Résumé de la décision
L'association de sensibilisation, d'information et de défense de consommateurs musulmans a demandé l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger certaines dispositions du code rural et de la pêche maritime concernant l'étourdissement des animaux avant leur abattage, plus particulièrement celles qui permettent une dérogation à cette obligation dans le cadre de l'abattage rituel. La décision du tribunal administrative a rejeté cette demande, considérant que les dispositions contestées ne méconnaissaient pas les lois ou conventions invoquées et s'inscrivaient dans le cadre des compétences du Premier ministre en matière de police sanitaire et de respect des croyances religieuses.
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Arguments pertinents
1. Objectivité des dispositions : Le tribunal a considéré que les dispositions de l'article R. 214-70 du code rural et de la pêche maritime ont conservé leur objet, en particulier en ce qui concerne la possibilité de déroger à l'obligation d'étourdissement pour des raisons religieuses. La requête de l'association n'a donc pas été jugée fondée sur le fondement qu'elles étaient "dépourvues d'objet".
2. Compétence du Premier ministre : La décision a affirmé que le Premier ministre a le pouvoir d'établir des mesures de police générale pour garantir l'ordre public tout en prenant en compte la liberté de culte. Le tribunal a déclaré que "les dispositions litigieuses [...] ont été édictées dans le but de concilier les objectifs de police sanitaire et l'égal respect des croyances et traditions religieuses."
3. Respect des textes légaux : Le tribunal a conclu que les dispositions en question ne méconnaissent ni la loi du 9 décembre 1905 (séparation des Églises et de l'État) ni l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme, car elles n'entraînent pas une régulation des conditions d'abattage à l'encontre des prescriptions religieuses.
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Interprétations et citations légales
1. Article L. 243-2 du Code des relations entre le public et l'administration : Cet article impose à l'administration d'abroger un acte réglementaire s'il est "dépourvu d'objet". Le tribunal a estimé que, dans ce cas, les dispositions litigieuses conservent un objet pertinent au regard des pratiques d'abattage rituel.
2. Article 37 de la Constitution : Le pouvoir de prendre des mesures de police est fondé sur cet article, qui confère au Premier ministre des prérogatives en matière de réglementation pour assurer la sécurité publique. Le jugement souligne que "le Premier ministre doit exercer son pouvoir de police générale sans méconnaître la loi".
3. Article 1er de la Loi du 9 décembre 1905 : Cette disposition porte sur la séparation des Églises et de l'État. Le tribunal a précisé que les dérogations prévues ne portent pas atteinte à ce principe puisqu'elles visent à équilibrer les exigences sanitaires et le respect des croyances religieuses, juste comme l'affirme la décision: "les dispositions litigieuses [...] ne méconnaissent ni l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat".
4. Article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme : Ce texte garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le tribunal a indiqué que les règles en matière d'étourdissement s'inscrivent dans le respect de cette liberté tout en garantissant la santé publique.
Cette analyse témoigne d’une volonté de concilier réglementations sanitaires et respect des croyances religieuses tout en respectant les principes de droit en vigueur. La décision souligne le cadre juridique complexe où se mêlent droits fondamentaux et régulations sanitaires, faisant appel aux compétences du gouvernement dans la gestion des questions sensibles de société.