Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier que, lors de sa séance du 10 décembre 2019, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel a fait évoluer ses orientations pour l'émission de ses propositions ou de ses avis sur le recrutement et la carrière des magistrats administratifs. A ce titre, il a modifié ses lignes directrices pour l'établissement du tableau d'avancement des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel au grade de président et retenu, à propos de l'obligation de mobilité conditionnant cet avancement prévue à l'article L. 234-2-2 du code de justice administrative, " qu'à mérite égal, les magistrats promouvables au grade de président ayant accompli leur mobilité statutaire sont susceptibles d'être inscrits au tableau d'avancement prioritairement à ceux qui ont été affectés pendant trois ans en cour administrative d'appel " et qu'" un magistrat ayant acquis une expérience dans des fonctions comprenant des responsabilités d'encadrement peut, à mérite égal, être inscrit prioritairement à ceux qui aura satisfait à son obligation statutaire de mobilité dans des fonctions ne comportant pas de telles responsabilités ". L'Union syndicale des magistrats administratifs demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de ces orientations du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appels relatives à l'obligation de mobilité préalable à l'avancement des magistrats administratifs au grade de président, d'autre part, de la circulaire en date du 21 janvier 2020 que le secrétaire général du Conseil d'Etat a adressée aux présidents de cours administratives d'appel, à la présidente de la Cour nationale du droit d'asile, aux présidents de tribunaux administratifs et à la présidente de la Commission du contentieux du stationnement payant, concernant les avis qu'ils sont chargés d'adresser, en application de l'article R. 222-9 du code de justice administrative, au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sur l'avancement de membres de la juridiction qu'ils président au grade de président au titre de l'année 2020, en tant qu'elle les reprend.
2. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.
3. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en oeuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.
4. Aux termes de l'article L. 234-2 du code de justice administrative : " Les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont promus de grade à grade par décret du Président de la République après inscription sur un tableau d'avancement. / Ce tableau est établi par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, compte tenu des compétences, des aptitudes et des mérites des intéressés, tels qu'ils résultent notamment des évaluations prévues par l'article L. 234-7 et des avis motivés émis par le président de leur juridiction. Les magistrats sont inscrits au tableau par ordre de mérite. / Les avancements d'échelon sont prononcés par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 234-2-2 du même code : " Peuvent être promus au grade de président les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel justifiant de huit ans de services effectifs et ayant satisfait à l'obligation de mobilité ou exercé leurs fonctions juridictionnelles pendant trois ans dans une cour administrative d'appel (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de déterminer, compte tenu des compétences, des aptitudes et des mérites des intéressés, tels qu'ils se dégagent notamment des évaluations prévues par l'article L. 234-7 et des avis motivés émis par le président de leur juridiction, ceux des magistrats ayant soit satisfait à l'obligation de mobilité statutaire, soit exercé des fonctions juridictionnelles pendant trois ans dans une cour administrative d'appel qui doivent être inscrits au tableau d'avancement au grade de président et les y inscrire par ordre de mérite.
6. A ce titre, et ainsi qu'il a été dit au point 1, il ressort des pièces du dossier que le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel s'est doté de lignes directrices, modifiées en dernier lieu le 10 décembre 2019, précisant les critères selon lesquels il dresse ce tableau d'avancement, tout en s'autorisant à y déroger pour des considérations propres à la situation individuelle d'un magistrat ou à l'intérêt du service. En particulier, il a prévu que dans le cadre de l'appréciation " des compétences, des aptitudes et des mérites " des magistrats administratifs ayant satisfait à l'une ou l'autre des obligations mentionnées à l'article L. 234-2-2 du code de justice administrative, il est susceptible de donner, en principe et à mérite égal, d'une part, la priorité aux magistrats administratifs ayant accompli une mobilité statutaire sur ceux ayant servi en cour administrative d'appel et, d'autre part, parmi tous ceux ayant exercé une mobilité statutaire, la priorité à ceux d'entre eux ayant exercé, dans ce cadre, des fonctions comprenant des responsabilités d'encadrement.
7. En premier lieu, le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est, eu égard à ses prérogatives, compétent pour arrêter les lignes directrices qui viennent d'être exposées, lesquelles prennent en considération ce que les différentes expériences professionnelles en cause peuvent induire en termes d'acquisition d'aptitudes et de compétences par les magistrats concernés et ne méconnaissent, en l'espèce, ni les conditions préalables à l'inscription au tableau d'avancement posées à l'article L. 234-2-2 du code de justice administrative, ni les critères d'appréciation édictés à l'article L. 234-2 du même code, ni encore le principe d'égalité de traitement entre membres d'un même corps. En se bornant à rappeler les orientations du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sur ce point, la circulaire du 21 janvier 2020 n'est pas davantage entachée d'incompétence, de méconnaissance des dispositions législatives précitées ou de violation du principe d'égalité.
8. En deuxième lieu, les dispositions de l'article 13 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat, aux termes desquelles " Les fonctionnaires sont inscrits au tableau par ordre de mérite. Les candidats dont le mérite est jugé égal sont départagés par l'ancienneté dans le grade ", n'étant pas applicables à l'avancement des magistrats administratifs au grade de président, lequel est régi par les dispositions de l'article L. 234-2 du code de justice administrative, le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que les orientations litigieuses et la circulaire attaquée, en tant qu'elle les reprend, auraient été édictées en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 13 du décret du 28 juillet 2010.
9. En dernier lieu, s'il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, une réglementation nouvelle, ainsi que le rappelle désormais l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration, le syndicat requérant ne peut, en l'espèce, utilement invoquer la méconnaissance de cette règle, dès lors que les orientations attaquées ne sont pas des actes réglementaires, pas davantage que les dispositions de la circulaire attaquée en tant qu'elles les reprennent.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l'Union syndicale des magistrats administratifs n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir des orientations adoptées par le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel lors de sa séance du 10 décembre 2019 relativement à l'inscription au tableau d'avancement des magistrats administratifs au grade de président et de la circulaire du secrétaire général du Conseil d'Etat du 21 janvier 2020, en tant qu'elle les reprend.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Union syndicale des magistrats administratifs est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Union syndicale des magistrats administratifs et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au secrétaire général du Conseil d'Etat.