Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- leur requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, que le décret contesté est entré en vigueur le 1er janvier 2021 et, d'autre part, qu'il préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts qu'ils défendent ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des articles 3 et 4 de ce décret ;
- ils sont entachés d'incompétence dès lors, d'une part, que la détermination des autorités compétentes pour procéder à la légalisation des actes publics étrangers relève de la seule compétence du législateur et que le II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 ne renvoie au pouvoir réglementaire que les modalités de la légalisation, ce qui ne lui permet pas de modifier les autorités compétentes pour y procéder ;
- ils diffèrent à la fois du texte soumis au Conseil d'Etat et de celui résultant de l'avis émis par celui-ci lorsqu'il a été consulté sur le projet ;
- ils méconnaissent la coutume internationale et le principe de droit public international de l'égalité souveraine des Etats en ce qu'ils ne prévoient pas que la légalisation d'un acte public étranger peut, dans tous les cas, être opérée tant par les autorités consulaires françaises à l'étranger que par les autorités consulaires en France de l'Etat d'émission de l'acte en cause ;
- ils portent atteinte de manière excessive et injustifiée au droit d'accès à un juge protégé par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'ils rendent excessivement contraignante, en particulier pour un étranger déjà présent sur le territoire national, la procédure de légalisation d'un acte public étranger, nécessaire pour se prévaloir d'un tel acte en justice ;
- l'article 4 méconnaît l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 25 janvier 2021, le Conseil national des barreaux conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête. Il soutient que son intervention est recevable et se réfère aux moyens de la requête.
La requête a été communiquée au Premier ministre et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui n'ont pas présenté de mémoire.
2° Sous le n° 448307, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 décembre 2020 et 25 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les associations Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) et Informations sur les mineurs isolés étrangers (InfoMIE) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 en tant que l'exigence de légalisation qu'il pose s'applique, en premier lieu, aux demandeurs d'asile, aux contentieux des mineurs non accompagnés ainsi que, dès lors que la minorité est invoquée, aux contentieux des décisions portant obligation de quitter le territoire français et des décisions d'expulsion, en deuxième lieu, dans le cadre des demandes d'admission au séjour et d'admission au bénéfice du regroupement familial, au stade de l'enregistrement des demandes d'admission au séjour et d'admission au bénéfice du regroupement familial ainsi qu'à celui de la délivrance d'un récépissé et, en dernier lieu, dans l'hypothèse dans laquelle les délais de légalisation sont incompatibles avec les délais d'instruction des demandes et, dans le cadre des demandes d'admission au séjour et d'admission au bénéfice du regroupement familial, dans l'hypothèse dans laquelle les délais de légalisation sont incompatibles avec les délais de procédure ;
2°) de suspendre l'exécution des articles 3 et 4 du décret n° 2020-1370 du 10 novembre 2020 et, à titre subsidiaire, de suspendre l'exécution de ces articles en tant que les modalités de légalisation qu'ils fixent s'appliquent, en premier lieu, aux demandeurs d'asile, aux contentieux des mineurs non accompagnés ainsi que, dès lors que la minorité est invoquée, aux contentieux des décisions portant obligation de quitter le territoire français et des décisions d'expulsion et, d'autre part, ne comportent pas d'exception à la légalisation définitive des actes publics par les seules autorités consulaires françaises en cas d'incompatibilité des délais d'instruction des demandes d'admission au séjour et d'admission au bénéfice du regroupement familial et des délais de légalisation par les autorités consulaires françaises dans l'Etat concerné et dans l'hypothèse dans laquelle les délais de légalisation sont incompatibles avec les délais de procédure ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;
- leur requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors, d'une part, que le décret contesté est entré en vigueur le 1er janvier 2021 et, d'autre part, qu'il préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts qu'ils défendent ;
- il est entaché d'incompétence dès lors que l'édiction d'une règle relative à la force probante des actes d'état civil émanant d'autorités étrangères relève de la seule compétence du législateur ;
- les dispositions du II de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 en application desquelles le décret contesté a été pris méconnaissent les articles 2, 3 et 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 78 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que le 2° du paragraphe A de l'article 1er de la convention de Genève en ce qu'elles n'exceptent pas les demandeurs d'asile de l'exigence de légalisation des actes publics étrangers pour leurs actes d'état civil ;
- en tant qu'elles s'appliquent aux demandeurs d'asile, les modalités de légalisation prévues par les articles 3 et 4 du décret attaqué méconnaissent les mêmes stipulations internationales ;
- les mêmes dispositions législatives méconnaissent les articles 3-1 et 8 de la convention des droits de l'enfant et l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en ce qu'elles imposent la légalisation des actes publics étrangers dans les contentieux relatifs aux mineurs non accompagnés ou dans le cadre de procédures d'urgence les concernant ;
- en tant qu'elles s'appliquent aux mineurs non accompagnés, les modalités de légalisation prévues par les articles 3 et 4 du décret attaqué méconnaissent les mêmes stipulations internationales ;
- elles sont de nature à porter atteinte au droit à la vie privée et familiale lors des demandes d'admission au séjour ou au bénéfice du regroupement familial ;
- les articles 3 et 4 du décret contesté méconnaissent la coutume internationale et l'article 47 du code civil en ce qu'ils ne prévoient pas que la légalisation d'un acte public étranger peut, dans tous les cas, être opérée tant par les autorités consulaires françaises à l'étranger que par les autorités consulaires en France de l'Etat d'émission de l'acte en cause ;
- ces articles du décret méconnaissent la coutume internationale et la loi du 23 mars 2019 en imposant qu'un acte déjà légalisé par l'autorité compétente de l'Etat étranger soit " surlégalisé " par les autorités françaises pour produire effet en France ;
- ils méconnaissent le principe de l'égalité des armes et le droit à l'accès au juge.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 25 janvier 2021, le Conseil national des barreaux conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la requête. Il soutient que son intervention est recevable et se réfère aux moyens de la requête.
La requête a été communiquée au Premier ministre et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères, qui n'ont pas présenté de mémoire.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la Constitution, notamment son préambule ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l'exigence de la légalisation des actes publics étrangers ;
- la convention de Bâle du 3 septembre 1985 relative à la coopération internationale en matière d'aide administrative aux réfugiés ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 ;
- la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, le Syndicat des avocats de France, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et l'association Informations sur les mineurs isolés étrangers, ainsi que le Conseil national des barreaux et d'autre part, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et le garde des sceaux, ministre de la justice ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 26 janvier 2021, à 10 heures :
- Me Zribi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et de l'association Informations sur les mineurs isolés étrangers ;
- les représentants du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et du Syndicat des avocats de France ;
- les représentants de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et de l'association Informations sur les mineurs isolés étrangers ;
- le représentant du Conseil national des barreaux ;
- les représentants du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ;
- les représentants du garde des sceaux, ministre de la justice ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au 1er février 2021 à 12 heures, puis au même jour à 18 heures.
Le garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté un nouveau mémoire, enregistré le 28 janvier 2021. Il conclut au rejet des requêtes.
Le Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et le Syndicat des avocats de France , ainsi que le Conseil national des barreaux ont présenté un nouveau mémoire, enregistré le 1er février 2021 avant la clôture de l'instruction. Ils reprennent les conclusions de leur requête.
L'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et l'association Informations sur les mineurs isolés étrangers ont présenté un nouveau mémoire, enregistré le 1er février 2021 avant la clôture de l'instruction. Ils reprennent les conclusions de leur requête.
Le garde des sceaux, ministre de la justice a présenté une note en délibéré au titre des deux requêtes, enregistrée le 1er février 2021 après la clôture de l'instruction.
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes tendent à la suspension de l'exécution du même décret sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du même code : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".
3. Il résulte de l'instruction que la légalisation des actes publics étrangers est définie par l'article 2 de la convention de la Haye du 5 octobre 1961, visée ci-dessus, comme " la formalité par laquelle les agents diplomatiques et consulaires du pays sur le territoire duquel l'acte doit être produit attestent la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu ". A moins d'engagements internationaux contraires, tels que la convention de La Haye remplaçant entre ses Etats parties signataires cette formalité par celle de l'apostille, la légalisation était imposée, s'agissant des actes publics étrangers destinés à être produits en France, sur le fondement de l'article 23 du titre IX du livre Ier de l'ordonnance de la marine d'août 1681, jusqu'à ce que ce texte soit abrogé par le II de l'article 7 de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques. L'exigence de légalisation est toutefois demeurée, sur le fondement de la coutume internationale, reconnue par une jurisprudence établie du juge judiciaire, jusqu'à l'intervention de la loi du 23 mars 2019 de programmation de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
4. Le II de l'article 16 de cette loi dispose désormais que : " Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. / Un décret en Conseil d'Etat précise les actes publics concernés par le présent II et fixe les modalités de la légalisation ".
5. Le décret du 10 novembre 2020 relatif à la légalisation des actes publics établis par une autorité étrangère, dont les requérants demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre l'exécution, a été pris en application de ces dispositions. En vertu de son article 10, ses dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021.
Sur l'intervention :
6. Le Conseil national des barreaux justifie d'un intérêt à la suspension des dispositions du décret attaqué. Ainsi son intervention est recevable.
Sur le doute sérieux :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :
7. Il résulte des dispositions citées au point 4 que, sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère doit, s'il est destiné à être produit en France, être légalisé pour y produire effet. Il en résulte également que le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire la fixation des modalités de la légalisation, dont il a donné la définition. Par suite, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire n'aurait pas été compétent pour rappeler cette obligation, ainsi définie, et pour déterminer les autorités auxquelles la réalisation de cette formalité est confiée n'est, en l'état de l'instruction, pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux.
En ce qui concerne l'obligation de légalisation :
8. En premier lieu, il résulte des termes mêmes du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 que l'obligation de légalisation des actes publics étrangers destinés à être produits en France n'est imposée que sauf engagement international contraire. Il n'est pas contesté qu'est au nombre de ces engagements internationaux contraires l'article 8 de la convention relative à la coopération internationale en matière d'aide administrative aux réfugiés, signée à Bâle le 3 septembre 1985, ratifié et entrée en vigueur en France, dispensant de toute légalisation ou de toute formalité équivalente sur le territoire de chacun des Etats liés par cette convention les documents concernant l'identité et l'état civil des réfugiés qui émanent de leurs autorités d'origine. Le moyen tiré de ce que les dispositions du II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2019 méconnaîtraient diverses conventions internationales en ce qu'elles imposeraient la légalisation des actes d'état civil des demandeurs d'asile manque ainsi en fait.
9. En deuxième lieu, la seule circonstance que le législateur n'ait pas dispensé de légalisation les actes d'état civil produits en justice par des mineurs étrangers dans le cadre d'une demande de mesure d'assistance éducative ou dans des contentieux d'urgence les concernant ne peut, par elle-même, faire obstacle à ce que la protection à laquelle les intéressés ont droit soit le cas échéant assurée ou à ce qu'ils bénéficient des garanties attachées à leur minorité. Au demeurant, les requérants admettent que l'exigence de légalisation, qui ne conduit à s'assurer que de l'auteur de l'acte et non de sa substance, n'y faisait pas obstacle lorsqu'elle résultait, antérieurement à la loi du 23 mars 2016, de l'ordonnance de la marine d'août 1681 puis de la coutume internationale, qui ne réservaient pas davantage cette situation. Par suite, le moyen tiré de ce que, pour ce motif, l'article II de l'article 16 de la loi du 23 mars 2016 porterait atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, en méconnaissance de l'article 24 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi qu'au droit de l'enfant de préserver son identité, reconnu par l'article 8 de la convention des droits de l'enfant, n'est, en tout état de cause, en l'état de l'instruction, pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux, pris pour l'application de ces dispositions législatives.
En ce qui concerne les modalités de la légalisation :
10. Il résulte des articles 3 et 4 du décret attaqué qu'en principe, et sous réserve de certaines exceptions et dérogations qu'ils précisent, la légalisation d'un acte public étranger est effectuée par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français résidant dans l'Etat d'émission de l'acte, le cas échéant après légalisation de cet acte par l'autorité compétente de cet Etat.
11. Les requérants soutiennent, en premier lieu, qu'un doute sérieux existe quant à la légalité de ces dispositions en ce qu'elles ne prévoient pas que la légalisation peut être effectuée aussi bien par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français résidant dans l'Etat d'émission de l'acte que par l'ambassadeur ou le chef de poste de l'Etat d'émission de l'acte résidant en France, ainsi que cela était admis antérieurement au décret attaqué.
12. Toutefois, et contrairement à ce qu'ils soutiennent, il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction que la coutume internationale dont ils se prévalent en matière de légalisation, dont l'existence n'est pas contestée s'agissant de l'obligation de procéder à cette formalité, s'étendrait aux modalités de cette légalisation et, en particulier, qu'elle inclurait " l'usage diplomatique " dont fait état l'instruction générale relative à l'état civil du 11 mai 1999, selon lequel les copies ou extraits d'actes de l'état civil établis dans un pays étranger peuvent être légalisés, non seulement dans ce pays étranger par le consul de France qui y est accrédité, mais également en France par le consul du pays où ils ont été établis.
13. Il n'apparaît pas davantage, en tout état de cause, que le principe de droit public international dit de " l'égalité souveraine des Etats ", invoqué par les requérants, impliquerait que tout Etat ouvre aux ambassadeurs ou chefs de poste consulaires étrangers accrédités sur son territoire la faculté de légaliser, pour leur faire produire effet sur son territoire, les actes publics émis par cet Etat étranger dans les mêmes conditions qu'il le permet aux ambassadeurs ou chefs de poste consulaires que lui-même accrédite sur le territoire de cet Etat étranger.
14. Les requérants soutiennent, en deuxième lieu, qu'un doute sérieux existe quant à la légalité des mêmes dispositions en ce qu'elles imposent la " surlégalisation " de certains actes et en ce qu'en limitant à des hypothèses trop restreintes la possibilité d'une légalisation par une autorité autre que l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français de l'Etat d'émission de l'acte, elles introduiraient une contrainte disproportionnée, de nature à porter atteinte au droit au recours et à l'égalité des armes des étrangers amenés, notamment lorsqu'ils entendent présenter une demande d'asile ou défendre les droits afférents à leur qualité de mineur, à produire en justice des actes d'état civil.
15. Toutefois, il résulte de l'instruction que la légalisation d'un acte public étranger par l'autorité compétente de cet Etat avant que cet acte ne soit légalisé par l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français se justifie par la nécessité de vérifier la véracité de la signature et la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi, ce que les autorités diplomatiques françaises ne peuvent être en mesure de faire à défaut de disposer de recueils des signatures et qualités des autorités étrangères habilitées à émettre des actes publics. En dépit des deux étapes qu'elle comporte pour la personne souhaitant se prévaloir d'un acte public étranger, cette procédure ne peut ainsi être regardée comme induisant un alourdissement des formalités qui pourrait être aisément évité, ce que corrobore le constat, non démenti, de son caractère courant dans de nombreux Etats, dont la France s'agissant de la légalisation des actes publics qu'elle émet.
16. En outre, s'il n'est pas contesté que le décret attaqué, en ce qu'il limite à certaines hypothèses la possibilité que la légalisation d'un acte public étranger soit opérée par une autorité autre que l'ambassadeur ou le chef de poste consulaire français de l'Etat d'émission, a pour effet que cette légalisation doit, lorsqu'elle ne relève pas des exceptions prévues à cette règle, être sollicitée sur le territoire de l'Etat d'émission de l'acte et non en France, cette contrainte ne peut, par elle-même, en l'état de l'instruction, être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit au recours ou à l'égalité des armes. D'une part en effet, bien que ne pouvant à ce jour être sollicitée à distance du fait des droits de chancellerie à acquitter, elle peut l'être par le truchement d'un mandataire, qui peut être proposé par le poste consulaire. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction qu'ainsi que cela est soutenu, les postes consulaires français ne seraient pas à ce jour en capacité de traiter les demandes de légalisation dans un délai raisonnable ou que le traitement de telles demandes par les postes consulaires étrangers situés en France serait susceptible d'être substantiellement plus rapide. Enfin, ainsi qu'il a été dit aux points 8 et 9, la légalisation n'est pas imposée aux demandeurs d'asile et l'absence de légalisation ne peut, par elle-même, faire obstacle à ce que la protection à laquelle les mineurs sollicitant une mesure d'assistance éducative ont droit soit le cas échéant assurée ou à ce qu'ils bénéficient des garanties attachées à leur minorité dans les contentieux d'urgence les concernant.
17. Aucun des autres moyens soulevés n'est davantage, en l'état de l'instruction, propre à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.
189. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'urgence, les requérants ne sont pas fondés à demander la suspension de son exécution. Leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par suite qu'être également rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention du Conseil national des barreaux au soutien des deux requêtes est admise.
Article 2 : Les requêtes du Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s et autre et de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers et autre sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Groupe d'information et de soutien des immigré.e.s, première dénommée, pour les deux associations requérantes sous le n° 448294, à l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers, première dénommée, pour les deux associations requérantes sous le n° 448307, au Conseil national des barreaux, au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au Premier ministre.