Résumé de la décision
Le 25 mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics a formé un pourvoi contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles ayant statué sur une déduction fiscale consentie par la société Parfums Christian Dior à sa filiale américaine, LVMH Perfumes et Cosmetics Inc. Afin de réduire une créance, la société a procédé à un abandon de créance de 69 millions de dollars, comptabilisé comme une perte. La cour a jugé que cet abandon était déductible du résultat imposable de Parfums Christian Dior. Le Conseil d'État a confirmé cette décision, rejetant le pourvoi du ministre et considérant que l'abandon de créance n'était pas requalifié en apport en capital.
Arguments pertinents
1. Nature de l'opération : La cour a constaté que l’abandon de créance en faveur de la filiale américaine avait la nature d’un abandon de créance au sens de la législation fiscale française, rejetant le fait qu'il puisse être considéré comme un apport supplémentaire au sens de l’article 38 du code général des impôts.
> "l'abandon de créance litigieux ne constituerait d'ailleurs pas un supplément d'apport au sens du 2 de l’article 38 [...]".
2. Indépendance des systèmes juridiques : Le Conseil d'État a affirmé que le juge de l'impôt ne doit pas se limiter à la qualification comptable par un autre État, mais doit examiner la nature réelle de l'opération selon le droit fiscal français. La qualification par le droit comptable américain ne saurait, à elle seule, invalider la qualification fiscale française.
> "il ne saurait, sans commettre d'erreur de droit, déduire sa qualification en droit fiscal national du seul traitement comptable".
3. Couverture de la déductibilité : Le fait que l'abandon de créance ait été enregistré comme un apport en capital aux États-Unis et qu'aucune imposition n'ait été appliquée là-bas n'affecte pas sa déductibilité en France. Dès lors que les conditions de déductibilité sont remplies en France, cela est suffisant pour qu'il soit reconnu comme une perte.
> "la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'abandon de créance litigieux était déductible [...]".
Interprétations et citations légales
1. Article 38 du Code général des impôts : Cet article précise les conditions relatives à la détermination du résultat imposable et les apports en capital. La cour a précisé que pour qualifier un abandon de créance en tant qu'apport, il est essentiel de faire référence à sa nature. Selon le deuxième alinéa, "les seuls apports reçus de ses actionnaires par la société contribuable" doivent être considérés, ce qui exclut le cas d'un abandon de créance.
2. Droit fiscal international : La décision du Conseil d'État souligne l'importance de la qualification de l'opération selon le droit fiscal national français indépendamment des règles comptables d'un autre État. Cela met en avant l'autonomie des législations nationales dans l'évaluation des situations fiscales. Le Conseil a affirmé qu'une qualification différente dans un autre système juridique ne remet pas en cause la déductibilité en France.
3. L'article L. 761-1 du Code de justice administrative : Cet article prévoit que la partie perdante doit payer les frais de justice à la partie gagnante. Dans ce cas, l'État est condamné à verser 3 500 euros à la société LVMH Moët Hennessy Louis Vuitton au titre de cet article, illustrant les conséquences financières de la décision du tribunal sur les organismes publics.
En somme, la décision du Conseil d'État illustre la priorité accordée à l'analyse juridique nationale sur les traitements comptables étrangers dans le contexte des déductions fiscales, renforçant la clarté des règles de déductibilité retenues par le droit fiscal français.