Résumé de la décision
La décision concerne une requête de la fédération nationale des syndicats du spectacle, du cinéma, de l'audiovisuel et de l'action culturelle CGT (CGT spectacle) et du syndicat français des artistes-interprètes CGT (SFA-CGT) visant à annuler un arrêté du 9 avril 2019 qui a fusionné plusieurs champs conventionnels, notamment le rattachement de la convention collective des artistes-interprètes à celle de la production audiovisuelle. Les requérants soutiennent que les dispositions législatives régissant cette fusion portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Le Conseil d'État a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité concernant certaines dispositions du Code du travail, tout en sursis à statuer sur la requête jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel se prononce.
Arguments pertinents
1. Applicabilité des dispositions législatives : Le Conseil d'État a confirmé que les dispositions des I et V de l'article L. 2261-32 du Code du travail, ainsi que celles des articles L. 2261-33 et L. 2261-34, sont applicables au litige. Cela signifie que les règles régissant la fusion des conventions collectives sont pertinentes pour la décision à prendre.
2. Question de constitutionnalité : Le Conseil d'État a noté que les dispositions contestées n'avaient pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, et que la question soulevée présente un caractère sérieux. Cela justifie le renvoi au Conseil constitutionnel.
3. Atteinte aux droits et libertés : Les requérants soutiennent que les dispositions législatives portent atteinte à plusieurs droits fondamentaux, notamment la liberté contractuelle, le droit au maintien de l'économie des conventions légalement conclues, et la liberté syndicale. Le Conseil d'État a reconnu la pertinence de ces arguments, soulignant que "le moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution soulève une question présentant un caractère sérieux".
Interprétations et citations légales
1. Article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : Cet article permet de soulever une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil d'État, stipulant que "le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation".
2. Code du travail - Article L. 2261-32 : Cet article régit la procédure de fusion des conventions collectives, précisant que le ministre peut engager une procédure de fusion "lorsque la branche compte moins de 5 000 salariés" ou "lorsque le champ d'application géographique de la branche est uniquement régional ou local". Ces critères sont essentiels pour déterminer la légitimité de la fusion contestée.
3. Code du travail - Article L. 2261-33 : Cet article stipule que "les stipulations conventionnelles applicables avant la fusion ou le regroupement, lorsqu'elles régissent des situations équivalentes, sont remplacées par des stipulations communes, dans un délai de cinq ans". Cela soulève des questions sur la continuité des droits des salariés après la fusion.
4. Code du travail - Article L. 2261-34 : Cet article précise que "jusqu'à la mesure de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs qui suit la fusion de champs conventionnels, sont admises à négocier les organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans le champ d'au moins une branche préexistante à la fusion". Cela soulève des interrogations sur la représentativité et la capacité des organisations à défendre les intérêts des salariés après la fusion.
En conclusion, la décision du Conseil d'État met en lumière des questions fondamentales concernant la légitimité des fusions de conventions collectives et leur impact sur les droits des travailleurs, tout en renvoyant des questions cruciales au Conseil constitutionnel pour une évaluation de leur conformité à la Constitution.