3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que le décret litigieux préjudicie de manière grave et immédiate à sa liberté d'aller et venir, y compris au sein de l'Union européenne, à son droit d'exercer une activité professionnelle, à son droit à mener une vie privée et familiale normale et, par voie de conséquence, aux droits et libertés de ses enfants et de sa compagne ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux ;
- le décret est pris sur le fondement de l'article 27-2 du code civil, qui méconnaît, en premier lieu, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en deuxième lieu, les stipulations des articles 3-1 et 3-2 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, et, en dernier lieu, les stipulations des traités constitutifs de l'Union Européenne garantissant notamment la liberté d'aller et venir ;
- il est manifestement disproportionné.
Par un mémoire distinct, enregistré le 13 juin 2016, présenté en application de l'article 23-4 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. A...C..., agissant en son nom et au nom de LaïlaC..., sa fille mineure, demande au juge des référés du Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 27-2 du code civil.
Il soutient que :
- les dispositions contestées sont applicables au litige ;
- elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;
- la question est sérieuse dès lors que l'article 27-2 du code civil est contraire aux dispositions des articles 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, au principe d'égalité, et aux dispositions de l'article 1 de la Constitution ;
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 29 juin 2016, le ministre de l'intérieur conclut, d'une part, au rejet de la requête et, d'autre part, à titre principal, au non lieu à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité et, à titre subsidiaire, à ce que le juge des référés du Conseil d'Etat ne renvoie pas la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le Traité sur l'Union européenne ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M.C..., d'autre part, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 30 juin 2016 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Pinatel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. C... ;
- le représentant de M. C...;
- la représentante du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ; qu'il résulte de ces dispositions que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
2. Considérant que M. A...C..., ressortissant comorien, qui est entré en France en 2006 et y a bénéficié depuis lors d'une carte de séjour temporaire d'un an renouvelée jusqu'en 2012, a déposé en février 2012 une demande de naturalisation par laquelle il a indiqué vivre maritalement en France avec MmeB..., naturalisée française en 2009, avec laquelle il a eu trois enfants, nés en 2007, 2010 et 2011 ; qu'il a été fait droit à cette demande par un décret du 5 novembre 2012 ; qu'en juin 2014, M. C...a demandé le bénéfice du regroupement familial au profit de MmeD..., ressortissante comorienne vivant aux Comores, avec laquelle il est marié depuis 2000, ainsi que pour les cinq enfants du couple nés aux Comores en 1997, 2001, 2004 et 2012 ; que M. C...n'ayant fait état ni de ce mariage ni des enfants nés de cette union lors de sa demande de naturalisation, le ministre de l'intérieur a informé l'intéressé qu'une procédure de retrait du décret de naturalisation était entamée sur le fondement de l'article 27-2 du code civil au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par le demandeur quant à sa situation familiale ; qu'au terme de cette procédure, au cours de laquelle M. C...a présenté des observations, le Premier ministre a rapporté le décret du 5 novembre 2012 par le décret du 8 avril 2016, dont M. C...demande au juge des référés du Conseil d'Etat d'ordonner la suspension de l'exécution sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ;
3. Considérant, d'une part, que le décret contesté vise à retirer le bénéfice de la nationalité française obtenue grâce à de fausses déclarations du demandeur sur sa situation familiale ; que M. C...ne conteste pas ne pas avoir fait état de la situation familiale résultant de son mariage avec Mme D...lors de sa demande de naturalisation ; que, d'autre part, si M. C...soutient que l'exécution du décret contesté porte à sa situation personnelle une atteinte grave et immédiate en faisant obstacle à se qu'il se maintienne régulièrement sur le territoire français où vivent notamment trois de ses enfants et où il exerce son activité professionnelle, le décret contesté, qui ne prive en tout état de cause pas M. C... de la nationalité comorienne, n'implique pas, par lui-même, que l'intéressé serait privé de tout droit au séjour sur le territoire français ; qu'ainsi, il résulte de l'instruction, et notamment des échanges au cours de l'audience publique, que M.C..., qui ne s'est pas rendu auprès des services de la préfecture des Bouches-Rhône malgré les invitations qui lui avaient été faites afin qu'il y restitue son passeport et sa carte d'identité française, n'a pas déposé de demande de titre de séjour qui lui aurait permis d'obtenir la délivrance d'un récépissé lui donnant le droit de se maintenir régulièrement sur le territoire français ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'exécution du décret contesté serait par elle-même de nature à le priver de l'emploi d'agent de propreté qu'il exerce actuellement ; que si M. C...soutient enfin que le décret contesté, en lui retirant la nationalité française, lui retire également le bénéfice de la citoyenneté de l'Union européenne et le prive ainsi du droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire de ses Etats membres, il n'apporte, en tout état de cause, aucun élément concret de nature à apprécier en quoi cela porterait à ses droits une atteinte suffisamment grave et immédiate pour justifier la suspension de l'exécution du décret contesté ; qu'ainsi l'exécution du décret en cause n'est pas, par elle-même, de nature à préjudicier gravement et immédiatement aux intérêts invoqués par M. C... ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence, requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour justifier la suspension du décret contesté, ne peut être regardée comme remplie ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité de cet acte, la requête présentée par M. C... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5. Considérant que la présente ordonnance rejetant les conclusions à fin de suspension pour défaut d'urgence, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de renvoi au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée ;
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A...C..., au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au Conseil constitutionnel.