Procédure devant la Cour :
Par un recours et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 18 mars 2014, 3 septembre 2014 et 4 mai 2016, la SAS BABOU, représentée par Me Chabin, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler cette ordonnance ;
2° de lui accorder la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation de valeur ajoutée sur les entreprises ont elle s'est acquittée au titre de l'année 2011 à hauteur de 101 348 euros ;
3° de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS BABOU soutient que :
- le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil ne pouvait se fonder sur le 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter sa demande dès lors, d'une part, que le moyen qu'elle avait développé n'était pas inopérant et, d'autre part, que le délai de recours n'était pas expiré et qu'elle pouvait donc présenter d'autres moyens ;
- en l'absence de dispositions législatives régissant le recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation de valeur ajoutée sur les entreprises, les impositions auxquelles elle a été assujettie en 2011 sont illégales ;
- l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, qui instituent le recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises est contraire au paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à un procès équitable, en ce qu'il présente un caractère rétroactif ; l'article 1600 III 1 bis du code général des impôts ne saurait dès lors recevoir application pour les impositions antérieures à l'entrée en vigueur de l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2012 ;
- l'article 39 de la loi du 16 août 2012 est également contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ; cet article porte atteinte aux espérances légitimes des contribuables, qui avaient un droit à la restitution ou de dégrèvement de l'imposition litigieuse quelque soit la date à laquelle ils l'ont contestée ; la loi de validation ne poursuit pas un but d'intérêt général suffisant ; un intérêt purement financier ne constitue pas un tel motif ;
- l'article 39 de la loi du 16 août 2012 est, de par son caractère rétroactif, contraire au principe du droit à un recours juridictionnel effectif posé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en validant les recours formés avant le 11 juillet 2012 et en refusant les autres, cet article 39 méconnaît le principe de non discrimination posé par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette différence de traitement dans l'exercice d'un droit reconnu est sans justification objective ni raisonnable ;
- la loi est contraire aux principes communautaires de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime dégagés par la Cour de justice de l'Union européenne car elle a privé le contribuable de son droit à faire valoir un recours effectif.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 ;
- le code de justice administrative ;
- les décisions du Conseil constitutionnel n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013 et n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bruno-Salel ;
- et les conclusions de Mme Rudeaux, rapporteur public.
1. Considérant que, par une réclamation datée du 31 juillet 2012, la société par actions simplifiée (SAS) BABOU a demandé la restitution de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a acquittée au titre de l'année 2011 et, en l'absence de réponse, a saisi de ce litige le Tribunal administratif de Montreuil ; qu'elle demande l'annulation de l'ordonnance en date du 13 janvier 2014 par laquelle le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté, sur le fondement du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande tendant à la restitution de cette taxe et à ce qu'elle lui soit restituée à hauteur de 101 348 euros ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : ( ...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il n'appartient pas au juge administratif d'examiner la conformité à la Constitution d'une disposition de valeur législative en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité ; que c'est dès lors à bon droit que le tribunal a jugé que le moyen, à le supposer invoqué, tiré de l'inconstitutionnalité du caractère rétroactif de l'article 39 de la loi n°2012-958 du 16 août 2012 était inopérant ;
4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'à l'appui de sa demande présentée au tribunal, la SAS BABOU n'a présenté, à le supposer invoqué, que le moyen unique tiré de l'inconstitutionnalité du caractère rétroactif de l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 qui était, ainsi qu'il a été dit au point précédant, inopérant ; qu'il n'a pas présenté d'autre moyen avant l'expiration du délai de recours contentieux intervenue au plus tard deux mois après l'introduction de la demande de première instance, ni annoncé la production d'un mémoire complémentaire ; que, dès lors, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil pouvait se fonder sur le 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de la SAS BABOU ;
Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :
5. Considérant, d'une part, que la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont il est demandé la restitution a été liquidée sur le fondement des dispositions de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction issue de la loi de finances pour 2011 n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ; que le I de l'article 39 de la loi de finances rectificative pour 2012 n° 2012-958 du 16 août 2012 a introduit, après les huit premiers alinéas du III de cet article 1600 du code général des impôts, un paragraphe 1 bis précisant les modalités de recouvrement de cette taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que le paragraphe II de ce même article 39 précise que : " Le I s'applique aux impositions dues à compter du 1er janvier 2011, sous réserve des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 " ;
6. Considérant, d'autre part, que par une décision n° 2012-298 QPC du 28 mars 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit les dispositions des huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, au motif que celles-ci ne prévoyaient pas les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises ; qu'après avoir visé les dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012, il a décidé, en application de l'article 62 de la Constitution, que cette déclaration d'inconstitutionnalité prenait effet à compter de la date de la publication de sa décision et que le moyen d'inconstitutionnalité ne pouvait être invoqué qu'à l'encontre des impositions contestées avant le 11 juillet 2012 ; que, par une décision n° 2013-327 QPC du 21 juin 2013, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le paragraphe II de l'article 39 de la loi du 16 août 2011 de finances rectificative pour 2012 ;
En ce qui concerne la violation du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
7. Considérant que, pour faire échec aux dispositions de l'article 39 de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, la SAS BABOU se prévaut des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, ces stipulations ne peuvent être utilement invoquées pour contester les droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition ;
En ce qui concerne la violation de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son article 14 :
8. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général " ;
9. Considérant qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ; que, par ailleurs, si ces stipulations ne font en principe pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant de lois en vigueur, ayant le caractère d'un bien au sens de ces stipulations, c'est à la condition de ménager un juste équilibre entre l'atteinte portée à ces droits et les motifs d'intérêt général susceptibles de la justifier ;
10. Considérant que l'article 39 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est issu d'un amendement parlementaire adopté en commission à l'Assemblée nationale le 11 juillet 2012 ; que la loi a été définitivement adoptée le 31 juillet 2012 ; qu'il résulte de ces circonstances qu'à la date à laquelle elle a présenté sa réclamation, le 31 juillet 2012, la société requérante ne pouvait faire état d'une espérance légitime d'obtenir la restitution des droits de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en litige en se prévalant de l'absence de définition des modalités de recouvrement de cette taxe ; qu'ainsi, elle ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans le champ desquelles elle n'entre pas ;
11. Considérant que dès lors que les faits invoqués par la société requérante n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales elle ne peut utilement invoquer la violation des stipulations de l'article 14 de cette convention combinées avec celles de cet article ;
En ce qui concerne la violation de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. " ;
13. Considérant que la société requérante fait valoir que l'article 39 de la loi
n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 l'a privée de la possibilité de contester son imposition en invoquant le moyen tiré de l'incompétence négative entachant les huit premiers alinéas du paragraphe III de l'article 1600 du code général des impôts, dans leur rédaction résultant de la loi de finances pour 2011, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, cependant, il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le recours effectif dont elles garantissent l'existence doit permettre de se prévaloir des droits et libertés reconnus dans la convention ;
En ce qui concerne la violation des principes communautaires de sécurité juridique et de confiance légitime :
14. Considérant que les principes de confiance légitime et de sécurité juridique invoqués en tant que principes généraux du droit communautaire ne trouvent à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne ; que tel n'est pas le cas en l'espèce du recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; que les moyens tirés de la méconnaissance de ces principes ne peuvent, par suite, qu'être écartés comme inopérants ;
15. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que la SAS BABOU n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 11ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS BABOU est rejetée.
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N° 14VE00904