pouvant, le cas échéant, ne jamais intervenir si ladite société cesse ses activités sans avoir atteint un résultat bénéficiaire depuis la perception de ces dividendes".
2. Absence de Justification : Le Conseil d'État a considéré qu'il n'existe pas de justification pertinente à cette restriction. En effet, il a souligné que la technique différente d'imposition ne doit pas masquer une inégalité de traitement qui va à l'encontre des principes de liberté de circulation.
Interprétations et citations légales
Au cœur de cette décision, plusieurs textes de loi ont été interprétés :
- Code général des impôts - Article 119 bis : Ce texte stipule que "les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source". La Cour a noté que cette disposition conduit à un traitement inégal des dividendes en fonction du domicile fiscal des sociétés.
- Code général des impôts - Article 187 : Cet article fixe le taux de la retenue à 30 % mais le réduit à 15 % dans le cadre de convenances fiscales, comme celle entre la France et le Luxembourg. La disparité dans l'application de cette retenue en fonction du statut de résident ou non-résident a été jugée contraire aux articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
La position du Conseil d'État traduit une volonté de combler un vide juridique susceptible de nuire à la libre circulation des capitaux au sein de l'UE. En effet, le Conseil d'État a conclu que la législation française, dans ce cas, ne se conforme pas aux normes européennes concernant l'égalité de traitement et la non-discrimination.