Par un pourvoi, enregistré le 22 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 3 et 4 de cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-623/13 du 26 février 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Isidoro, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., résident du Luxembourg, est associé au sein de deux sociétés civiles immobilières, dont le siège se trouve en France et qui ont réalisé des plus-values immobilières au cours de l'année 2013. Au titre de ces plus-values, M. B...a été assujetti, à due proportion de ses parts dans ces sociétés, à la contribution sociale généralisée prévue par l'article 1600-0 C du code général des impôts au taux de 8,2 %, à la contribution pour le remboursement de la dette sociale prévue par l'article 1600-0 G du même code au taux de 0,5 %, au prélèvement social prévu par l'article 1600-0 F bis du même code au taux de 4,5 %, à la contribution additionnelle à ce prélèvement prévue au 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles au taux de 0,3 %, et au prélèvement de solidarité prévu par l'article 1600-0 S du code général des impôt au taux de 2 %. Par un jugement du tribunal administratif de Nancy du 5 novembre 2015, il a été déchargé de ces cinq impositions. Le ministre de l'économie et des finances se pourvoit contre les articles 3 et 4 de l'arrêt du 26 janvier 2017 par lesquels, après avoir fait droit à sa requête d'appel en ce qui concerne le prélèvement de solidarité, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté le surplus de ses conclusions concernant les quatre autres impositions.
2. Aux termes, en premier lieu, du paragraphe 1 de l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, reprenant le principe antérieurement posé par l'article 13 du règlement 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 : " Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre. Cette législation est déterminée conformément au présent titre ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de son arrêt du 26 février 2015, ministre de l'économie et des finances contre Gérard de Ruyter (C-623/13) rendu sous l'empire du règlement précité du 14 juin 1971 mais transposable à celui du 29 avril 2004, tout d'abord, que la circonstance qu'un prélèvement soit qualifié d'impôt par une législation nationale n'exclut pas qu'il puisse être regardé comme relevant du champ d'application de ces règlements, y compris lorsqu'il est 'assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l'exercice par ces dernières de toute activité professionnelle, ensuite, que l'élément déterminant aux fins de l'application de ces règlements réside dans le lien, direct et suffisamment pertinent, que doit présenter la disposition en cause avec les lois qui régissent les branches de sécurité sociale que ces règlements énumèrent, le critère déterminant étant celui de l'affectation spécifique d'une contribution au financement d'un régime de sécurité sociale, et, enfin, que les prélèvements fiscaux sur les revenus du patrimoine tels que la contribution sociale généralisée, la contribution pour le remboursement de la dette sociale et le prélèvement social, prévus par les articles 1660 0 C, 1600-0 G et 1600-0 F bis du code général des impôts, ainsi que la contribution additionnelle à ce prélèvement, prévue au 2° de l'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, présentent un lien direct et pertinent avec certaines des branches de sécurité sociale et entrent ainsi dans le champ de ces règlements.
3. Aux termes, en deuxième lieu, des paragraphes 2 et 3 de l'article 11 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 : " 2. Pour l'application du présent titre, les personnes auxquelles est servie une prestation en espèces du fait ou à la suite de l'exercice de son activité salariée ou non salariée sont considérées comme exerçant cette activité. Cela ne s'applique pas aux pensions d'invalidité, de vieillesse ou de survivant, ni aux rentes pour accident du travail ou maladie professionnelle, ni aux prestations de maladie en espèces couvrant des soins à durée illimitée. / 3. Sous réserve des articles 12 à 16:/ a) la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre (...) / e) les personnes autres que celles visées aux points a) à d) sont soumises à la législation de l'Etat de résidence, sans préjudice d'autres dispositions du présent règlement qui leur garantissent des prestations en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres Etats membres (...) ". Toutes les pensions de retraite sont, contrairement à ce que soutient le ministre, au nombre des " pensions de vieillesse " visées par le paragraphe 2 précité. Leurs bénéficiaires, lorsqu'ils n'entrent pas, par ailleurs, dans les cas visés aux points a) à d) du paragraphe 3 sont, dès lors, en application du e) de ce paragraphe, soumis à la législation de leur Etat de résidence sans préjudice, toutefois, des prestations que le règlement leur garantit en vertu de la législation d'un ou de plusieurs autres Etats membres.
4. Aux termes, en troisième et dernier lieu, du 1er paragraphe de l'article 24 du même règlement : " La personne qui perçoit une pension ou des pensions en vertu de la législation d'un ou plusieurs Etats membres, et qui ne bénéficie pas des prestations en nature selon la législation de l'Etat membre de résidence, a toutefois droit, pour elle-même et pour les membres de sa famille, à de telles prestations, pour autant qu'elle y aurait droit selon la législation de l'Etat membre ou d'au moins un des Etats membres auxquels il incombe de servir une pension, si elle résidait dans l'Etat membre concerné. Les prestations en nature sont servies pour le compte de l'institution visée au paragraphe 2 par l'institution du lieu de résidence, comme si l'intéressé bénéficiait de la pension et des prestations en nature selon la législation de cet Etat membre ". Aux termes, par ailleurs, du paragraphe 1 de l'article 30 du même règlement : " L'institution d'un État membre qui applique une législation prévoyant des retenues de cotisations pour la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées, ne peut procéder à l'appel et au recouvrement de ces cotisations, calculées selon la législation qu'elle applique, que dans la mesure où les dépenses liées aux prestations servies en vertu des articles 23 à 26 sont à la charge d'une institution dudit État membre ". Il en résulte que les personnes qui perçoivent une pension de retraite en vertu de la législation française et résident dans un autre Etat membre selon la législation duquel elles ne bénéficient pas de prestations en nature, peuvent bénéficier des prestations en nature auxquelles elles auraient droit si elles résidaient en France, ces prestations étant servies par l'institution de l'Etat membre où elles résident, selon la législation qui y est applicable, pour le compte et à la charge des caisses de sécurité sociale françaises. Ces personnes peuvent, par ailleurs, être soumises en France aux retenues de cotisations instituées pour la couverture des prestations de maladie, de maternité et de paternité assimilées en cause. Les personnes qui perçoivent une pension de retraite en vertu de la législation française et résident dans un autre Etat membre doivent, lorsqu'elles contestent le principe de leur assujettissement à de tels prélèvements, justifier non seulement de ce qu'elles sont affiliées au régime de sécurité sociale de leur Etat de résidence mais aussi que c'est en vertu de la législation de cet Etat qu'elles bénéficient de leurs prestations et non pour le compte des caisses de sécurité sociale françaises.
5. Il ressort des énonciations même de l'arrêt attaqué que le ministre soutenait en appel que l'organisme de sécurité sociale compétent au Luxembourg servait à M. B...des prestations pour le compte de l'organisme compétent en France. Par suite, la cour a commis une erreur de droit en rejetant sa requête en se bornant à retenir que M. B...avait produit à l'instance des éléments, dont une copie de sa carte de sécurité sociale, de nature à démontrer qu'il était affilié au régime de sécurité sociale luxembourgeois alors qu'il lui incombait de vérifier également que les prestations dont bénéficiait l'intéressé lui étaient versées en vertu de la législation luxembourgeoise et non pour le compte des caisses de sécurité sociale françaises.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre est fondé à demander l'annulation des articles 3 et 4 de l'arrêt qu'il attaque.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 26 janvier 2017 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à M. A...B...