Résumé de la décision
La décision examine une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l'article 50 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, qui régit le statut de la magistrature. Cet article permet au garde des sceaux d'interdire temporairement un magistrat d'exercer ses fonctions en cas d'urgence, mais il stipule que l'audience et la décision relative à cette interdiction ne peuvent être rendues publiques. Le Conseil d'État a conclu qu'il y avait lieu de renvoyer la question de la conformité de cette disposition à la Constitution au Conseil constitutionnel, considérant que le caractère non public de ces audiences et décisions pouvait porter atteinte à des droits constitutionnels, notamment au principe de publicité des audiences.
Arguments pertinents
1. Applicabilité de la disposition contestée: Le Conseil d'État a affirmé que l'article 50 de l'ordonnance était applicable au litige en cours, car il concernait une demande d'interdiction temporaire d'un magistrat formulée par le garde des sceaux. La décision rappelle que l'article 50 est pertinent pour le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature lorsqu'il statue en tant que conseil de discipline.
> "Ces dispositions de l'article 50... sont, au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, applicables au litige dont est saisi le Conseil supérieur de la magistrature."
2. Nouvelle question soulevée: Bien que cet article ait déjà été déclaré conforme à la Constitution, le Conseil a reconnu les changements récents dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en particulier l'insistance sur la publicité des audiences.
> "Les développements... en ce qui concerne le principe de publicité des audiences... constituent une circonstance de droit nouvelle de nature à justifier que la conformité de ces dispositions à la Constitution soit à nouveau examinée."
3. Caractère sérieux de la question soulevée: La décision met en avant que le mécanisme d'interdiction temporaire sans publicité pourrait porter atteinte à des droits garantis par la Constitution, justifiant ainsi la QPC.
> "Le moyen tiré de ce que ces dispositions... portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution... soulève une question présentant un caractère sérieux."
Interprétations et citations légales
1. Article 50 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 : Cet article habilite le garde des sceaux et d'autres autorités à proposer une interdiction temporaire d'exercice de fonctions pour les magistrats, tout en imposant la confidentialité de l'audience et de la décision.
> "Le garde des sceaux... peut... proposer au Conseil supérieur de la magistrature d'interdire au magistrat... l'exercice de ses fonctions... La décision d'interdiction temporaire... ne peut être rendue publique..."
2. Article 23-2 et 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : Ces articles régissent la procédure de saisine du Conseil constitutionnel sur question prioritaire de constitutionnalité et établissent les conditions requises pour cette saisine, comme l’exigence d'une nouvelle question ou d’un caractère sérieux.
> "La question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative... doit être... nouvelle ou présente un caractère sérieux."
3. Articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789: Ces articles posent le principe de la publicité des débats et garantissent les droits de la défense, ce qui est central dans l’analyse de la QPC.
> "Le caractère non public de l'audience et de la décision d'interdiction temporaire d'exercice des fonctions... [pourrait] porter atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution..."
La décision renvoie donc au Conseil constitutionnel pour une nouvelle évaluation de la conformité de l'article 50 avec la Constitution, dans un contexte juridique évolutif qui remet en question le principe de publicité des audiences.