Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa rédaction applicable en Nouvelle-Calédonie ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SARL Sunset Promotion.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte notarié du 3 avril 1996, la SARL Sunset Promotion a acquis la propriété, sur le territoire de la commune du Mont-Dore, d'un terrain formé de plusieurs lots de la section de Boulari, sur lequel se trouvaient des bâtiments désaffectés et des constructions à usage d'habitation occupées ; que, souhaitant édifier sur ce terrain un ensemble immobilier, elle a obtenu, par une ordonnance du juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa du 28 avril 2004, confirmée par la cour d'appel de Nouméa le 13 décembre 2004, l'expulsion de tous les occupants à l'exception des époux B...et de M. A...C...puis, par un jugement du 19 mars 2007 du tribunal de première instance confirmé par un arrêt du 7 avril 2011 de la cour d'appel de Nouméa, l'expulsion des époux B...et de M.C... ; que la société a vainement demandé au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, à plusieurs reprises entre 2004 et 2017, de prêter le concours de la force publique pour qu'il soit procédé à cette expulsion ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 16 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet, née du silence gardé pendant deux mois par le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, sur une réquisition de la force publique présentée le 27 avril 2017 et d'enjoindre à l'Etat sous astreinte de prêter le concours de la force publique ; que, par une décision du 27 juin 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi dirigées contre ce jugement en tant qu'il omet de se prononcer sur les diligences accomplies par le haut-commissaire de la République pour mettre fin à l'occupation illicite des lieux ;
2. Considérant que, dans le cas où, à la suite d'un premier refus de concours de la force publique, une décision de justice demeure inexécutée pendant une durée manifestement excessive au regard des droits et intérêts en cause, il incombe au représentant de l'Etat, alors même que des considérations impérieuses justifieraient toujours un refus de concours de la force publique, de rechercher toute mesure de nature à permettre de mettre fin à l'occupation illicite des lieux ; que, s'il est alors saisi d'une demande d'annulation pour excès de pouvoir d'un nouveau refus de concours de la force publique, il appartient au juge administratif d'analyser les conclusions dont il est saisi comme dirigées non seulement contre ce refus, mais aussi, subsidiairement, contre le refus d'accomplir des diligences appropriées pour mettre en oeuvre l'obligation définie ci-dessus ; qu'il lui appartient, par suite, de se prononcer sur la légalité du nouveau refus de concours, mais aussi, dans l'hypothèse où il juge que ce refus est légalement justifié, sur les diligences accomplies par le représentant de l'Etat ; que, dans cette dernière hypothèse, s'il annule la décision en tant qu'elle refuse d'accomplir des diligences appropriées, il peut, saisi de conclusions en ce sens, enjoindre au représentant de l'Etat, le cas échéant sous astreinte, d'accomplir de telles diligences, dans un délai qu'il fixe ;
3. Considérant que, pour juger que le refus d'accorder à la SARL Sunset Promotion le concours de la force publique pour l'exécution des jugements du tribunal de première instance de Nouméa et de l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa était légalement justifié, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a analysé les circonstances particulières dans lesquelles l'occupation sans titre des terrains que cette société a acquis se poursuit depuis 2004 et s'est fondé sur les risques de troubles graves à l'ordre public résultant de la proximité de ces terrains du territoire de la tribu de Saint-Louis, régulièrement à l'origine de flambées de violence, et de la forte hostilité manifestée par le grand chef du Mont-Dore, qui revendiquait en 2010 la propriété coutumière des terres en cause ; qu'en omettant de se prononcer sur la légalité du refus du haut-commissaire d'accomplir des diligences appropriées pour rechercher toute mesure de nature à permettre de mettre fin à l'occupation illicite des lieux, alors qu'il ne pouvait, sans dénaturation, nier que la durée pendant laquelle les décisions de justice ordonnant l'expulsion des occupants sans titre étaient restées inexécutées depuis le premier refus de concours de la force publique était manifestement excessive, le tribunal administratif a méconnu son office et commis une erreur de droit ; que son jugement doit, par suite, être annulé dans cette mesure ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SARL Sunset Promotion au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 16 novembre 2017 est annulé en tant qu'il omet de statuer sur la légalité du refus du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie d'accomplir des diligences appropriées pour rechercher toute mesure de nature à permettre de mettre fin à l'occupation illicite du terrain appartenant à la SARL Sunset Promotion.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie dans la limite de la cassation prononcée.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL Sunset Promotion la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL Sunset Promotion, au ministre de l'intérieur et à la ministre des outre-mer.