Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'elle a notamment pour objet social la formation et l'éducation des jeunes ainsi que la gestion d'établissements scolaires ;
- la condition d'urgence est satisfaite eu égard à la proximité des épreuves de la session 2021 du baccalauréat, à la nécessité d'assurer la lisibilité de leur organisation, et à l'impact des modalités d'évaluation distinctes instituées par le décret du 25 février 2021 sur l'avenir des élèves et leur entrée dans l'enseignement supérieur ;
- cette condition est également satisfaite en ce que le maintien des épreuves du baccalauréat pour les élèves des établissements privés hors contrat est susceptible d'avoir des conséquences graves sur la santé des élèves mais aussi du personnel des établissements scolaires qui accueilleront les centres d'examen dédiés aux épreuves concernées ;
- les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité entre les candidats au baccalauréat en ce qu'il exclut les élèves des établissements privés hors contrat du bénéfice du contrôle continu pour l'évaluation des enseignements de spécialités et des enseignements communs, et ce, en dépit de l'absence de différence de situation entre ces élèves et ceux des établissements publics ou privés sous contrat de nature à justifier une telle différence de traitement ;
- elles méconnaissent le droit à l'instruction et le principe d'égalité d'accès à l'enseignement supérieur en ce que les modalités différentes d'évaluation prévues pour les élèves issus des établissements privés hors contrat ne permettront pas la prise en compte des notes obtenues au titre de certaines matières, notamment optionnelles, dans les dossiers Parcoursup des élèves concernés ;
- les dispositions contestées portent atteinte au droit à la santé dès lors que l'organisation des épreuves écrites de spécialité imposant la présence physique des élèves lycées privés hors contrat et personnels des établissements dans lesquelles ces épreuves seront organisées va à l'encontre de toutes les mesures prises par le gouvernement visant à réduire au maximum tous contacts et interactions sociales.
Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 et 17 mars 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête n'est pas recevable eu égard à l'absence d'intérêt à agir de la requérante, que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution et notamment son Préambule ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- l'ordonnance n° 2020-1694 du 24 décembre 2020 ;
- le décret n° 2018-614 du 16 juillet 2018 ;
- le décret n° 2021-209 du 25 février 2021 ;
- l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d'organisation du contrôle continu pour l'évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat général et technologique ;
- l'arrêté du 11 octobre 2019 modifiant l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d'organisation du contrôle continu pour l'évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat général et au baccalauréat technologique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Lycée Edgar Morin et, d'autre part, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 17 mars 2021, à 11 heures :
- les représentants de l'association requérante ;
- les représentants du ministre de l'éducation, de la jeunesse et des sports ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a reporté la clôture de l'instruction au 18 mars 2021 à 20 heures ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. En distinguant les procédures prévues par les articles L. 521-1 et L. 5212 du code de justice administrative, le législateur a entendu répondre à des situations différentes. Les conditions auxquelles est subordonnée l'application de ces dispositions ne sont pas les mêmes, non plus que les pouvoirs dont dispose le juge des référés. En particulier, le requérant qui saisit le juge des référés sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative doit justifier des circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d'une mesure de la nature de celles qui peuvent être ordonnées sur le fondement de cet article.
Sur le cadre juridique du litige :
3. L'article 20 du décret du 16 juillet 2018 relatif aux enseignements conduisant au baccalauréat général et aux formations technologiques conduisant au baccalauréat technologique a modifié l'article D. 334-4 du code de l'éducation en disposant, pour ce qui est du baccalauréat général, que : " L'évaluation des enseignements obligatoires repose sur des épreuves terminales et sur des évaluations de contrôle continu tout au long du cycle terminal " et qu'" Un arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale définit les modalités d'organisation du contrôle continu pour le baccalauréat général et les conditions dans lesquelles est attribuée une note de contrôle continu aux candidats qui ne suivent les cours d'aucun établissement, aux candidats inscrits dans un établissement d'enseignement privé hors contrat, aux candidats scolarisés au Centre national d'enseignement à distance et aux sportifs de haut niveau (...) ".
4. Pour l'application de ces dispositions, l'arrêté du 16 juillet 2018 relatif aux modalités d'organisation du contrôle continu pour l'évaluation des enseignements dispensés dans les classes conduisant au baccalauréat général et technologique a fixé, par ses articles 1ers à 8, les modalités d'organisation de ce contrôle pour les candidats scolarisés dans les établissements publics d'enseignement et dans les établissements d'enseignement privés sous contrat. Les articles 1er et 2 de l'arrêté du 16 juillet 2018 prévoient, d'une part, que les candidats scolarisés dans les établissements d'enseignement publics ou privés sous contrat subissent trois sessions d'épreuves de contrôle continu, deux en classe de première et une en classe de terminale et, d'autre part, que la note de contrôle continu attribuée aux candidats au baccalauréat qui sont scolarisés dans les établissements publics d'enseignement et dans les établissements d'enseignement privés sous contrat compte pour quarante pour cent des coefficients attribués pour l'examen et est fixée, pour une part de trente pour cent, sur la base de trois sessions d'épreuves dites " évaluations communes " et, pour une part de dix pour cent, sur la base de l'évaluation des résultats de l'élève au cours du cycle terminal, telle qu'elle résulte des notes attribuées par ses professeurs. Le I de l'article 9 de de l'arrêté du 16 juillet 2018 prévoit en revanche que, pour les candidats scolarisés dans les établissements privés hors contrat, ceux-ci sont convoqués à une évaluation ponctuelle pour l'enseignement de spécialité ne donnant pas lieu à une épreuve terminale et à une évaluation ponctuelle pour chacun des autres enseignements faisant l'objet d'évaluations communes de contrôle continu, la note de contrôle continu mentionnée à l'article 1er étant fixée, conformément au II de l'article 9, en tenant compte des notes obtenues aux évaluations ponctuelles prévues au I de ce même article. Enfin, par un arrêté du 11 octobre 2019, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a modifié l'article 2 et le I de l'article 9 de l'arrêté du 16 juillet 2018 en reportant du deuxième au troisième trimestre de l'année de terminale la série d'épreuves communes de contrôle continu passées en classe de terminale, tant par les candidats scolarisés dans l'enseignement public et dans l'enseignement privé sous contrat que pour les autres candidats.
5. Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 24 décembre 2020 relative à l'organisation des concours et examens pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19, prise sur le fondement de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et de l'article 10 de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire : " Nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, les autorités compétentes pour la détermination des modalités d'accès aux formations de l'enseignement supérieur dispensées par les établissements relevant des livres IV et VII du code de l'éducation ainsi que pour la détermination des modalités de délivrance des diplômes de l'enseignement supérieur, y compris le baccalauréat, peuvent apporter à ces modalités les adaptations nécessaires à leur mise en oeuvre. / S'agissant des épreuves des examens ou concours, ces adaptations peuvent porter, dans le respect du principe d'égalité de traitement des candidats, sur leur nature, leur nombre, leur contenu, leur coefficient ou leurs conditions d'organisation, qui peut notamment s'effectuer de manière dématérialisée. "
6. Sur le fondement des dispositions citées au point 5, les articles 2 et 3 du décret du 25 février 2021 relatif à l'organisation de l'examen du baccalauréat général et technologique de la session 2021 ont prévu que les notes retenues au titre des épreuves terminales des enseignements de spécialité et des évaluations communes de la classe de terminale sont les moyennes annuelles de la classe de terminale inscrites dans le livret scolaire pour les enseignements concernés, pour les candidats scolarisés dans les établissements publics, dans les établissements privés sous contrat ou dans les établissements scolaires français à l'étranger qui figurent sur la liste prévue à l'article R. 451-2 du code de l'éducation pour le cycle terminal du lycée général et technologique. Par ailleurs, le deuxième alinéa de l'article 1er de ce décret dispose que ses articles 2 à 4 ne sont applicables qu'aux candidats scolarisés en classe de terminale pendant l'année scolaire 2020-2021 dans un établissement public, dans un établissement privé sous contrat d'association avec l'Etat ou dans un établissement scolaire français à l'étranger qui figurent sur la liste prévue à l'article R. 451-2 du code de l'éducation pour le cycle terminal du lycée général et technologique.
Sur la demande en référé :
7. L'association Lycée Edgar Morin demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du décret n° 2021-209 du 25 février 2021 relatif à l'organisation de l'examen du baccalauréat général et technologique de la session 2021 pour l'année scolaire 2020-2021, qui prévoit que, pour les élèves des établissements d'enseignement publics et privés sous contrat et des établissements scolaires français à l'étranger qui figurent sur la liste prévue à l'article R. 451-2 du code de l'éducation, les notes des deux épreuves terminales des enseignements de spécialités et les notes attribuées au titre des évaluations communes de la classe de terminale sont les moyennes annuelles de la classe de terminale, en tant que ses articles 2 et 3 ne sont pas applicables aux élèves des établissements d'enseignement privés hors contrat.
8. Pour établir l'existence d'une situation d'urgence justifiant que le juge des référés fasse usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, l'association Lycée Edgar Morin soutient que les premières épreuves de la session 2021 du baccalauréat auront lieu à partir du 10 mai 2021 et qu'il est urgent et impératif d'assurer la lisibilité des modalités selon lesquelles les différentes épreuves se dérouleront afin de permettre aux élèves de s'y préparer. En outre, elle fait valoir qu'en excluant les élèves des établissements privés hors contrat de l'extension du contrôle continu, le décret contesté conduit à instaurer des modalités d'évaluation différentes pour ces derniers, qui ne seront pas en mesure de renseigner en temps utile sur la plateforme " Parcoursup " les notes obtenues au titre des différentes épreuves. Enfin, l'association requérante soutient que la décision de maintenir des épreuves du baccalauréat dans les établissements privés hors contrat, dans un contexte d'aggravation de la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 et à la propagation de ses variants, aura des conséquences gravement préjudiciables pour la santé des élèves concernés, mais aussi des enseignants et du personnel des établissements scolaires dont la présence est requise pour l'organisation de ces épreuves.
9. Toutefois, il résulte de l'instruction, notamment des échanges lors de l'audience, que si les modalités d'examen des candidats au baccalauréat scolarisés dans les établissements privés hors contrat, fixées par l'arrêté du 16 juillet 2018, sont demeurées inchangées, plusieurs mesures ont été mises en place afin de favoriser les conditions de préparation de ces candidats au baccalauréat. En premier lieu, le calendrier des épreuves de la session 2021 a été aménagé par une note de service du 23 février 2021 publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 25 février 2021 qui a prévu le report des épreuves terminales des enseignements de spécialités, qui devaient avoir lieu les 15, 16 et 17 mars 2021, aux 7, 8 et 9 juin 2021 et l'organisation des évaluations ponctuelles à compter du 10 mai 2021, permettant ainsi un étalement des épreuves sur plusieurs semaines. En outre, aux termes d'une note de service du 11 mars 2021 publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 11 mars 2021, le contenu des enseignements de spécialité devant faire l'objet des évaluations ponctuelles a lui-même été aménagé, de telle sorte que les candidats auront pour chaque épreuve le choix entre deux sujets qui porteront sur des parties prépondérantes et différentes du programme de la classe de terminale. En deuxième lieu, s'il est soutenu que les élèves de terminale issus des établissements publics ou privés sous contrat bénéficient d'un avantage lors de l'inscription sur la plateforme " Parcoursup ", en ce qu'ils seraient en mesure de se prévaloir des notes de leur livret scolaire et de leurs résultats au baccalauréat à l'issue de la délibération du jury au mois de juillet, alors que les élèves des établissements privés hors contrat ne seront pas en mesure de le faire, il résulte de l'instruction que les inscriptions sur cette plateforme ont pris fin le 8 avril 2021. Par suite, aucun candidat scolarisé dans les établissements publics ou privés sous contrat n'a été en mesure de présenter, lors de son inscription, les notes qui seront prises en compte pour le baccalauréat au titre des évaluations communes et des épreuves de spécialités. En troisième lieu, si la reprise de la diffusion de l'épidémie s'est traduite au cours de la période récente par une aggravation significative sur l'ensemble du territoire national de la diffusion du virus, conduisant les pouvoirs publics à annoncer la généralisation des mesures jusque-là imposées à un nombre limité de départements et à la suspension de l'accueil des élèves dans les établissements d'enseignement secondaire à compter du 5 avril 2021 pour une période de quatre semaines, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de préjuger de la situation sanitaire qui prévaudra à la date à laquelle se tiendront les épreuves de la session 2021 du baccalauréat. S'il appartient dans tous les cas au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de prendre l'ensemble des mesures nécessaires afin de garantir le droit à la santé et la sécurité des élèves, des enseignants et des personnels chargés d'assurer le bon déroulement des épreuves de cet examen, il résulte des indications données par les représentants du ministère de l'éducation nationale lors de l'audience qu'en dépit de la situation sanitaire actuelle, les épreuves prévues pour les élèves scolarisés dans les établissements privés hors contrat pourront, compte tenu notamment du nombre limité d'élèves concernés, évalué à 4 000 pour un nombre total de candidats à la session 2021 du baccalauréat qui s'élève à 550 000, se dérouler en présentiel dans des conditions offrant les garanties de sécurité sanitaire requises.
10. Il résulte de tout ce qui précède que, eu égard notamment aux mesures d'ores et déjà prises pour aménager le calendrier des épreuves de la session 2021 du baccalauréat auxquelles les candidats issus des établissements privés hors contrat devront se soumettre, la condition d'urgence particulière requise par l'article L. 521-2 du code de justice administrative n'est pas, en l'espèce, satisfaite.
11. Par suite et sans qu'il soit besoin de se prononcer, d'une part, sur la fin de non-recevoir soulevée en défense par le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et, d'autre part, sur la condition tenant à l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, la requête de l'association Lycée Edgar Morin doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association Lycée Edgar Morin est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Lycée Edgar Morin et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.