Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Soltner, Texidor, Perier, avocat de la société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard.
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention de délégation de service public du 4 janvier 2010, la société d'exploitation des aéroports de Rennes et de Dinard a été chargée par la région Bretagne de l'exploitation des aéroports de Rennes-Saint-Jacques et de Dinard-Pleurtuit pour une durée de quatorze ans et dix mois. Pour la détermination des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties, dont le délégataire supporte la charge en application de l'article 77 de la convention, les installations foncières de ces aéroports ont été évaluées selon la méthode comptable définie à l'article 1499 du code général des impôts. Par une réclamation du 20 décembre 2012, la société a contesté l'application de cette méthode d'évaluation pour les installations aéroportuaires de Rennes-Saint-Jacques, en soutenant que ces installations devaient être évaluées selon la méthode d'appréciation directe prévue par l'article 1498 du code général des impôts. En conséquence, elle a sollicité la réduction de la cotisation de taxe foncière mise à sa charge au titre de l'année 2011. Après le rejet de sa réclamation, elle a saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par le jugement attaqué du 1er juin 2016, a fait partiellement droit à sa demande en la déchargeant de la différence entre le montant de la taxe foncière à laquelle elle avait été assujettie et le montant de cette taxe calculé selon la méthode d'appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts en appliquant, sur la valeur de reconstruction des biens au 1er janvier 1970, un abattement global de 60 % et un taux d'intérêt de 5 %.
2. Aux termes de l'article 1498 du code général des impôts : " La valeur locative de tous les biens autres que les locaux visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison (...) 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe. (...) ". Aux termes de l'article 1499 du même code : " La valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est déterminée en appliquant au prix de revient de leurs différents éléments (...) des taux d'intérêt fixés par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1500 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008 : " Les bâtiments et terrains industriels sont évalués : / 1° selon les règles fixées à l'article 1499 lorsqu'ils figurent à l'actif du bilan de leur propriétaire ou de leur exploitant, et que celui-ci est soumis aux obligations définies à l'article 53 A ; / 2° selon les règles fixées à l'article 1498 lorsque les conditions prévues au 1° ne sont pas satisfaites ".
3. Il résulte des dispositions de ce dernier article que, dès lors que le propriétaire ou l'exploitant de bâtiments et de terrains industriels passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties est soumis aux obligations déclaratives définies à l'article 53 A du code général des impôts et que ces immobilisations industrielles figurent à l'actif de son bilan, la valeur locative de ces immobilisations est établie selon les règles fixées à l'article 1499 du code. En outre, dans l'hypothèse où l'absence d'inscription des immobilisations industrielles à l'actif du bilan du propriétaire ou de l'exploitant procède d'une méconnaissance, par celui-ci, de ses obligations comptables, l'administration fiscale est fondée, après avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis le redevable de la taxe foncière à même de présenter ses observations, à corriger de cette omission les éléments déclarés en application des dispositions de l'article 53 A du code général des impôts, puis à établir la taxe foncière selon les règles fixées à l'article 1499 du code.
4. Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. ". L'article 393-1, devenu 621-8, du plan comptable général, relatif aux immobilisations faisant l'objet d'une concession de service public ou de travaux publics, prévoit que " Les biens mis dans la concession par le concédant ou par le concessionnaire sont inscrits à l'actif du bilan de l'entité concessionnaire ". Ces dispositions s'appliquent aux contrats de délégation de service public mettant à la charge du délégataire les investissements correspondant à la création ou à l'acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, notamment les investissements de premier établissement.
5. Pour faire droit à l'argumentation de la société d'exploitation des aéroports de Rennes et de Dinard, qui soutenait que l'évaluation des installations aéroportuaires de Rennes-Saint-Jacques devait être effectuée selon la méthode d'appréciation directe prévue au 3° de l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal administratif a d'abord relevé qu'elle soutenait, sans être valablement contredite, que les installations foncières de l'aéroport de Rennes-Saint-Jacques n'étaient pas inscrites à l'actif de son bilan et qu'il était constant que la région Bretagne, propriétaire des bâtiments et terrains industriels en cause, n'était pas astreinte aux prescriptions de l'article 53 A du code général des impôts. Il a ensuite jugé que la convention du 4 janvier 2010, en vertu de laquelle la société exploitait l'aéroport en cause, était un contrat d'affermage, dès lors que les ouvrages nécessaires à son exploitation étaient déjà établis à cette date et que les travaux prévus par le plan pluriannuel d'investissement du délégataire sur la durée du contrat présentaient un caractère accessoire. Le tribunal en a déduit que la société n'était pas tenue d'inscrire à l'actif de son bilan les installations passibles de taxe foncière de l'aéroport de Rennes-Saint-Jacques et qu'elle était dès lors fondée à contester l'utilisation de la méthode comptable pour évaluer leur valeur locative.
6. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment des termes de la convention conclue entre la région Bretagne et la société d'exploitation des aéroports de Rennes et de Dinard, d'une part, que les installations de l'aéroport de Rennes-Saint-Jacques ont été construites par la chambre de commerce et d'industrie de Rennes dans le cadre d'un contrat de concession puis remises à la région avant d'être mises à la disposition de la société, qui n'a donc pas supporté les frais de premier établissement, d'autre part, que si la société s'est vu confier, outre l'exploitation des installations aéroportuaires, " le développement, l'aménagement, l'entretien et la promotion des terrains, ouvrages, bâtiments, installations et matériels...nécessaires au fonctionnement des aéroports... " ainsi que " la réalisation de travaux notamment de mises aux normes et de grosses réhabilitations... ", les investissements dont elle a la charge consistent uniquement en des travaux de renforcement, de mise en conformité et d'entretien des installations déjà existantes et non de création, d'extension ou de renouvellement des ouvrages. Il en résulte que la convention en cause n'entre pas dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 393-1, devenu 621-8, du plan comptable général. La circonstance qu'en application du III de l'article 6 de cette convention, la société d'exploitation des aéroports de Rennes et de Dinard ait dû, " compte tenu des clauses de sortie des contrats de délégation de service public des précédents exploitants " indemniser la chambre de commerce et d'industrie de Rennes à hauteur de 3 370 000 euros, dont 2 147 000 euros au titre de la valeur nette comptable des immobilisations relevant des " missions régaliennes ", est sans incidence à cet égard. Il s'ensuit que le ministre n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait commis une erreur de qualification juridique ni une erreur de droit en jugeant que la société d'exploitation des aéroports de Rennes et de Dinard n'avait pas l'obligation d'inscrire les immobilisations litigieuses à son actif.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 4 du jugement qu'il attaque.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à la société d'exploitation des aéroports de Rennes et de Dinard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 3 500 euros à la société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société d'exploitation des aéroports de Rennes et Dinard.