Résumé de la décision
La société Avenir 3R, exerçant en tant que marchand de biens et lotisseur, a cédé des parcelles de terrain classées comme terrains à bâtir après avoir acquis un bien immobilier plus vaste. Elle a appliqué le régime de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la marge pour ces cessions. Suite à une vérification comptable, l'administration a contesté ce régime, entraînant des rappels de TVA. Le tribunal administratif de Lyon avait donné gain de cause à la société, mais le ministre de l'action et des comptes publics a contesté cette décision devant la cour administrative d'appel de Lyon. Cette cour a rendu une ordonnance considérée en erreur de droit par le Conseil d'État, qui a annulé cette ordonnance, concluant que le bénéfice du régime de la TVA sur la marge n'était pas applicable dans ce cas, même si l'acquisition n'avait pas ouvert droit à déduction de la TVA.
Arguments pertinents
1. Erreur de droit sur l'application de la TVA sur la marge : Le Conseil d'État a déterminé que pour qu'une cession de terrains à bâtir bénéficie du régime de la TVA sur la marge, il est nécessaire que le terrain soit acquis dans son état d'origine avec des caractéristiques de terrain bâtie, même si aucune déduction de TVA n'avait été réalisée. La cour administrative d'appel a commis une erreur en jugeant que la seule condition à vérifier était l'absence de droit à déduction lors de l'acquisition.
2. Importance de la qualification du bien : La cour a jugé que les caractéristiques et la qualification du bien, qui peuvent évoluer entre l'acquisition et la revente, ont un impact décisif sur l'application de la réglementation de la TVA sur la marge. Le Conseil d'État a affirmé que les cessions de terrains à bâtir acquises en tant que biens bâtis, qui ont été modifiés (démolition, division parcellaire) par l'acheteur, ne peuvent pas bénéficier du régime privilégié de la TVA sur la marge.
3. Références législatives : Le Conseil d'État a souligné l’influence des textes législatifs français qui gouvernent la TVA, incluant le Code général des impôts - Article 268, et la directive européenne 2006/112/CE, qui stipulent clairement les conditions d'application du régime sur la marge.
Interprétations et citations légales
Dans l’analyse de la décision, deux textes clés se dégagent :
- Code général des impôts - Article 257 : Cet article stipule que « les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles (…) sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ». Ceci inclut la vente de terrains à bâtir, et il établit le cadre général d'application de la TVA.
- Code général des impôts - Article 268 : Ce texte met en avant que « s'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...) si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est [calculée de manière spécifique] ». Ici, le texte précise que la condition de non-droit à déduction s'applique pour la détermination de la base d'imposition, mais elle ne suffit pas à elle seule pour justifier l'application de la taxation sur la marge.
L'interdiction de l'application de la TVA sur la marge lorsque les caractéristiques juridiques et physiques du bien cédé diffèrent de celles au moment de l'acquisition illustre l'importance d'une interprétation strictement conforme au droit. En d'autres termes, la cour a élargi le champ d'application de la TVA sur la marge de manière incorrecte en ne tenant pas compte de la qualification d'origine du bien.
En conclusion, le jugement obscurcit le lien entre les règles de la TVA et les conditions d'acquisition et de transformation des biens, ce qui a conduit à une rectification par le Conseil d'État et un renvoi de l'affaire à la cour administrative d'appel de Lyon pour un nouvel examen à la lumière de ces principes.