La requérante soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'atteinte à sa situation économique et à la concurrence sur le marché des produits du vapotage est immédiate et n'est pas justifiée par l'objectif de santé publique poursuivi par la directive transposée ;
- le Premier ministre a excédé le champ de l'habilitation prévue par l'article L. 3513-12 du code de la santé publique, en prévoyant le versement de deux droits distincts ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité de l'article 6 du décret contesté dès lors qu'il méconnait l'article L. 3513-12 du code de la santé publique ;
- l'article 6 du décret méconnaît la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 dès lors que le montant des redevances fixé paraît disproportionné au regard, d'une part, de la charge que cela représente pour les pouvoirs public, d'autre part de ses conséquences sur la situation des petites et moyennes entreprises ;
- il méconnaît le principe de liberté du commerce et de l'industrie et la liberté d'entreprendre garantis par la Constitution ainsi que le principe d'égalité tel qu'appréhendé par le droit de l'Union européenne ;
- la disposition litigieuse est prise en application de dispositions du code de la santé publique elles-mêmes illégales dès lors que les articles L. 3513-10 et L. 3513-12 de ce code méconnaissent la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014, que l'article L. 3513-10 est incompatible avec la directive 2015/1535/UE du 9 septembre 2015 et que l'article L. 3513-12 méconnaît la Constitution.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requête ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret dont il est demandé de suspendre l'exécution ;
2° Sous le n° 404955, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 et 30 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Solana demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2016-1117 du 11 août 2016 relatif à la fabrication, à la représentation, à la vente et à l'usage des produits du tabac, des produits du vapotage et des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac ;
2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêté du 22 août 2016 relatif aux produits du tabac, du vapotage, et à fumer à base de plantes autres que le tabac ainsi qu'au papier à rouler les cigarettes, en tant qu'il est pris pour l'application de l'article L. 3513-10 du code de la santé publique et du décret n° 2016-1117 du 11 août 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La requérante soutient que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'atteinte à sa situation et à la concurrence sur le marché des produits du vapotage est immédiate et n'est pas justifiée par l'objectif de santé publique poursuivi par la directive transposée ;
- il existe un doute sérieux sur la légalité du décret et de l'arrêté attaqués dès lors qu'ils méconnaissent la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 et sont incompatibles avec la directive 2015/1535/UE du 9 septembre 2015.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requête ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret et de l'arrêté dont il est demandé de suspendre l'exécution.
3° Sous le n° 405421, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 25 novembre et le 30 novembe 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés E-Labo France et Smakq Développement demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2016-1139 du 22 août 2016 complétant les dispositions relatives à la fabrication, à la présentation, à la vente et à l'usage des produits du tabac, des produits du vapotage et des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'atteinte à leur situation est grave et immédiate et fait obstacle à la poursuite de leurs activités ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité externe du décret du 22 août 2016 dès lors qu'il n'a pas fait l'objet, préalablement à son adoption, d'une analyse d'impact circonstanciée ;
- il méconnaît la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 dès lors qu'il institue une taxe et non une redevance pour service rendu et que le montant fixé est disproportionné tant au regard de la charge correspondante pour les pouvoirs publics que de ses conséquences sur la situation des petites et moyennes entreprises ;
- il est pris en application de dispositions elles-mêmes illégales dès lors que l'ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 méconnait la directive 2014/40/UE ;
- il ne respecte pas le principe d'une entrée en vigueur différée d'au moins deux mois à compter de la date de publication, posé dans la circulaire du 23 mai 2011 relative aux dates communes d'entrée en vigueur des normes concernant les entreprises ;
- il méconnaît le principe d'égalité, tel qu'appréhendé par le droit de l'Union européenne, en ce qu'il traite de la même manière les produits du tabac et les produits de vapotage en dépit de leurs différences.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par la requête ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret dont il est demandé de suspendre l'exécution.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, les sociétés Solana, E-Labo et Smakq Développement, d'autre part, la ministre des affaires sociales et de la santé ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 1er décembre 2016 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Delamarre, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la société Solana ;
- les représentants de la société Solana ;
- les représentants de la société E-Labo ;
- les représentants de la société Smakq Développement ;
- les représentants de la ministre des affaires sociales et de la santé ;
- les représentants de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé l'instruction au lundi 5 décembre à 18 heures ;
Par un nouveau mémoire enregistré le 2 décembre 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé maintient, sous les trois numéros, ses conclusions tendant au rejet des requêtes présentées par les sociétés Solana, E-Labo et Smakq Développement. Elle soutient que le décret n°2016-1139 du 22 août 2016 et l'arrêté du 22 août 2016 dont il est demandé de suspendre l'exécution sont, à la suite de discussions conduites avec les représentants des entreprises concernées, en cours de modification, en vue de réduire de près de moitié le montant du droit fixe dû lors de la notification des produits de vapotage et d'en permettre un paiement échelonné. Elle indique qu'aucun droit ne sera perçu au titre du décret, dans sa version actuelle, et que l'échéance de paiement des droits, tels que fixés par le projet de décret modifié, sera repoussée au 31 décembre 2016. Elle en déduit, dès lors que les actes contestés n'ont pas vocation à être appliqués en l'état, qu'il n'y a pas d'urgence à en suspendre l'exécution.
Par deux mémoires, enregistrés le 5 décembre 2016, la société Solana sous les numéros 404875 et 404955 et les sociétés E-Labo et Smakq développement sous le numéro 405421 concluent aux mêmes fins que leurs requêtes par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 ;
- la directive 2015/1535/UE du 9 septembre 2015 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2015-29 du 29 janvier 2015 ;
- la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 ;
- l'ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 ;
- le code de justice administrative ;
1. Considérant que les requêtes nos 404875 et 405421 tendent à la suspension de l'exécution du décret n° 2016-1139 du 22 août 2016 complétant les dispositions relatives à la fabrication, à la présentation, à la vente et à l'usage des produits du tabac, des produits du vapotage et des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac ; que la requête n° 404955 tend à la suspension de l'exécution du décret n° 2016-1117 du 11 août 2016 relatif à la fabrication, à la représentation, à la vente et à l'usage des produits du tabac, des produits du vapotage et des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac et de l'arrêté du 22 août 2016, pris pour son application ; que ces requêtes soulèvent des questions identiques ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
3. Considérant que l'article 20 de la directive 2014/40/UE du 3 avril 2014 prévoit que les Etats membres soumettent les fabricants et les importateurs de cigarettes électroniques et de flacons de recharge à une procédure de notification de tout produit de ce type qu'ils ont l'intention de mettre sur le marché ; que ce même article prévoit que les Etats membres peuvent percevoir des redevances proportionnelles auprès des fabricants et des importateurs pour la réception, le stockage, le traitement et l'analyse des informations qui leur sont soumises au titre de cette procédure de notification ; qu'il a été procédé à la transposition de cette directive par une ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 ; que cette ordonnance crée au sein du titre Ier du livre V de la troisième partie du code de la santé publique un chapitre III intitulé " Produits du vapotage " comportant les articles L. 3513-1 à L. 3513-19 ;
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 3513-10 du code de la santé publique : " Six mois avant la mise sur le marché de produits du vapotage contenant de la nicotine, les fabricants et importateurs soumettent à l'établissement public désigné par arrêté un dossier de notification par marque et par type de produit. " ; que l'article 6 de l'ordonnance du 19 mai 2016 précise que, pour les produits commercialisés avant le 20 mai 2016, le dossier de notification doit être transmis au plus tard le 20 novembre 2016 ; qu'aux termes de l'article L. 3513-19 du même code : " Sauf dispositions contraires, un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent chapitre, notamment celles relatives aux articles L. 3513-6 et L. 3513-7, ainsi que le contenu de la notification et de la déclaration mentionnées aux articles L. 3513-10 et L. 3513-11, leurs modalités de transmission et d'actualisation, la nature des informations qui sont rendues publiques et les modalités à cet effet " ; que le décret n° 2016-1117 du 11 août 2016 a introduit dans le code de la santé publique un article R. 3513-6 énumérant les informations devant figurer au dossier de notification mentionné à l'article L. 3513-10 ; que l'arrêté du 22 août 2016 relatif aux produits du tabac, du vapotage, et à fumer à base de plantes autres que le tabac, pris en application de ce décret ci-dessus et de l'article L. 3510-10 du code de la santé publique, désigne, par son article 12, l'agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail comme étant l'établissement public chargé de recevoir les notifications ; que la société Solana sollicite la suspension de l'exécution du décret du 11 août 2016 et de l'arrêté du 22 août 2016 ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 3513-12 du code de la santé publique : " Toute notification mentionnée à l'article L. 3513-10 donne lieu au versement, au profit de l'établissement public mentionné par cet article, d'un droit pour la réception, le stockage, le traitement, et l'analyse des informations, dont le montant est fixé par décret, dans la limite de 7 600 euros. " ; que le décret n° 2016-1139 du 22 août 2016 a introduit par son article 6, dans le code de la santé publique, un article D. 3513-10 en vertu duquel le montant des droits mentionnés à l'article L. 3513-12 est fixé à 550 euros par produit figurant dans toute notification ou modification substantielle de notification, prévues à l'article L. 3513-10, et à 120 euros par produit et par an pour le stockage, le traitement et l'analyse des notifications mentionnées à l'article L. 3513-10 ; que les requérantes sollicitent la suspension de l'exécution du décret du 22 août 2016 ;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions citées au point 2 que le prononcé de la suspension d'un acte administratif est subordonné notamment à une condition d'urgence ; que l'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ; que l'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire ;
7. Considérant que les sociétés Solana, E-Labo et Smakq Développement sont spécialisées dans la fabrication et la commercialisation de flacons de recharge destinés aux cigarettes électroniques ; que la société Solana soutient qu'elledéveloppe la commercialisation de ces produits dans quarante saveurs différentes, trois taux de nicotine distincts et sous deux marques, ce qui lui imposait de procéder à la transmission de 240 dossiers de notification ; qu'il résulte des taux fixés par le décret du 22 août 2016 que le montant total des droits attachés à ces notifications s'élève à près de 161 000 euros, soit plus de quatre fois son chiffre d'affaires de l'année 2015 et près de deux fois son chiffre d'affaires des neufs premiers mois de l'année 2016 ; qu'elle soutient que du fait de l'impossibilité pour elle d'acquitter de telles sommes, elle a été contrainte de réduire son catalogue de moitié, en mettant fin à la commercialisation de ses produits sous l'une de ses deux marques, ce qui l'expose à la perte définitives des investissements correspondants ; que nonobstant cette réduction de son catalogue, le respect des obligations découlant, pour elle, du décret du 22 août 2016 la contraint selon elle à contracter un emprunt de 50 000 euros ; que la société E-labo soutient, pour sa part qu'elle fabrique ses produits dans quatre-vingt saveurs différentes, trois taux de nicotine distincts et sous deux marques, ce qui lui imposait de procéder à la transmission de 480 dossiers de notification ; qu'il résulte des taux fixés par le décret du 22 août 2016 que le montant total des droits attachés à ces notifications s'élève à près de 322 000 euros, soit environ cinq fois son chiffre d'affaires de l'année 2015 ; que la société Smakq Développement, propriétaire de l'une des marques sous lesquelles sont vendus les produits fabriqués par la société E-labo, soutient que l'obligation de notification menacerait gravement sa situation économique ; que les requérantes en déduisent que la mise en oeuvre des décrets attaqués, qui impliquait pour elles le paiement de ces sommes avant le 20 novembre 2016, ferait obstacle à brève échéance à la poursuite de leurs activités et préjudicie ainsi de manière grave et immédiate à leur situation économique, de sorte que la condition d'urgence serait satisfaite ;
8. Considérant, toutefois, qu'il a été indiqué à l'audience publique par les représentants du ministère des affaires sociales et de la santé qu'à la suite de négociations conduites avec la Fédération interprofessionnelle de la VAPE, qui regroupe des professionnels de la cigarette électronique en France, il a été décidé par les pouvoirs publics de ne pas mettre en oeuvre, en l'état, les décrets attaqués, de modifier le montant des droits dus lors du dépôt des dossiers de notification et d'aménager le calendrier de paiement de ces droits ; que les représentants du ministère ont indiqué qu'aucun paiement ne serait réclamé aux entreprises du secteur avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles ; que les requérantes ne contestent pas n'avoir ni procédé aux notifications auxquelles elles étaient tenues, ni acquitté les droits correspondants à la date limite du 20 novembre 2016, fixée par l'ordonnance du 19 mai 2016 pour les produits commercialisés au 20 mai 2016 ; que la ministre des affaires sociales et de la santé a produit postérieurement à l'audience publique un projet de décret, signé par elle et destiné à être signé par les autres ministres contresignataires avant signature par le Premier ministre, réduisant à 295 euros le montant du droit fixe dû pour chaque notification, repoussant de quelques mois le paiement du droit annuel et échelonnant les dates de déclaration et de paiement pour les produits mis sur le marché à compter du 1er janvier 2017 ; que, dans ces conditions, aucun préjudice grave et immédiat à la situation économique des requérantes n'apparaît découler de la mise en oeuvre, en l'état, des décrets et de l'arrêté contesté ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en l'état de l'instruction et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'existence d'un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées, la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les requêtes des sociétés Solana, E-Labo et Smakq Développement, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : Les requêtes des sociétés Solana, E-Labo et Smakq Développement sont rejetées.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés Solana, E-Labo et Smakq Développement et à la ministre des affaires sociales et de la santé.