Résumé de la décision :
La société Smurfit Kappa Papier Recycle France (SKPRF) a contesté l'arrêté préfectoral du 13 décembre 2013, approuvant un plan de prévention des risques technologiques lié à une installation de fabrication d'explosifs. Le tribunal administratif de Nîmes avait annulé cet arrêté en raison de l'absence de motivation de l'avis favorable du commissaire enquêteur lors de l'enquête publique. La cour administrative d’appel de Marseille, ayant confirmé cette annulation, a été saisie par le ministre de la transition écologique d'un pourvoi en cassation. Le Conseil d'État a annulé l'arrêt de la cour d'appel, estimant qu'elle n'avait pas suffisamment examiné si l'absence de motivation avait pu nuire à l'information du public, et a renvoyé l'affaire à la cour d'appel pour réexamen.
Arguments pertinents :
1. Inexactitudes dans l'enquête publique : Le Conseil d'État souligne que des inexactitudes, omissions ou insuffisances dans une enquête publique peuvent entraîner l'illégalité d'une décision administrative uniquement si elles ont nui à l'information de la population ou influencé la décision de l'autorité administrative. C'est un point crucial pour déterminer la légalité de l'arrêté contesté.
> "Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure [...] que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population."
2. Effet rétroactif de l'annulation : Le Conseil d'État rappelle que l'annulation d'un acte administratif a en principe un effet rétroactif, mais il est possible de déroger à cette règle si cela entraîne des conséquences manifestement excessives. Le juge doit alors évaluer les conséquences pour divers intérêts en présence.
> "L'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives [...]"
3. Erreur de droit de la cour d’appel : Le Conseil d'État constate que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en estimant qu'il ne lui appartenait pas de décider de différer les effets de l'annulation, directement liée à la procédure d'appel.
> "Le ministre est fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit en jugeant qu'il ne lui appartenait pas de décider de différer dans le temps les effets de l'annulation [...]"
Interprétations et citations légales :
- Code de l'environnement - Article R. 123-19 : Cet article impose que l'avis du commissaire enquêteur à la suite d'une enquête publique soit motivé. La non-conformité à ce principe a été un des éléments majeurs de l'annulation initiale, qui a conduit à l'analyse du Conseil d'État sur la nécessité de considérer les conséquences de cette insuffisance.
> "La cour administrative d'appel [...] a jugé que cette insuffisance de motivation avait entaché la procédure d'enquête publique d'irrégularité."
- Code de justice administrative - Article L. 761-1 : Ce texte détermine les principes de compensation des frais de justice et précise que, dans cette instance, l'État n'est pas considéré comme parti perdant, ce qui justifie le rejet des conclusions demandant des frais.
> "Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat [...]"
Ainsi, la décision finale a pour effet d'annuler l’arrêt d’appel et de renvoyer l’affaire pour réexamen, tout en maintenant l’absence de mise à charge des frais au profit de la société contestante. Cette décision clarifie les responsabilités des instances administratives dans le cadre des enquêtes publiques et le traitement des recours en annulation.