3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au profit de chacune des sociétés requérantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- leur requête est recevable et relève de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ;
- la condition de l'urgence est remplie dès lors, d'une part, que le refus d'abroger l'article 3 du décret du 29 mai 2018 porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à leur situation en ce que la baisse du seuil applicable aux obligations d'économies d'énergie des acteurs de la filière " carburant " leur impose de nouvelles charges susceptibles de remettre en cause leur pérennité et, d'autre part, que l'intérêt public justifie cette abrogation ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;
- la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit dès lors que la baisse du seuil applicable aux obligations d'économies d'énergie a pour effet d'imposer des obligations excessivement lourdes aux petits entrepositaires agréés, contrairement à la volonté du législateur ;
- elle méconnaît le droit de la concurrence dès lors qu'elle met les grandes entreprises pétrolières dans une position dominante sur le marché de la distribution de carburants sous douane ;
- elle méconnaît les principes de la liberté du commerce et de l'industrie et de la liberté d'entreprendre ;
- elle méconnaît le principe d'égalité devant la loi dès lors que, d'une part, seuls les carburants autres que le gaz de pétrole liquéfié sont soumis à la baisse du seuil applicable aux obligations d'économies d'énergie et, d'autre part, les petits entrepositaires agréés nouvellement assujettis aux obligations d'économies d'énergie vont subir l'augmentation des prix des certificats d'économie d'énergie contrairement aux grands " metteurs à la consommation de carburant ".
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 janvier 2019, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la société Fioul 83 et la société Boudret SAS et, d'autre part, le Premier ministre et le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 10 janvier 2019 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Stoclet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat des sociétés Fioul 83 et Boudret SAS ;
- les représentants des sociétés Fioul 83 et Boudret SAS ;
- les représentants du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction à 18 heures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 10 janvier 2019, par lequel les sociétés Fioul 83 et Boudret SAS maintiennent les conclusions et les moyens de leur requête ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". L'urgence justifie la suspension de l'exécution d'un acte administratif lorsque celui-ci porte atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'affaire.
2. Aux termes de l'article R. 221-3 du code de l'énergie, tel que modifié par le décret du 29 mai 2018 : " Pour chaque année civile des périodes mentionnées à l'article R. 221-1, sont soumises à des obligations d'économies d'énergie les personnes pour lesquelles au moins l'une des quantités définies à l'article R. 221-2 est supérieure, la même année, aux seuils suivants : /1° Pour la quantité de fioul domestique : a) 500 mètres cubes pour les années civiles 2015 à 2018 ; b) 1 000 mètres cubes pour les années suivantes ; /2° Pour la quantité de carburants autres que le gaz de pétrole liquéfié : a) 7 000 mètres cubes pour les années civiles 2015 à 2018 ; b) 1 000 mètres cubes pour les années suivantes ; /3° Pour la quantité de gaz de pétrole liquéfié carburant mentionnée au 3° de l'article R. 221-2 : 7 000 tonnes ; /4° Pour la quantité de chaleur et de froid : 400 millions de kilowattheures d'énergie finale ; /5° Pour la quantité d'électricité : 400 millions de kilowattheures d'énergie finale ; /6° Pour la quantité de gaz de pétrole liquéfié autre que celui mentionné au 3° : 100 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale ; /7° Pour la quantité de gaz naturel : 400 millions de kilowattheures de pouvoir calorifique supérieur d'énergie finale ".
3. Les sociétés requérantes ont demandé au Premier ministre, par un courrier reçu le 18 octobre 2018, d'abroger l'article 3 du décret du 29 mai 2018 relatif aux certificats d'économies d'énergie et aux obligations d'économies d'énergie auxquelles sont soumises les personnes mettant à la consommation du fioul domestique, en tant qu'il modifie le 2° de l'article R. 221-3 du code de l'énergie précité.
4. Pour caractériser l'urgence qu'il y a à suspendre la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté cette demande, les sociétés requérantes soutiennent que la baisse du seuil de soumission à des obligations d'économies d'énergie de 7 000 à 1 000 m3 de carburants autres que le gaz de pétrole liquéfié mis à la consommation sur le territoire national, à compter du 1er janvier 2019, est de nature à porter une atteinte grave et immédiate à leurs intérêts particuliers dès lors qu'elle leur impose de nouvelles charges susceptibles de remettre en cause leur pérennité économique. Elles relèvent également qu'il existe un intérêt public tenant au maintien d'un niveau minimal de concurrence sur le marché des " metteurs à la consommation " de carburants en ne compromettant pas la survie économique des petites entreprises intervenant sur ce marché.
5. Toutefois, d'une part, les sociétés requérantes n'apportent pas d'éléments suffisamment concrets et précis de nature à établir que cette baisse du seuil de soumission à des obligations d'économies d'énergie porterait à leur situation financière une atteinte grave et immédiate telle qu'elle affecterait leur pérennité à court terme. D'autre part, il y a lieu de tenir compte, dans la balance des intérêts à laquelle procède le juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, pour apprécier si la condition d'urgence doit être regardée comme remplie, de l'intérêt public s'attachant à l'objectif de préservation de l'environnement poursuivi par les auteurs du décret du 29 mai 2018. Enfin, les risques invoqués par les sociétés requérantes apparaissent limités dès lors que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sera normalement en mesure de se prononcer sur la requête en annulation dans les prochains mois.
6. Il résulte de ce qui précède que la condition d'urgence ne peut être regardée comme remplie. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, la requête des sociétés Fioul 83 et Boudret SAS doit être rejetée, y compris leurs conclusions tendant au prononcé d'une injonction et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête des sociétés Fioul 83 et Boudret SAS est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée aux sociétés Fioul 83 et Boudret SAS, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.