2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
3° Sous le numéro 410936, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 mai et 29 août 2017 et le 26 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CFE-CGC BTP demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir ce même arrêté ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le décret n° 47-142 du 16 janvier 1947 ;
- le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Fuchs, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du syndicat national CFE-CGC BTP ;
Considérant ce qui suit :
1. La fédération nationale du bois, la fédération générale Force Ouvrière construction et la CFE-CGC BTP demandent l'annulation pour excès de pouvoir, en tout ou en partie, de l'arrêté du 21 mars 2017 par lequel le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a étendu, sous certaines réserves et exclusions, à tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d'application, les stipulations de la convention collective des salariés du négoce des matériaux de construction du 8 décembre 2015. Ces requêtes étant dirigées contre la même décision, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail à la requête de la fédération nationale du bois :
2. Selon l'article 15 des statuts de la fédération nationale du bois, le président de cette fédération a " qualité et pouvoirs pour représenter la Fédération en justice (...) il pourra se faire assister, dans l'accomplissement de ses fonctions, par (...) toute personne habilitée à cet effet auxquels il peut déléguer tout ou partie de ses pouvoirs de représentation ". Il ressort des pièces du dossier que le président de la fédération a, le 15 juillet 2015, donné pouvoir au délégué général de cette fédération, M. B..., afin " d'intenter toutes actions juridiques ou contentieuses nécessaires à la défense des intérêts de la fédération nationale du bois ". M. B..., signataire de la requête, avait ainsi qualité pour agir au nom de la fédération. Il en résulte que la fin de non-recevoir opposée par la ministre du travail doit être écartée.
Sur la légalité externe de l'arrêté attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, les directeurs d'administration centrale, à compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, " peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ". Par suite, le moyen tiré de ce que M. A..., nommé directeur général du travail par décret du 20 mars 2014, publié au Journal officiel du 21 mars 2014, n'aurait pas été compétent, faute de délégation expresse à cette fin, pour signer l'arrêté attaqué, ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué, qui vise les avis motivés de la commission nationale de la négociation collective, rappelle les motifs d'opposition des organisations syndicales défavorables à l'extension de l'accord et comporte l'exposé des motifs justifiant son extension. La CFE-CGC BTP n'est donc pas fondée à soutenir qu'il serait insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2261-27 du code du travail.
Sur la légalité interne de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne la procédure d'adoption de la convention du 8 décembre 2015 étendue par l'arrêté attaqué :
5. L'article 1.2. de la convention du 8 décembre 2015 stipule que cette convention " vient annuler et remplacer " la convention collective nationale des ouvriers du négoce des matériaux de construction du 17 juin 1965, la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du négoce des matériaux de construction du 17 novembre 1969 et la convention collective nationale des cadres du négoce des matériaux de construction du 21 mars 1972. Ainsi, les requérants ne sauraient utilement soutenir que la procédure d'adoption de la convention du 8 décembre 2015, qui se substitue aux conventions antérieurement existantes, méconnaîtrait les dispositions des articles L. 2261-17 et L. 2261-32 du code du travail, lesquelles sont relatives, respectivement, aux procédures d'élargissement et de fusion de conventions collectives.
En ce qui concerne les moyens relatifs au champ d'application de l'arrêté attaqué :
6. En vertu de l'article L. 2261-15 du code du travail, les stipulations d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel répondant à certaines conditions peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord, par arrêté du ministre chargé du travail. En vertu de l'article D. 2261-13 du même code, le ministre peut, de sa propre initiative, abroger un arrêté d'extension en vue de mettre fin à l'extension d'une convention ou d'un accord ou de certaines de ses stipulations lorsqu'il apparaît que les textes en cause ne répondent plus à la situation de la branche ou des branches dans le champ d'application en cause. En vertu de ces dispositions, il appartient également au ministre, lorsqu'il apparaît que le champ d'application professionnel défini par une convention ou un accord collectif dont l'extension est envisagée recoupe celui d'une autre convention ou accord collectif étendu par arrêté, préalablement à l'extension projetée, soit d'exclure du champ de cette extension les activités économiques déjà couvertes par la convention ou l'accord collectif précédemment étendu, soit d'abroger l'arrêté d'extension de cette convention ou de cet accord collectif en tant qu'il s'applique à ces activités.
7. Il ressort des stipulations de la convention collective du 8 décembre 2015, étendue par l'arrêté attaqué, que les " entreprises dont l'activité principale est le " commerce de gros de bois et de matériaux de construction " correspondant au code APE 46.73A " sont au nombre des activités comprises dans son champ d'application professionnel. Les signataires de cette convention ont ainsi clairement entendu préciser le champ des activités de commerce de gros de bois et de matériaux de construction par référence à la nomenclature des activités françaises, laquelle indique, sous le code APE 46.73 A qui correspond au " commerce de gros (commerce interentreprises) de bois et de matériaux de construction ", que sont en particulier concernés le " commerce de gros de bois brut " et le " commerce de gros de la transformation primaire et secondaire du bois ". La ministre du travail n'est ainsi pas fondée à soutenir que le champ d'application de la convention collective en cause se limiterait aux entreprises exerçant simultanément une activité de commerce de gros de bois et une activité de commerce de matériaux de construction.
S'agissant des moyens tirés du recoupement avec le champ d'application des conventions du 28 novembre 1955 et du 17 décembre 1996 :
8. D'une part, aux termes des stipulations de l'article 1er de la convention collective nationale du négoce de bois d'oeuvre et de produits dérivés du 17 décembre 1996, qui a été étendue par un arrêté du 7 mai 1997, dans sa version en vigueur étendue par un arrêté du 19 décembre 1997 : " La présente convention règle (...) les rapports entre employeurs et salariés des professions dont l'activité exclusive ou principale est le commerce de gros des bois, panneaux et produits dérivés et dont le champ d'application professionnel, défini en terme d'activité économique, est le suivant : " Commerce de gros de bois et dérivés (négoce de bois d'oeuvre et produits dérivés), généralement référencé sous le code NAF 51.5 E, à l'exclusion : / 1. Du commerce de gros de liège et produits en liège ; / 2. Des importateurs de bois du Nord, de bois tropicaux ou américains, dont l'activité principale d'approvisionnement résulte de l'achat à l'importation ou sur les marchés internationaux, lesdites opérations étant supérieures à 50 % des achats totaux en bois et dérivés du bois ; / 3. Des entreprises dont l'activité principale est la commercialisation en gros de bois (sous toutes ses formes) destinés à la trituration et qui se situe dans le prolongement de l'activité forestière ". Il résulte clairement de ces stipulations que le champ de la convention du 17 décembre 1996 étendue inclut les activités de commerce de gros de bois et dérivé, anciennement référencées sous le code NAF 51.5 E et désormais référencée sous le code APE 46.73 A, à l'exception des trois activités mentionnées au 1, 2 et 3 de ces stipulations.
9. D'autre part, aux termes des stipulations de l'article 1er de la convention collective nationale du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l'importation des bois du 28 novembre 1955, étendue par un arrêté du 28 novembre 1955, et telle que modifiée par un avenant du 24 juin 1963, également étendu, sont régies par cette convention les activités référencées sous le " groupe 73 " de la nomenclature unifiée des entreprises et des industries, telle qu'elle résultait du décret du 16 janvier 1947, hors bois d'industrie. Ce groupe contenait notamment, sous le code 737-2, l'activité " importation des bois coloniaux et étrangers ", laquelle doit désormais s'entendre, après actualisation de la nomenclature d'activités et ainsi que le soutiennent les requérants, comme visant les activités d'importation de bois du Nord, de bois tropicaux ou américains, pour les entreprises dont l'activité principale d'approvisionnement résulte de l'achat à l'importation ou sur les marchés internationaux, lesdites opérations étant supérieures à 50 % des achats totaux en bois et dérivés du bois. Ces activités relèvent également du code APE 46.73 A.
10. Il résulte de ce qui précède que la convention du 8 décembre 2015, laquelle régit les activités économiques des " entreprises dont l'activité principale est le " commerce de gros de bois et de matériaux de construction " correspondant au code APE 46.73A ", comprend dans son champ, d'une part, les activités de " commerce de gros de bois et dérivés " visées par la convention du 17 décembre 1996, à l'exclusion des exceptions mentionnées du 1 au 3 de l'article 1er de cette convention, et, d'autre part, les activités, régies par la convention du 28 novembre 1955, d'importation de bois du Nord, de bois tropicaux ou américains. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que les requérants sont fondés à soutenir que le ministre chargé du travail ne pouvait rendre obligatoire la convention du 8 décembre 2015 pour les salariés et les employeurs des entreprises dont l'activité est déjà régie par les conventions du 17 décembre 1996 et du 28 novembre 1955 dans leur version en vigueur étendue. L'arrêté attaqué doit être annulé dans cette mesure.
S'agissant du moyen tiré du recoupement avec le champ d'application des conventions du 17 juin 1965, du 17 novembre 1969 et du 21 mars 1972 :
11. Aux termes de l'article L. 2261-28 du code du travail : " L'arrêté d'extension d'une convention ou d'un accord devient caduc à compter du jour où la convention ou l'accord en cause cesse de produire effet ". La convention du 8 décembre 2015 précise en son article 1.2. qu'elle entre en vigueur à compter du premier jour du mois suivant la publication de l'arrêté d'extension au Journal officiel et qu'elle annule et remplace la convention collective nationale des ouvriers du négoce des matériaux de construction du 17 juin 1965, la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du négoce des matériaux de construction du 17 novembre 1969 et la convention collective nationale des cadres du négoce des matériaux de construction du 21 mars 1972. Ces trois conventions ont cessé de produire leurs effets en raison de l'extension de la convention du 8 décembre 2015 par l'arrêté attaqué. Par suite et conformément aux dispositions citées ci-dessus, les arrêtés d'extension de ces conventions sont devenus caducs. Il en résulte que le moyen tiré de ce que le champ d'application de la convention du 8 décembre 2015 recoupe celui des conventions auxquelles elle s'est substituée doit être écarté. Par ailleurs, le moyen tiré de ce que les procédures de résiliation prévues par les conventions du 17 juin 1965, 17 novembre 1969 et 21 mars 1972 n'auraient pas été respectées n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'arrêté attaqué en tant qu'il procède à l'extension de certaines stipulations de la convention :
12. Aux termes de l'article L. 2261-25 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Le ministre chargé du travail peut exclure de l'extension, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, les clauses qui seraient en contradiction avec des dispositions légales. / Il peut également exclure les clauses pouvant être distraites de la convention ou de l'accord sans en modifier l'économie, mais ne répondant pas à la situation de la branche ou des branches dans le champ d'application considéré. / Il peut, dans les mêmes conditions, étendre, sous réserve de l'application des dispositions légales, les clauses incomplètes au regard de ces dispositions ".
13. Le dernier alinéa de l'article L. 2261-25 du code du travail dispose qu'en présence de clauses d'un accord collectif de travail qui sont incomplètes au regard des textes législatifs et réglementaires, le ministre chargé du travail peut, après avoir recueilli l'avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, en subordonner l'extension à l'application de ces textes. En revanche, il ne saurait, sans méconnaître les pouvoirs qu'il tient de ce même article L. 2261-25, se fonder sur ces dispositions pour n'étendre certaines clauses d'un accord collectif de travail que sous réserve qu'elles soient complétées par un accord collectif ultérieur, dont, il n'est pas alors en mesure d'apprécier, comme il lui appartient pourtant de le faire avant de signer l'arrêté d'extension, la conformité avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur.
S'agissant des stipulations de la convention relatives au travail de nuit :
14. Aux termes de l'article L. 3122-15 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord collectif de branche peut mettre en place, dans une entreprise ou un établissement, le travail de nuit, au sens de l'article L. 3122-5, ou l'étendre à de nouvelles catégories de salariés. / Cette convention ou cet accord collectif prévoit : 1° Les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l'article L. 3122-1 ; 2° La définition de la période de travail de nuit, dans les limites mentionnées aux articles L. 3122-2 et L. 3122-3 ; 3° Une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ; 4° Des mesures destinées à améliorer les conditions de travail des salariés ; 5° Des mesures destinées à faciliter, pour ces mêmes salariés, l'articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle et avec l'exercice de responsabilités familiales et sociales (...) ; 6° Des mesures destinées à assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (...) ; 7° L'organisation des temps de pause ". Il résulte de ces dispositions que relève du champ de l'accord collectif de branche étendu ou de l'accord d'entreprise ou d'établissement la mise en place du travail de nuit et des modalités dans lesquelles il s'exerce.
15. Aux termes de l'article 1.14.1 de la convention du 8 décembre 2015 étendue par l'arrêté attaqué : " Les entreprises détermineront, après consultation du médecin du travail compétent, du [comité d'entreprise] et des [délégués syndicaux], du [comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail] et des [délégués du personnel] pour l'application dans l'établissement concerné : les salariés concernés ; les motifs du recours au travail de nuit ; les mesures destinées à améliorer les conditions de travail (...) ". Ces dispositions confient aux employeurs la détermination des modalités de mise en oeuvre du travail de nuit, alors que, comme il a été dit au point précédent, la définition de telles modalités ressortit au champ de la négociation collective. Par suite, le ministre ne pouvait légalement étendre cet article " sous réserve qu'il soit entendu comme renvoyant à un accord d'entreprise ou d'établissement le soin de négocier un accord sur le travail de nuit, lequel devra être conforme aux articles L. 3122-15 et L. 3122-1 " qu'il lui appartenait, conformément à l'article L. 2261-25 du code du travail, d'exclure de l'arrêté d'extension. Il en résulte que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen dirigé contre cet article, les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il procède à l'extension de l'article 1.14.1 de la convention du 8 décembre 2015
S'agissant des stipulations de la convention relatives à l'organisation du temps de travail et de la répartition de la durée du travail sur une durée supérieure à la semaine et au plus égale à l'année :
16. Aux termes de l'article L. 3121-44 du code du travail : " En application de l'article L. 3121-41, un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut définir les modalités d'aménagement du temps de travail et organiser la répartition de la durée du travail sur une période supérieure à la semaine. Il prévoit : 1° La période de référence, qui ne peut excéder un an ou, si un accord de branche l'autorise, trois ans ; 2° Les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail ; 3° Les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et des départs en cours de période de référence (...) ".
17. L'article 4.2.1 de la convention du 8 décembre 2015 étendue par l'arrêté attaqué est relatif à l'aménagement du temps de travail et permet de calculer les heures supplémentaires sur une période de référence supérieure à la semaine et au plus égale à l'année, l'article 4.2.3 de la même convention fixant les contreparties octroyées aux salariés. Il ressort toutefois clairement des termes mêmes de cette convention que celle-ci ne prévoit pas les conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail requis par les dispositions citées ci-dessus de l'article L. 3121-44 du code du travail. Si l'arrêté attaqué étend, par suite, les stipulations des articles 4.2.1 et 4.2.3 de la convention du 8 décembre 2015 sous réserve de la fixation, par accord d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par un nouvel accord de branche, des conditions et délais de prévenance des changements de durée ou d'horaires de travail en cours de période de référence, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que, ce faisant, le ministre a méconnu les dispositions de l'article L. 2261-25 du code du travail. Les requérants sont, ainsi, fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il procède à l'extension des articles 4.2.1 et 4.2.3 de la convention du 8 décembre 2015.
S'agissant des stipulations de la convention relatives à la durée minimale du temps partiel :
18. Aux termes de l'article L. 3123-19 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Une convention ou un accord de branche étendu fixe la durée minimale de travail mentionnée à l'article L. 3123-7. Lorsqu'elle est inférieure à celle prévue à l'article L. 3123-27, il détermine les garanties quant à la mise en oeuvre d'horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités afin d'atteindre une durée globale d'activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée à l'article L. 3123-27. / Une convention ou un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise ou d'établissement détermine les modalités selon lesquelles les horaires de travail des salariés effectuant une durée de travail inférieure à la durée minimale prévue à l'article L. 3123-27 sont regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes ".
19. Aux termes du premier alinéa de l'article 4.3.3 de la convention du 8 décembre 2015, étendue par l'arrêté attaqué : " La durée minimale de travail du salarié à temps partiel est fixée à 17 h 30 par semaine (...), à l'exception du personnel d'entretien dont la durée minimale de travail est fixée à 3 heures par semaine (...), sauf demande écrite et motivée du salarié d'une durée de travail inférieure ". Si la convention contestée prévoit ainsi la durée minimale du temps de travail pour les salariés à temps partiel, il ressort clairement de ses termes mêmes qu'elle ne fixe pas les modalités de regroupement des horaires de travail des salariés concernés. Si l'arrêté attaqué étend, par suite, les stipulations de l'article 4.3.3. " sous réserve qu'un accord négocié au niveau de l'entreprise ou de l'établissement, ou un nouvel accord de branche, détermine les modalités de regroupement des horaires, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 3123-19 du code du travail ", il résulte de ce qui a été dit au point 13 que, ce faisant, le ministre a méconnu les dispositions de l'article L. 2261-25 du code du travail. Les requérants sont, ainsi, fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il procède à l'extension de l'article 4.3.3 de la convention du 8 décembre 2015.
S'agissant des stipulations relatives à la transformation d'un contrat de travail à temps plein en contrat de travail à temps partiel pour cause économique :
20. Aux termes de l'article L. 1222-6 du code du travail : " Lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour l'un des motifs économiques énoncés à l'article L. 1233-3, il en fait la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. / La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. Le délai est de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire. / A défaut de réponse dans le délai d'un mois, ou de quinze jours si l'entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée ".
21. Le sixième alinéa de l'article 4.3.1 de la convention du 8 décembre 2015, étendue par l'arrêté attaqué, prévoit que " en cas de transformation par l'employeur d'un contrat de travail à temps plein en contrat de travail à temps partiel pour cause économique, l'entreprise s'engage à maintenir, avec l'accord du salarié et pour une durée maximale de 2 ans, le régime de retraite complémentaire et le régime de prévoyance (risques invalidité et décès) sur la base d'un salaire à temps plein ". Si ces stipulations ne précisent pas que cette transformation ne peut avoir lieu qu'après que l'employeur en a fait la proposition au salarié dans le respect des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail citées ci-dessus, cette circonstance n'a, par elle-même, aucune incidence sur leur licéité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, pour ce motif, des dispositions de l'article L. 2261-25 du code du travail, doit être écarté.
S'agissant des stipulations de la convention relatives aux forfaits jours :
22. Aux termes de l'article L. 3121-63 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche ". Si ces dispositions permettent à l'accord de branche de prévoir que des conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, pourront être passées dans les entreprises de la branche qui n'ont pas conclu d'accord collectif d'entreprise ou d'établissement portant sur ce sujet, elles n'imposent pas que l'accord rappelle expressément que les conventions individuelles de forfait doivent, à défaut de stipulation en ce sens dans les conventions et accords applicables aux salariés, comporter le nombre de jours travaillés. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l'arrêté attaqué a pu légalement étendre les articles 4.4.2.1 et 4.4.2.2 de la convention du 8 décembre 2015, qui fixent à 218 jours la durée maximale du nombre de jours travaillés, alors même que cette convention n'indique pas expressément qu'il appartient aux conventions individuelles de forfait de fixer le nombre de jours travaillés.
S'agissant des autres stipulations :
23. Les moyens relatifs à l'extension, par l'arrêté attaqué, des articles 1.7.2, 1.22, 2.2, 4.4.2.7 et des premier et dernier alinéas de l'article 1.17 de la convention du 8 décembre 2015 ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne les autres moyens :
24. En premier lieu, si la rédaction de l'arrêté attaqué présente un caractère complexe en raison des nombreuses réserves et exclusions que comporte l'extension à laquelle il procède, cette circonstance n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle de clarté et d'intelligibilité de la norme. En particulier, la seule circonstance que l'arrêté attaqué étende plusieurs stipulations en les assortissant d'une réserve formulée par un simple renvoi à une disposition du code du travail n'est pas de nature à caractériser une méconnaissance de cet objectif.
25. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la CFE-CGC BTP, l'arrêté attaqué n'est entaché ni de contradiction ni de méconnaissance du principe de clarté et d'intelligibilité de la norme en ce qu'il prévoit, en son article 3-6-2 relatif à certaines possibilités de mutation ouvertes aux cadres, d'une part, que le nouveau contrat peut être assorti d'une période probatoire et, d'autre part, que l'acceptation de la mutation et de ses conditions a un caractère définitif. Si la fédération requérante soutient en outre que cette clause méconnaît l'article L. 1222-13 du code du travail, relatif à la mobilité volontaire sécurisée, il ressort clairement des termes de la convention du 8 décembre 2015 que ces deux possibilités de mutation sont distinctes.
26. Enfin, si les requérants soutiennent que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, la seule circonstance qu'il subordonne l'extension de la convention du 8 décembre 2015 à de nombreuses réserves et exclusions n'est, en tout état de cause, pas de nature, par elle-même, à porter atteinte à l'économie de la convention ou aux intentions des signataires de la convention.
27. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2017 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social portant extension de la convention collective nationale des salariés du négoce des matériaux de construction que, d'une part, en tant qu'il inclut dans son champ d'application les entreprises exerçant des activités de " commerce de gros de bois et dérivés " visées par la convention du 17 décembre 1996, à l'exclusion des exceptions mentionnées du 1 au 3 de l'article 1er de cette convention, ainsi que celles exerçant des activités d'importation de bois du Nord, de bois tropicaux ou américains régies par la convention du 28 novembre 1955 et, d'autre part, en tant qu'il procède à l'extension des articles 1.14.1, 4.2.1, 4.2.3 et 4.3.3 de cette convention collective.
28. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de la ministre du travail tendant à ce que les effets de l'annulation prononcée par le Conseil d'Etat soient modulés dans le temps.
29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la fédération nationale du bois, la fédération FO Construction et la CFE-CGC BTP chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêté du 21 mars 2017 portant extension de la convention collective nationale des salariés du négoce des matériaux de construction est annulé en tant :
- qu'il inclut dans son champ d'application les entreprises exerçant l'activité de " commerce de gros de bois et dérivés " visées par la convention du 17 décembre 1996, à l'exclusion des exceptions mentionnées du 1 au 3 de l'article 1er de cette convention ;
- qu'il inclut dans son champ d'application les entreprises exerçant l'activité d'importation de bois du Nord, de bois tropicaux ou américains, visées par la convention du 28 novembre 1955 ;
- et qu'il procède à l'extension des articles 1.14.1, 4.2.1, 4.2.3 et 4.3.3 de la convention collective du 8 décembre 2015.
Article 2 : L'Etat versera à la fédération nationale du bois, la fédération FO Construction et la CFE-CGC BTP la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la fédération nationale du bois, de la fédération FO Construction et de la CFE-CGC BTP et de la ministre du travail est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la fédération nationale du bois, la fédération Force Ouvrière Construction, à la CFE-CGC BTP, à la fédération nationale du bois tranché, à la fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT et à la ministre du travail.