Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 septembre 2019, 2 avril 2020 et 8 juillet 2020, la commune de Plouguerneau, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;
2°) de rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. et Mme H... ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme H... le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; il est insuffisamment motivé ;
- aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité n'a été commise, dès lors que le certificat d'urbanisme du 8 août 2013 n'a pas été pris en violation de l'article L. 146-4 I du code de l'urbanisme ;
- la perte de valeur vénale a été surestimée ;
- les époux H... ont commis une faute partiellement exonératoire en acceptant de souscrire un crédit pour l'achat du terrain à des conditions financières particulièrement désavantageuses, lesquelles sont à l'origine du montant excessif des frais financiers.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 mars 2020, 4 mai 2020, 22 juin 2020 et 27 août 2020 (non communiqué), M. G... H... et Mme E... H..., représentés par Me C..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de la commune de Plouguerneau la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir qu'aucun des moyens invoqués par la commune de Plouguerneau n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- les observations de Me B... F..., substituant Me D..., pour la commune de Plouguerneau et celles de Me C..., pour les époux H....
Une note en délibéré présentée pour M. G... H... et Mme E... H... a été enregistrée le 12 avril 2021.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné la commune de Plouguerneau à verser à M. et Mme H... une indemnité d'un montant de 51 737,43 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016. La commune de Plouguerneau relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Pour retenir que le certificat d'urbanisme du 8 août 2013 a été pris en méconnaissance de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, les premiers juges décrivent le lieu-dit Kréac'h An Avel où se situent les parcelles cadastrées section CO n°s 68 et 70 acquises par les époux H... et relèvent que ce lieu-dit ne peut être regardé comme présentant un nombre et une densité significatifs de constructions, susceptibles de constituer une agglomération ou un village au sens de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors en vigueur et qu'il ne peut dès lors accueillir aucune extension de l'urbanisation, y compris sur des terrains entièrement entourés de parcelles bâties. Il suit de là que la commune de Plouguerneau n'est pas fondée à soutenir que le jugement du 11 juillet 2019 est insuffisamment motivé s'agissant de la violation de l'article
L. 146-4 du code de l'urbanisme.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la commune de Plouguerneau :
4. Aux termes du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
5. Il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. L'exigence de continuité étant directement applicable aux autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, l'autorité administrative qui se prononce sur une demande d'autorisation d'urbanisme dans une commune littorale doit vérifier, à moins que le terrain d'assiette du projet soit situé dans une zone destinée à l'accueil d'un hameau nouveau intégré à l'environnement, si, à la date à laquelle elle statue, l'opération envisagée est réalisée en continuité avec les agglomérations et villages existants.
6. Il ressort des pièces du dossier que le hameau de Kréac'h An Avel, où se trouve le terrain d'assiette du projet des époux H..., se situe à plus d'un kilomètre du centre-bourg de la commune de Plouguerneau dont il est séparé par des espaces naturels et agricoles. En outre, les constructions y sont implantées de manière peu dense, essentiellement le long des voies et sans aucune homogénéité. Il suit de là, et alors même qu'il compte une soixantaine de constructions, que le hameau de Kréac'h An Avel constitue une zone d'urbanisation diffuse éloignée du centre-bourg de Plouguerneau et que l'extension de l'urbanisation ne peut y être autorisée. D'ailleurs, le schéma de cohérence territoriale du Pays de Brest ne l'identifie pas comme une agglomération ou un village au sens de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme.
7. Il suit de là que le certificat d'urbanisme du 8 août 2013 selon lequel le terrain des époux H... peut être utilisé pour la construction d'une maison d'habitation a été pris en méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors en vigueur. Par suite, en délivrant ce certificat d'urbanisme, la commune de Plouguerneau a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
En ce qui concerne les préjudices :
8. En premier lieu, par acte notarié du 13 septembre 2013, les époux H... ont acquis les deux parcelles cadastrées section CO n°s 68 et 70, d'une superficie totale de 505 mètres carrés, en vue d'y édifier une maison d'habitation pour un montant de 39 500 euros. Dans la mesure où un tel projet de construction n'est finalement pas susceptible d'être autorisé, la valeur vénale du terrain s'en trouve nécessairement diminuée. Si les attestations notariées produites par les époux H... estiment la valeur du terrain à la somme de 150 euros, elles ne se réfèrent toutefois à aucune vente précise et surtout indiquent que ce prix correspondrait au marché immobilier pour des parcelles situées en zone naturelle, ce qui n'est pas le cas du terrain des intéressés qui est classé en zone Uht-i par le plan local d'urbanisme intercommunal du Pays des Abers, approuvé le 22 octobre 2019, dont le règlement autorise la pratique du camping et les extensions de constructions déjà bâties. Il résulte de l'instruction, notamment des nombreux extraits Vigifoncier produits par la commune de Plouguerneau, recensant les mutations intervenues sur son territoire, pour des parcelles non bâties, présentant une situation et des caractéristiques similaires au terrain des époux H..., que sa valeur actuelle peut être évaluée à la somme de 6 000 euros. Par suite, il sera fait une juste appréciation de la perte de valeur vénale du terrain des époux H... en l'évaluant à la somme de 33 500 euros.
9. En deuxième lieu, il résulte du contrat de prêt bancaire produit en première instance que les époux H... ont emprunté une somme de 43 596 euros à un taux de 3,47 % sur 300 mois. Si la commune de Plouguerneau soutient, pour demander une exonération pour moitié de sa responsabilité, que les époux H... auraient commis une faute en souscrivant ce prêt immobilier à des conditions particulièrement désavantageuses, elle n'apporte toutefois aucun élément permettant d'établir la faute exonératoire qu'elle invoque. Il résulte de l'attestation, établie le 27 novembre 2018 par l'établissement bancaire, que les époux H..., qui ont procédé au remboursement anticipé de leur crédit, ont exposé les sommes de 756,13 euros d'assurances emprunteurs, 4 174,36 euros d'intérêts, 150 euros de frais de dossier et 511,34 euros d'indemnités de remboursement anticipé, soit une somme totale de 5 591,83 euros. Dès lors que ces frais bancaires présentent un lien direct et certain avec la faute commise, la commune de Plouguerneau doit être condamnée à rembourser cette somme.
10. En troisième lieu, les premiers juges ont condamné la commune de Plouguerneau à verser aux époux H... une indemnité d'un montant de 4 001,60 euros en remboursement du surcout des frais d'acquisition, une indemnité d'un montant de 1 794 euros en remboursement des frais de constitution du dossier de demande de permis de construire et une indemnité d'un montant de 1 000 euros en réparation de leur préjudice moral. La commune de Plouguerneau ne conteste pas en appel les sommes ainsi mises à sa charge.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Plouguerneau est seulement fondée à demander que l'indemnité qu'elle a été condamnée à verser aux époux H..., fixée à la somme de 51 737,43 euros, soit ramenée à la somme de 45 887,43 euros en réparation des préjudices causés aux intéressés résultant de l'illégalité fautive du certificat d'urbanisme délivré le 8 août 2013.
Sur l'appel incident des époux H... :
12. Il résulte de ce qui précède, notamment de ce qui a été dit aux points 8 à 10, que l'indemnité devant être versée aux époux H..., fixée à la somme de 51 737,43 euros par les premiers juges, doit être ramenée à la somme de 45 887,43 euros. Par suite, l'appel incident des époux H... doit être rejeté.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
13. Les époux H... ont droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 45 887,43 euros à compter du 4 mai 2016, date de réception par la commune de Plouguerneau de leur demande préalable indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
14. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La somme de 51 737,43 euros, que le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 juillet 2019 a condamné la commune de Plouguerneau à verser aux époux H..., est ramenée à la somme de 45 887,43 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016.
Article 2 : L'article 1er du jugement du 11 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la commune de Plouguerneau et par les époux H... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H..., à Mme E... H... et à la commune de Plouguerneau.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03625