I. Sous le n° 419949, par un pourvoi, enregistré le 19 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 avril 2017 et les articles 1er et 2 de l'arrêt du 22 février 2018 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse.
II. Sous le n° 420078, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 24 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 avril 2017 et l'article 4 de l'arrêt du 22 février 2018 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la chambre de commerce de Bastia et de la Haute-Corse ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois du ministre de l'action et des comptes publics et de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute Corse sont dirigés contre les mêmes arrêts. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la collectivité territoriale de Corse, à qui l'Etat a transmis, le 12 février 2004, la propriété des installations aéroportuaires de Bastia Poretta, a conclu avec la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse, auparavant concédant de l'Etat, un nouveau contrat de concession de ces installations aéroportuaires prenant effet le 1er janvier 2006. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2011, l'administration fiscale a mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute Corse des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre des années 2008 et 2009 dans les rôles de la commune de Borgo et de cotisation foncière des entreprises au titre des années 2010 et 2011 dans les rôles des communes de Borgo et de Lucciana. Par un jugement du 4 février 2016, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les demandes de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute Corse tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires établies au titre des années 2009, 2010 et 2011. Par un arrêt du 27 avril 2017, la cour administrative d'appel de Marseille a ordonné un supplément d'instruction tendant à ce que l'administration fiscale procède au calcul des cotisations en litige sur la base de la valeur locative des installations aéroportuaires de l'aéroport de Bastia-Poretta calculée en prenant en compte la valeur nette comptable des immobilisations au 31 décembre 2004. Par un arrêt du 22 février 2018, la cour a prononcé la réduction de ces cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et de cotisations foncières des entreprises. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 avril 2017 et l'arrêt du 22 février 2018 en tant qu'il a prononcé une réduction des impositions en litige. La chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 27 avril 2017 et l'arrêt du 22 février 2018 en tant que cet arrêt n'a pas entièrement fait droit à sa demande de décharge.
Sur le pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics :
3. Aux termes de l'article 1467 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige de l'année 2009 : " La taxe professionnelle a pour base : / (...) a. la valeur locative, telle qu'elle est définie aux articles 1469, 1518 A et 1518 B, des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période ". Aux termes du même article, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige des années 2010 et 2011 : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France (...) ". Aux termes de l'article 1499 du code général des impôts : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments, revalorisé à l'aide des coefficients qui avaient été prévus pour la révision des bilans, des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". L'article 1500 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / - 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A (...) ". L'article 324 AE de l'annexe III à ce code prévoit que : " Le prix de revient visé à l'article 1499 du code général des impôts s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies. / (...) La valeur d'origine à prendre en considération est le prix de revient intégral avant application des déductions exceptionnelles et des amortissements spéciaux autorisés en matière fiscale. Il en est de même pour les immobilisations partiellement réévaluées ou amorties en tout ou en partie ". Selon l'article 38 quinquies de cette même annexe : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / (...) c. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport ; (...) ".
4. En jugeant que la valeur locative des immobilisations inscrites, dans le cadre de la concession aéroportuaire, au bilan de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute Corse, devait être calculée en fonction de leur valeur d'apport, conformément aux dispositions précitées du c. du 1. de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, au motif que ces immobilisations lui avaient été " apportées " par la collectivité territoriale de Corse, alors que, ainsi que l'a par ailleurs relevé la cour, la chambre de commerce et d'industrie n'en est pas devenue propriétaire, les installations constituant des biens de retour, la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce et a commis une erreur de droit. Par suite, et alors qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la substitution de motifs sollicitée par la chambre de commerce et d'industrie, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 27 avril 2017 et des articles 1er et 2 de l'arrêt du 22 février 2018.
Sur le pourvoi de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse :
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, devant la cour, la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse a demandé la réduction de la cotisation primitive de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 dans les rôles de la commune de Borgo. La cour a omis de statuer sur ces conclusions et a ainsi entaché ses arrêts d'irrégularité.
6. En second lieu, en se bornant, pour écarter l'argumentation soulevée par la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse à l'appui de ses conclusions relatives aux impositions dues au titre des années 2009 à 2011, tirée de l'incorrecte prise en compte de ce qu'une partie des locaux étaient donnés en location à des tiers présents sur l'aéroport de Bastia-Poretta, à relever que la valeur de ces locaux, déterminée conformément à l'article 1498 du code général des impôts, avait été soustraite de la valeur locative totale, sans répondre au moyen tiré de ce que cette valeur locative devait être établie selon la méthode prévue à l'article 1499, la cour administrative d'appel a insuffisamment motivé son arrêt du 27 avril 2017.
7. Il résulte de ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 27 avril 2017 et de l'article 4 de l'arrêt du 22 février 2018.
8. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 16MA01273 du 27 avril 2017 et les articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt n° 16MA01273 du 22 février 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la chambre de commerce et d'industrie de Bastia et de la Haute-Corse.