Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 19 février 2020, 10 mars 2020, 16 octobre 2020 et 26 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société HT Immo demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu, 2°, sous le numéro 439431, la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 10 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société HT Immo demande au Conseil d'État d'ordonner, en application de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution de l'article 2 de l'arrêt du 19 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jonathan Bosredon, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société HT Immo ;
Considérant ce qui suit :
1. Le pourvoi par lequel la société HT Immo demande l'annulation de l'arrêt du 19 décembre 2019 de la cour administrative d'appel de Lyon et la requête par laquelle cette société demande qu'il soit sursis à l'exécution de son article 2 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société HT Immo, dont M. A... est le gérant, a fait l'acquisition le 13 décembre 2012 d'une parcelle cadastrée section AH 202, sur le territoire de la commune de Menthon-Saint-Bernard (Haute-Savoie), sur laquelle est implanté un bâtiment composée d'un outil de mouillage et d'un abri à bateaux ouvrant sur le lac d'Annecy ainsi qu'une habitation, édifiée au-dessus de l'abri. Par un arrêté du 23 octobre 2013, le préfet de la Haute-Savoie a autorisé la société à occuper à titre précaire et révocable le domaine public fluvial naturel au droit de la parcelle AH 202. Il l'a toutefois informée le 18 décembre 2015 que cette autorisation prendrait fin le 31 décembre 2015. Le 7 juillet 2016, il l'a mise en demeure de libérer les lieux avant le 31 août 2016. Après qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie eut été dressé le 22 septembre 2016, le préfet de la Haute-Savoie a déféré M. A..., représentant légal de la société, comme prévenu d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les articles L. 2132-5 à L. 2132-11 du code général de la propriété des personnes publiques, devant le tribunal administratif de Grenoble qui, par un jugement du 12 février 2019, l'a condamné, d'une part, à payer une amende de 2 000 euros et, d'autre part, à libérer la dépendance du domaine public fluvial occupée sans droit ni titre au droit de la parcelle cadastrée n° AH 202, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. La société HT Immo se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 décembre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
3. Aux termes de l'article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d'eau et lacs appartenant à l'Etat, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du même code : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2132-9 du même code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente ".
4. En premier lieu, pour juger qu'était caractérisé l'élément matériel de l'infraction et, par suite, confirmer le bien-fondé des poursuites engagées à l'encontre de la société HT Immo la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur ce que les documents produits au dossier, notamment les photographies et les plans, permettaient de constater que l'abri à bateaux, au-dessus duquel une maison d'habitation avait été aménagée, était implanté sans autorisation au-dessus des eaux du lac, lequel constitue une dépendance du domaine public, et non, contrairement aux allégations de la requérante, en bordure de celui-ci, ce que la photographie aérienne produite par la société elle-même confirmait.
5. En statuant ainsi, la cour s'est fondée sur ce que les fondations de la construction servant d'abri à bateaux étaient, pour partie, implantées sur le domaine public fluvial. Elle n'a, contrairement à ce qui est soutenu, pas jugé que cette construction était implantée en surplomb des eaux du lac, sans contact avec celui-ci. Ne peut par suite qu'être écarté le moyen tiré de ce que la cour ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, juger l'infraction constituée sans rechercher si la construction édifiée en surplomb des eaux du lac constituait un obstacle à l'utilisation normale du domaine public. La cour ne s'étant pas davantage fondée sur ce que la masse des eaux du lac constituerait elle-même une dépendance du domaine public fluvial, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'elle aurait commise ce faisant ne peut également qu'être écarté.
6. En second lieu, après avoir relevé, à la suite du tribunal administratif, par une appréciation souveraine des faits non entachée de dénaturation, que la construction en litige était implantée " principalement sinon en totalité " sur le domaine public fluvial, la cour administrative d'appel a pu en déduire sans erreur de droit ni contradiction de motifs que le tribunal avait ordonné à bon droit à la société HT Immo et à M. A... de libérer la dépendance du domaine public ainsi occupée sans autorisation par cette construction.
7. Il résulte de ce qui précède que la société HT Immo n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Son pourvoi doit donc être rejeté, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. Il n'y a pas lieu, par suite, de statuer sur la requête présentée par la société HT Immo tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution, sur le fondement de l'article R. 821-5 du code de justice administrative, de l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi n° 438824 de la société HT Immo est rejeté.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution présentées par la société HT Immo sous le n° 439341.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée unipersonnelle HT Immo et à la ministre de la transition écologique.